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Recouvrement de créances en Italie : juridiction italienne et procédure (I), par Antonio Braggion, Avocat.
Parution : jeudi 3 juillet 2014
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L’injonction de paiement peut être utilisée soit par les créanciers étrangers pour recouvrer leurs créances en Italie, soit par les créanciers italiens contre leurs débiteurs étrangers.
Cet article présente la procédure de recouvrement des créances étrangères en Italie.

Mise à jour de l’article initial en Juillet 2014.

1. Utilisation de la procédure d’injonction de payer pour recouvrer des créances étrangères en Italie.

Un créancier étranger peut obtenir par le tribunal italien compétent une injonction de payer sur la base d’une preuve documentaire.

Dans le cas d’un contrat de vente de marchandises, et en cas de factures impayées, on pourra produire une copie des bonnes livraisons, signées par le débiteur, certifiant la livraison des marchandises, ou une lettre du débiteur qui reconnaît sa dette.

A défaut des documents susmentionnés, un extrait de la comptabilité de la société étrangère, certifié par un notaire, et qui indique l’existence de la créance, peut être produite. Le notaire public devra certifier aussi que les livres de la société sont tenus conformément aux règles comptables applicables dans le pays en question. Néanmoins, dans certains pays, ces extraits ne sont pas délivrés par les notaires.

Un pouvoir avec la signature du représentant légal de la société, certifiée par un notaire ou par le Consulat italien, devra être aussi produit. Le pouvoir peut être en italien, ou dans une langue étrangère, mais dans ce cas-là une traduction certifiée devra être jointe.

La certification du notaire devra être légalisée avec l’"Apostille" (Convention de Haie de 5 octobre 1965), si la Convention susmentionnée a été ratifiée par le pays étranger, ou autrement par le Consulat italien. Avec certains pays (par exemple, la France) ni l’Apostille, ni la légalisation consulaire est nécessaire.

L’injonction de paiement est prononcée dans le délai d’un mois à compter du dépôt de la demande, et devra être notifiée au débiteur.
Depuis 30 Juin 2014 les demandes d’injonction peuvent être introduites seulement par voie électronique : le délai pour l’émission de l’injonction est réduit à une-deux semaines.

Dans les 40 jours suivants la date de la notification de l’injonction, le débiteur doit payer, ou peut notifier une opposition. Le terme en question s’applique, si le débiteur est domicilié en Italie (pour les intimés résidents dans l’Union Européenne le délai est augmenté à 50 jours).

Si le débiteur a notifié une opposition, il y aura une procédure ordinaire de première instance, mais, si l’opposition n’est pas fondée sur une preuve écrite, le juge peut, à la première audience, accorder l‘exécution provisoire de l’injonction.

Si le débiteur n’a pas notifié une opposition, l’injonction devient irrévocable. Une fois que la déclaration d’exécution a été apposée sur l’injonction, l’exécution sur les biens du débiteur pourra commencer.
Le premier acte est la notification au débiteur d’ une intimation à payer, en lui donnant un délai de 10 jours. Si le paiement n’a pas lieu dans ce délai, la saisie des biens du débiteur par l’huissier pourra être demandée.

On peut aussi obtenir une injonction de paiement immédiatement exécutoire, si certaines conditions existent :

- la créance est basée sur une lettre de change, ou un chèque, ou un acte reçu par un notaire public ou un autre officier public autorisé ; ou

- le danger d’un préjudice grave dans le retard existe ; ou

- le recourant a produit des documents signés par le débiteur, qui prouvent la créance.

Presque tous les coûts de la procédure (les honoraires d’avocat y compris) sont mis à la charge du débiteur.

2. Avantages et désavantages de la procédure « nationale » vis à vis celle prévue par le Règlement (CE) n° 1896/2006 du 12 décembre 2006 (« procédure européenne d’injonction de payer »)

Le Règlement n°1896/2006/CE a introduit une procédure européenne d’injonction, pour les créances pécuniaires qui ne sont pas contestées. C’est une alternative à la procédure prévue par la législation nationale des États Membres (« procédure d’injonction nationale »).

La procédure européenne peut être utilisée seulement en matière civile et commerciale, dans des litiges transfrontaliers.
Un « litige transfrontalier » est un litige dans lequel le domicile ou la résidence habituelle au moins d’une des parties se trouve dans un État membre autre que celui de la juridiction saisie.
Les créances pécuniaires qui peuvent être l’objet de la procédure en question sont les créances liquides et exigibles à la date à laquelle la demande d’injonction est introduite.

L’applicabilité de la procédure est exclue dans certaines hypothèses, en particulier :
- les régimes matrimoniaux ou les régimes similaires, les testaments et les successions ; - les faillites, les concordats et les autres procédures analogues,
- la sécurité sociale,
- les créances découlant d’obligations non contractuelles, à moins qu’elles aient fait l’objet d’un accord entre les parties, ou qu’il y ait eu une reconnaissance de cette dette, ou qu’elles concernent des dettes liquides découlant de la propriété conjointe d’un bien.

La principale différence entre les deux procédures (nationale et européenne) est que, si le créancier demande une injonction européenne, il suffit de préciser les éléments de preuve écrite disponibles, sans besoin de les produire, comme dans le cas d’une demande d’injonction nationale.

Par conséquent, si les conditions de recevabilité (caractère transfrontalier du litige en matière civile et commerciale, compétence de la juridiction saisie, etc.) sont remplies, et si la demande n’est pas manifestement infondée ou irrecevable, l’injonction devra être prononcée sur la base des informations données par le demandeur, dans les 30 jours suivants l’introduction de la demande.

Le délai pour le défendeur qui a l’intention d’introduire une opposition contre l’injonction est de 30 jours à compter de la signification ou de la notification de l’injonction. Dans l’opposition, qui doit être transmise au juge qui a émis l’injonction, le défendeur doit seulement contester la créance, sans indiquer les motifs. Dans ce cas-là, la procédure poursuivra selon les règles de la procédure nationale ordinaire, à moins que le demandeur avait déclaré de renoncer à l’injonction, si une éventuelle opposition était introduite.

Si le défendeur n’introduit aucune opposition dans le délai prévu, l’injonction de payer européenne deviendra exécutoire.

Les désavantages de la procédure européenne vis-à-vis la procédure nationale sont les suivants :

- le créancier devra attendre l’expiration du délai de trente jours prévu pour une éventuelle opposition, pour obtenir la déclaration en question, sans pouvoir demander au juge une injonction immédiatement exécutoire, contrairement à ce qu’il est prévu dans la procédure nationale, comme expliqué au paragraphe précèdent ;

- dans le cas d’une éventuelle opposition contre une injonction européenne, le créancier ne pourra pas demander l’exécution provisoire de l’injonction, si l’opposition n’est pas fondée sur une preuve écrite, comme il est prévu dans le cas d’une injonction nationale.

Enfin, la dernière distinction entre les deux procédures concerne les modalités de transmission : pour la demande d’injonction européenne, l’Italie a prévu qu’elle peut être adressée au tribunal compètent seulement sur papier et non par voie électronique.

Lire la seconde partie...

Antonio Braggion, avocat au Barreau de Milan _ [->brglaw@iol.it] _ [->http://www.italrecht.com]