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Maladie professionnelle : mode d’emploi. Par Patrice Duponchelle, Avocat.
Parution : lundi 7 août 2017
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La maladie professionnelle a pour origine les conditions de travail.
Comment la faire reconnaitre ? Quelles sont les conséquences en terme d’indemnisation ? Quelles sont les contestations possibles ?

Si l’accident du travail est un accident survenu au travail, la maladie professionnelle a pour origine les conditions de travail.
En général il est plus facile d’établir le caractère professionnel de l’accident fait soudain survenu à un instant précis que le caractère professionnel d’une maladie constatée au moment de la déclaration mais dont l’origine et la survenance sont plus incertains.

1. Déclaration et délais.

La date à laquelle le salarié est informé par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et son travail est assimilée à la date de l’accident et fait courir des délais.

La victime doit déclarer la maladie professionnelle en principe dans les 15 jours suivant la cessation du travail, si la maladie a été constatée avant son inscription au tableau des maladies professionnelles, le délai est de 3 mois à compter de la date de l’inscription au tableau.

Les délais vous semblent brefs pas d’affolement si ces délais de 15 jours et 3 mois ne sont pas respectés, la déclaration reste recevable si elle est effectuée dans les 2 ans suivant :
- soit la date de l’arrêt du travail lié à la maladie ou, si elle est postérieure, la date à laquelle vous avez été informé par certificat médical du lien possible entre votre maladie et votre activité professionnelle,
- soit la date de cessation du paiement de vos indemnités pour maladie,
- ou la date de l’inscription de votre maladie aux tableaux des maladies professionnelles.

Pour déclarer une maladie professionnelle il faut remplir un imprimé spécial Cerfa n°60-3950 accompagné de l’attestation de salaire remise par l’employeur, d’un certificat médical, le tout est adressé à la CPAM dont vous relevez.

2. Instruction du dossier et reconnaissance en maladie professionnelle.

La caisse accuse réception du dossier et en avise l’employeur.

La décision doit intervenir dans un délai de trois mois mais ce délai peut être prolongé de trois mois.
Le salarié et son employeur seront avertis de la prolongation éventuelle et de la décision qui interviendra après l’étude du dossier.

La CPAM procède sous forme d’un questionnaire sur les circonstances ou la cause de la maladie ou à une enquête (obligatoire en cas de décès du salarié) dans les cas suivants :
- en présence de réserves motivées de l’employeur sur le caractère professionnel de la maladie,
- si la CPAM elle-même l’estime nécessaire.

Deux cas de figure peuvent se présenter :
- maladie inscrite dans les tableaux,
- maladie hors tableau.

Le premier cas est le plus simple un certain nombre de maladies sont présumées professionnelles car elles figurent sur des listes pour une ou des professions déterminées. Si vous exercez une profession et que vous êtes atteint d’une maladie inscrite dans les tableaux pour ladite profession vous êtes présumé l’avoir contractée à l’occasion de votre travail étant précisé que dans certains cas il faut des durées minimales d’exposition au risque.

Si vous êtes atteint d’une maladie dite hors tableau qui ne figure pas sur les tableaux de maladie professionnelle ou si les conditions d’exposition au risque ne sont pas remplies (ex : reconnue pour d’autres professions, durée etc..) il n’y a plus de présomption et il va donc falloir prouver l’origine professionnelle de la maladie.
La caisse va donc transmettre le dossier au comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles l’avis de ce comité s’impose à la Caisse.

3. Indemnisations.

A/ Les indemnités journalières.

En cas de maladie professionnelle vous avez droit par la sécurité sociale à des indemnités dites majorées comme en cas d’accident du travail c’est à dire à un taux supérieur à celui des indemnités maladies.

Il n’y a pas de délai de carence de trois jours la première journée est à la charge de l’employeur.

Ensuite si vous êtes salarié mensualisé, quelle que soit la date de paiement de votre salaire, l’indemnité journalière est calculée à partir du salaire brut du mois précédant votre arrêt de travail.
Ce salaire divisé par 30,42 détermine votre salaire journalier de base.

Le montant de vos indemnités journalières évolue dans le temps :
- les 28 premiers jours suivant l’arrêt de travail : indemnité journalière égale à 60 % de votre salaire journalier de base, avec un montant maximum plafonné à 193,23 euros au 1er janvier 2016.
- à partir du 29e jour d’arrêt de travail : l’indemnité journalière est majorée et portée à 80 % de votre salaire journalier de base, avec un montant maximum plafonné à 257,64 euros au 1er janvier 2016.
- au-delà de trois mois d’arrêt de travail : votre indemnité journalière peut être revalorisée

En cas de maintien de salaire par l’employeur par application du code du travail ou de la convention collective l’employeur est subrogé dans les droits du salarié.

B/ Les frais médicaux et pharmaceutiques.

Ils sont pris en charge à 100 % ce qui signifie gratuité des soins.

La CPAM vous remet une feuille spéciale de maladie professionnelle qui sera à remettre à chaque praticien ou auxiliaire médical.

Il est à noter que cette prise en charge à 100 % ne concerne que la maladie professionnelle stricto sensu elle ne peut être utilisée pour d’autres affections dont vous pouvez être atteint durant la période où vous êtes considérée comme relevant d’une maladie professionnelle.

La caisse peut prendre en charge des frais de réadaptation ou de réinsertion professionnelle si nécessité d’adaptation pour reprendre son ancien emploi ou de reclassement dans un autre métier.

C/ Le terme des indemnités journalières.

L’indemnisation prend fin à la date de guérison ou de consolidation.

La guérison veut dire que la sécurité sociale estime qu’à une date donnée elle vous considère comme guéri sans séquelles.

La consolidation cela signifie que votre état n’est plus susceptible d’évolution mais que vous conservez des séquelles.

La date est fixée par la Caisse sur avis du médecin traitant qui doit fournir un certificat médical final à défaut la caisse notifie la date qu’elle retient et à défaut de certificat dans les 10 jours cette date est définitive.

Si médecin conseil de la caisse conteste l’avis du médecin traitant une expertise médicale sera organisée,

Cette consolidation comme l’on verra plus après peut être contestée .

D/ Indemnisation des séquelles.

Si après expertise votre taux d’incapacité permanente est inférieur à 10 %, vous avez droit à une indemnité en capital.
Son montant, fixé par décret, est forfaitaire et variable selon votre taux d’incapacité.

Montant de l’indemnité en capital versée selon le taux d’incapacité permanente (au 1er avril 2017)

Taux d’incapacité permanenteMontant de l’indemnité en capital
1 % 412,35 euros
2 % 670,20 euros
3 % 979,36 euros
4 % 1 545,75 euros
5 % 1 958,18 euros
6 % 2 421,95 euros
7 % 2 937,03 euros
8 % 3 504,07 euros
9 % 4 122,39 euros

Si votre taux d’incapacité permanente est supérieur ou égal à 10 %, vous percevrez une rente d’incapacité permanente.

Les rentes d’incapacité permanente sont versées chaque trimestre lorsque le taux d’incapacité permanente est compris entre 10 et 50 %, ou chaque mois lorsque le taux d’incapacité est supérieur ou égal à 50 %.

Elles sont exonérées de CSG et de CRDS, et ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu.

Elles sont versées jusqu’au décès de la victime.

Des dispositions spécifiques sont prévues en fonction de votre taux d’incapacité permanente :
- la rente est égale au salaire annuel de base (rémunération des 12 derniers mois avant l’arrêt) multiplié par le taux divisé par deux en dessous de 50 % et multiplié par 1, 5 au dessus de 50 %
exemple :
*salaire annuel 20000 € taux 30 % = 20000 x 15 %= 3000 €
*salaire annuel 20000 € taux 75 % = 20000 x 25 % (partie inférieure ) + 25x 1,5= 62,5 % soit une rente annuelle de 12500 €,

Compliqué, non je simplifie car il y a aussi des salaires de base minimum et des maximums le salaire de base n’est pris en intégralité que jusqu’à deux fois le minimum !

Consultez un spécialiste pour faire une projection ou vérifier le calcul de la Caisse.

Votre taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 66,66 %: vous, et vos ayants droit éventuels, bénéficiez d’une exonération du ticket modérateur, c’est-à-dire d’une prise en charge à 100 % pour tous les soins et traitements, sauf les médicaments remboursés à 30 % et les médicaments remboursés à 15 %.

Votre taux d’incapacité permanente est égal ou supérieur à 80 %: votre rente est majorée de 40 % si vous vous trouvez dans l’obligation d’avoir recours à une tierce personne pour vous aider dans les gestes de votre vie quotidienne.

Si la maladie professionnelle entraîne le décès de l’assuré, les proches (conjoint, concubin, partenaire pacsé, enfants, etc.) peuvent bénéficier d’une aide financière qui prend la forme d’une rente.

Les rentes d’ayant droit sont versées chaque trimestre et revalorisées au 1er janvier de chaque année.

Elles sont exonérées de la contribution sociale généralisée (CSG) et de la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et ne sont pas soumises à l’impôt sur le revenu.

Le total des rentes versées aux ayants droit ne peut pas dépasser 85 % du salaire annuel de l’assuré décédé.

Les maladies hors tableau obéisse à un régime particulier l’indemnisation suppose soit le décès de l’assuré soit un taux d’IPP d’au moins 25 % .

4. Les contestations.

Mes propos sur cette question ne seront qu’un bref résumé compte tenu de la complexité de la matière qui doit en principe être prochainement réformée par regroupement des contentieux devant les juridictions judiciaires de droit commun ce qui me donnera peut être l’occasion de vous l’évoquer à nouveau.

L’employeur peut être amené à contester le caractère professionnel de l’accident devant le Tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) mais aussi le taux accident du travail devant la Cour nationale de l’incapacité et de la tarification de l’assurance des accidents du travail (Cnitaat).

La victime peut contester la consolidation, le taux domaine qui relèvent du contentieux technique du tribunal du contentieux de l’incapacité puis devant la Cnitaat en appel.

Si la contestation porte sur la reconnaissance de la maladie professionnelle le TASS est compétent avec appel devant les Chambres sociales des Cours d’appels.

Patrice DUPONCHELLE avocat spécialiste en droit social avocat.vmd@wanadoo.fr avocats.fr/space/patrice.duponchelle
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