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Arrêt historique de la cour d’appel de Trent en Italie : 1ère reconnaissance de deux pères homosexuels. Par Noémie Houchet-Tran, Avocat, et Claire Roussel, Elève-Avocat.
Parution : vendredi 3 mars 2017
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Dans son jugement en date du 23 février 2017, rendu public le 28 février suivant, la cour d’appel de Trente (Italie) a reconnu le plein effet d’une décision canadienne ayant établi comme père légal le père intentionnel de jumeaux nés par mère porteuse.

C’est la première fois en Italie que deux hommes sont pleinement reconnus en tant que pères d’enfants issus d’une gestation pour autrui.

La municipalité italienne, chargée des registres de l’état civil, avait d’abord refusé de reconnaître pleinement le jugement canadien de 2011 et d’inscrire le deuxième père sur le certificat de naissance des jumeaux. La famille avait alors engagé une procédure contre ce refus devant la cour d’appel, agissant à l’époque en tant que juge de première instance dans ce qui était autrefois la procédure d’exequatur. Le tribunal composé de trois magistrats a statué en faveur des plaignants et a estimé que la décision canadienne méritait une reconnaissance complète et devrait être pleinement appliquée en Italie. Le ministère de l’Intérieur s’était opposé à la revendication, mais cette opposition n’a finalement pas été retenue.

Alexander Schuster, l’avocat italien qui a aidé le couple depuis le début de son entreprise parentale en 2009, rapporte que les pères ont été submergés par l’émotion lorsqu’il leur a personnellement remis le jugement la semaine dernière. « J’ai recommandé d’obtenir aussi l’établissement de la seconde paternité peu de temps après que les enfants soient nés - Le couple ne voyait pas vraiment l’intérêt d’obtenir quelque chose que personne n’aurait pensé voir reconnu un jour. Cependant, je savais qu’un jour cette heure viendrait. Maintenant je peux leur donner ce que je leur avais promis il y a sept ans. »

La décision conclut que les gestations pour autrui étrangères n’ont aucun impact sur la protection qu’un enfant mérite et qu’il n’y a pas d’obstacle à donner la pleine reconnaissance aux décisions étrangères et aux certificats de naissance. « Le sens de la décision est double. D’une part, elle affirme clairement qu’en vertu de la loi italienne, la parentalité n’a pas besoin de s’appuyer uniquement sur la biologie. L’intention de devenir un parent établit une paternité à part entière. Ce principe s’applique à tout le monde, c’est-à-dire aux couples hétérosexuels et homosexuels. D’autre part, elle rejette également l’idée que les hommes ne peuvent pas prodiguer l’amour et les soins dont les enfants ont besoin. C’est une étape importante vers l’égalité entre les sexes relativement au désir d’enfants. »

La famille souhaite garder sa vie privée et n’est pas disponible pour des interviews. Les jumeaux, maintenant bientôt âgés de sept ans, détiennent la citoyenneté italienne et canadienne. Il n’existe aucun précédent connu. Une décision isolée prise par le tribunal pour enfants de Rome en 2015 a accordé au second père une forme d’adoption plus faible.

Le communiqué de presse italien ainsi que le lien vers le jugement (en italien) sont disponibles sur www.schuster.pro

Noémie HOUCHET-TRAN Avocat au Barreau de Paris nhtavocat.com Spécialiste en Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine Droit international de la famille