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Le congé de maladie et le demi-traitement en fonction publique territoriale. Par Catherine Degandt, Avocat.
Parution : mercredi 11 avril 2018
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Dans un arrêt en date du 21 février 2018 (n° 396013), le Conseil d’Etat a rappelé les principes fondamentaux en matière de congé de maladie, ordinaire ou d’origine professionnelle, des agents de la fonction publique territoriale.
Sans être révolutionnaire, l’arrêt reprend en détail et avec finesse, l’ensemble des préceptes en la matière.

Les principes rappelés par le Conseil d’Etat sont :

1. Aux termes de l’article 57 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984, portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale :
"Le fonctionnaire en activité a droit : (...) 2° à des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l’intéressé dans l’impossibilité d’exercer ses fonctions.
Celui-ci conserve alors l’intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf suivants. (...)
Toutefois, si la maladie provient de l’une des causes exceptionnelles prévues à l’article L 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite
(infirmités résultant de blessures ou de maladie contractées ou aggravées soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d’une ou plusieurs personnes) ou d’un accident survenu dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de ses fonctions - à l’exception des blessures ou maladies contractées ou aggravées en service (selon le texte aujourd’hui applicable) -, le fonctionnaire conserve l’intégralité de son traitement jusqu’à ce qu’il soit en état de reprendre son service ou jusqu’à sa mise à la retraite."

La règle est connue et simple : en congé de maladie ordinaire, un agent perçoit trois mois de salaire à plein traitement, puis neuf mois à demi-traitement (éventuellement complétés d’un second demi-traitement, versé par une assurance ou mutuelle assurant un maintien de salaire).

2. Dans l’arrêt cité, un ingénieur, chargé de mission en région Ile-de-France avait bénéficié d’un arrêt de travail pour maladie ordinaire, avant de solliciter de sa collectivité, la reconnaissance de l’imputabilité au service, de sa pathologie d’électro-hypersensibilité. Son employeur, bien qu’ayant reçu la demande, n’y a pas expressément répondu et a poursuivi l’adoption d’arrêtés constatant le maintien de l’agent en demi-traitement (refusant de facto, selon la juridiction administrative, de reconnaître ladite imputabilité...).

3. Le Conseil d’Etat rappelle que "la commission de réforme étant obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice du 2ème alinéa du 2° de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 – en l’espèce, reconnaissance d’imputabilité au service d’une pathologie -, l’administration dispose, à compter de la demande du fonctionnaire de bénéficier de ces dispositions, d’un délai de deux mois pour se prononcer sur cette demande. Lorsque la commission de réforme fait application de la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 16 de l’arrêté du 4 août 2004 (possibilité pour la commission de réforme de faire procéder à toutes mesures d’instruction, enquêtes et expertises qu’elle estime nécessaires), ce délai est porté à trois mois."

Le Conseil d’Etat ajoute que tant que le délai de deux mois n’est pas expiré (ou de trois mois, si la commission de réforme souhaite faire usage de son pouvoir d’instruction), l’administration n’est pas tenue d’accorder au fonctionnaire le bénéfice de l’avantage qu’il demande.

4. En revanche, lorsque ces délais sont expirés, l’administration doit accorder à titre provisoire, dans l’attente de l’avis de la commission de réforme, l’avantage sollicité, à moins qu’elle ne se soit trouvée dans l’impossibilité de recueillir l’avis de la commission de réforme, pour des raisons indépendantes de sa volonté : "(...) L’avis de la commission de réforme contribuant à la garantie que la décision prise le sera de façon éclairée, quand bien même cet avis n’est que consultatif, en l’absence d’avis de la commission dans le délai de deux mois, ou dans le délai de trois mois en cas d’application par la commission de réforme de la procédure prévue au deuxième alinéa de l’article 16 de l’arrêté du 4 août 2004, l’administration doit, à l’expiration de l’un ou l’autre, selon le cas, de ces délais, placer, à titre conservatoire, le fonctionnaire en position de congé maladie à plein traitement, sauf si elle établit qu’elle se trouvait, pour des raisons indépendantes de sa volonté, dans l’impossibilité de recueillir l’avis de la commission de réforme." (En l’espèce, l’agent avait refusé de se soumettre à une expertise médicale, de sorte que la commission de réforme s’était trouvée dans l’impossibilité d’émettre un avis pertinent sur l’imputabilité au service ou non de la pathologie déplorée).

Dans les circonstances de l’espèce, le Conseil d’Etat a jugé que l’administration établissait qu’elle n’avait pu recueillir l’avis de la commission de réforme pour des raisons indépendantes de sa volonté.

Pour autant, dans un véritable ouvrage de "maître-ciseleur", le Conseil d’Etat a ensuite détaillé l’ensemble des périodes d’arrêts de travail de l’agent, pour distinguer les périodes de demi-traitement, dû pendant le délai de deux ou trois mois de réponse, accordé à l’administration, de celles où l’avantage demandé doit être accordé à titre provisoire (plein traitement), avant d’en arriver à celles où l’agent, bien que potentiellement bénéficiaire de l’avantage sollicité, n’a pas mis son administration en état de statuer sur son cas (et avant elle, la commission de réforme...), faute de s’être soumis à la traditionnelle expertise médicale...

Il annule ainsi les arrêtés de placement en demi-traitement, quand le plein traitement s’imposait et ce, jusqu’à ce qu’il soit établi que l’administration ne pouvait se prononcer sur la demande de l’agent, pour des raisons indépendantes de sa volonté...

Ces annulations en cascade font inéluctablement naître des créances réciproques : de l’agent sur son administration, pour les périodes pendant lesquelles il a perçu un demi-traitement au lieu d’un plein traitement, versé à titre conservatoire, et de l’administration sur son agent, à compter de la date à laquelle l’agent a refusé de se soumettre à l’expertise médicale demandée.

Même si l’arrêt n’est pas révolutionnaire en lui-même, il rappelle utilement l’ensemble des principes applicables en la matière.

Catherine DEGANDT, Avocat au Barreau de LILLE