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La non-exécution d’une décision d’assemblée générale définitive constitue-t-elle nécessairement un trouble manifestement illicite ? Par Olivier Giraud, Avocat.
Parution : mercredi 12 avril 2017
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En copropriété, le définitif n’est jamais acquis. Dans un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provnec du 29 octobre 2015, il ressort que l’absence de trouble manifestement illicite peut être un motif valable de non-exécution d’une décision d’AG, pourtant devenue définitive.

(Arrêt CA AIX, 1° ch C 29/10/2015 ; n° 14-19254)

Romain X…, handicapé à plus de 80%, est occupant locataire d’un appartement situé en rez-de-chaussée acheté par sa mère au sein d’un immeuble en copropriété. Son appartement était équipé de volets de type « persiennes » qu’il ne pouvait manuellement fermer du fait de son handicap.

Ainsi pour assurer la sécurité de son fils qui avait fait l’objet de deux cambriolages, sa mère a pris la décision de faire installer des volets électriques roulants en remplacement des volets d’origine, permettant à son fils de pouvoir fermer seul ses volets.

Ensuite, après qu’une assemblée générale a voté non seulement le refus de lui donner a posteriori l’autorisation pour les travaux déjà réalisés de remplacement des volets, il était voté l’engagement d’une procédure judiciaire à son encontre. Cette décision est devenue définitive.

Le syndicat des copropriétaires l’assignait en référé et sollicitait qu’elle retire ses installations en lui reprochant de porter atteinte à l’harmonie de l’immeuble et de ne pas avoir sollicité l’accord préalable de l’assemblée générale pour effectuer ces travaux, ce que le règlement imposait.

Le Syndicat va être débouté de ses demandes en l’absence de dommage imminent et de trouble manifestement illicite en première instance. Le syndicat a interjeté appel de la décision.

D’où la question : la non-exécution d’une décision d’assemblée générale devenue définitive constitue-t-elle nécessairement un trouble manifestement illicite ?

Pour la Cour d’appel la réponse est négative lorsqu’il s’agit de mettre en balance d’un côté les droits fondamentaux d’une personne handicapée et de l’autre le respect des dispositions d’un règlement de copropriété.

Ici, la Cour d’appel a, nonobstant le caractère définitif de l’assemblée générale pour absence de contestation dans le délai de 2 mois prévu par l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965, néanmoins confirmé l’ordonnance de référé, pour absence de trouble manifestement illicite.

Pour ce faire, la Cour d’appel fonde sa décision sur deux points de droit.

Tout d’abord, elle constate le caractère discriminatoire de la délibération litigieuse, alors qu’il était démontré par ailleurs que l’harmonie de l’immeuble avait aussi été préalablement atteinte par les autres copropriétaires. Ensuite, elle rappelle l’obligation du syndicat d’assurer la sécurité des copropriétaires tout comme les dispositions légales impératives en matière d’accessibilité des personnes handicapées, dont les logements doivent pouvoir être facilement aménageables.

Cette décision salutaire vient en contradiction avec un précédent arrêt dans lequel le règlement de copropriété avait prévalu sur des pratiques religieuses (cf. Arrêt dit des Cabanes, Cass. n° 05-14.774 du 8 juin 2006). Là où la liberté de culte n’avait pas suffi, la dignité de la personne l’a emporté.

Me Olivier GIRAUD, Avocat au Barreau de Marseille
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