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Rémunération des administrateurs exécutifs en Espagne, changement de jurisprudence. Par Àlex Plana Paluzie, avocat.
Parution : lundi 26 mars 2018
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Le récent arrêt 98/2018, du 26 février 2018, rendu par le Tribunal Supremo (arrêt TS 98/2018) en Espagne change la position qui avait été imposée concernant le système de rémunération des administrateurs possédant des fonctions exécutives.

Jusqu’à l’arrêt 98/2018, la DGRN (Direction Général des Registres et du Notariat), différents Tribunaux de commerce et une grande partie de la doctrine espagnole interprétaient les articles 217 et 249 de la loi sur les sociétés de capital (LSC) comme ne s’appliquant pas cumulativement mais alternativement. Cependant, le Tribunal Supremo s’est prononcé contre la position qui avait été imposée, de sorte que les sociétés devront adapter leur politique de rémunérations à cette nouvelle doctrine.

Avant de poursuivre, il convient de revenir sur le contenu de ces deux articles (l’article 217 LSC concernant la rémunération des administrateurs en général et l’article 249 LSC concernant les administrateurs ayant des fonctions exécutives), lesquels sont rédigés comme suit :

« Article 217. Rémunération des administrateurs.

1. La charge d’administrateur est exercée gratuitement, sauf disposition contraire prévue dans les statuts sociaux fixant le système de rémunération.

2. Le système de rémunération fixé déterminera le(s) concept(s) de la rétribution que les administrateurs percevront en leur qualité et qui pourront notamment consister en un ou plusieurs des concepts suivants :
a) une rémunération fixe,
b) des jetons de présence,
c) une participation aux bénéfices,
d) une rémunération variable avec des indicateurs ou des paramètres généraux de référence,
e) une rémunération en actions ou liée à leur évolution,
f) des indemnisations pour cessation, dès lors que cette cessation n’est pas motivée par un manquement aux fonctions d’administrateur et
g) les systèmes d’épargne ou de prévision jugés opportuns.

3. Le montant maximum de la rémunération annuelle de l’ensemble des administrateurs devra être approuvé par l’Assemblée générale et sera maintenu à défaut de modification. Hormis dans l’hypothèse où l’Assemblée générale en décide autrement, la répartition de la rémunération parmi les différents administrateurs sera fixée sur accord avec ces derniers et, dans le cas du Conseil d’administration, sur décision de ce dernier qui devra prendre en considération les fonctions et responsabilités attribuées à chaque administrateur.

4. La rémunération des administrateurs devra en tout état de cause conserver une proportion raisonnable eu égard à l’importance de la société, sa situation économique et les standards du marché d’entreprises comparables. Le système de rémunération fixé devra promouvoir la rentabilité et la durabilité à long terme de la société et devra être suffisamment prévoyant pour éviter des risques excessifs et la récompense de résultats défavorables. »

« Article 249. Délégation des facultés du Conseil d’administration.

1. Lorsque les statuts de la société n’en disposent pas autrement, et sous réserve des procurations qui peuvent être données à toute personne, le Conseil d’administration pourra désigner, parmi ses membres, un ou plusieurs administrateurs délégués ou commissions exécutives, en fixant le contenu, les limites et les modalités de la délégation.

2. La délégation permanente d’une faculté du Conseil d’administration au profit de la commission exécutive ou d’un administrateur délégué et la désignation des administrateurs devant occuper de telles charges requièrent, aux fins de validité, le vote favorable des deux tiers des membres du Conseil et ne déploieront aucun effet avant leur inscription au Registre du commerce et des sociétés.

3. Lorsqu’un membre du Conseil d’administration est désigné administrateur délégué ou que des fonctions exécutives lui sont confiées à tout autre titre, un contrat entre ce dernier et la société devra être signé et préalablement approuvé par le Conseil d’administration, avec le vote favorable des deux tiers de ses membres. L’administrateur concerné devra s’abstenir d’assister à la délibération et de participer au vote. Le contrat ayant été approuvé devra être joint en annexe au procès-verbal de la session.

4. Le contrat précisera tous les concepts en raison desquels une rémunération peut être obtenue pour le travail réalisé dans les fonctions exécutives comprenant, le cas échéant, l’éventuelle indemnisation pour cessation anticipée dans de telles fonctions et les montants à verser par la société à titre de prime d’assurance ou de contribution à des systèmes d’épargne. L’administrateur ne pourra percevoir de rétribution quelconque en raison des fonctions exécutives dont les montants ou les concepts ne sont pas prévus dans le contrat.

Le contrat devra respecter la politique de rémunération ayant été approuvée, le cas échéant, par l’Assemblée générale. »

Bien que jusqu’à l’arrêt 98/2018 s’imposait l’idée que l’article 249 LSC s’applique aux administrateurs possédant des fonctions exécutives, de manière alternative à l’égard de l’article 217 LSC et, par conséquent, lorsqu’un administrateur se voit déléguer des fonctions exécutives, la rémunération correspondant à ce concept n’est pas liée au régime de l’article 217 LSC, le Tribunal Supremo se prononce contre cette interprétation dans son arrêt 98/2018.

Par conséquent, la rémunération des administrateurs en raison de leurs fonctions exécutives sera désormais également affectée par ce que l’on appelle « la réserve statutaire » de la rémunération des administrateurs (prévue à l’article 217 LSC). C’est-à-dire que le Tribunal Supremo considère que les articles 217 et 249 LSC s’appliquent cumulativement. Cela est principalement dû au fait que l’interprétation antérieure permettait à l’organe d’administration d’outrepasser les limites fixées dans les Statuts sociaux et par l’Assemblée générale des associés.

En résumé, la rémunération des administrateurs en Espagne en raison de leurs fonctions exécutives devra désormais dépasser les trois niveaux suivants :

1) Les Statuts sociaux permettent la rémunération des administrateurs/membres du Conseil ;
2) L’Assemblée générale des associés approuve le plafond de la rémunération à percevoir par les administrateurs/membres du Conseil et, le cas échéant, la politique détaillée des rémunérations ; et
3) Le Conseil approuve la délégation de fonctions exécutives et la rémunération à percevoir à ce titre concernant les limites statutaires et les limites fixées dans l’Assemblée générale des associés.

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