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Surveillance des assurés sociaux : Suisse vs France. Par Alexis Fradois, Détective privé.
Parution : vendredi 1er février 2019
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Si en Suisse, un référendum a donné raison à 64,68% au texte de loi donnant droit à la surveillance des assurés sociaux, en France, le gouvernement affirme vouloir économiser 2 milliards d’euros, somme que représente les fraudes aux allocations maladie et chômage.

Zoom sur les différentes actions mises en place par les 2 pays.

I. La Suisse et la surveillance des assurés sociaux.

A. La sécurité sociale en Suisse, un peu d’histoire.

Le système actuel de sécurité sociale helvétique prend son origine au milieu du XIXe siècle. Son évolution comporte quatre grandes étapes. La première débute lors de la fondation de l’État fédéral (1848) et se prolonge jusqu’à la Première Guerre mondiale. Les premières réglementations sont alors édictées, principalement dans le domaine de la protection des travailleurs. La première loi de sécurité sociale suisse date de 1901. La deuxième étape va de la fin de la Première Guerre mondiale à la fin de la Seconde Guerre mondiale. On assiste ainsi à la mise en place de grands programmes comme l’assurance accident (1918), l’assurance perte de gain dans le cas du service militaire (1940), l’assurance vieillesse ainsi que l’assurance invalidité. La troisième période va de l’après-guerre jusqu’aux années 1990, et est considérée comme une phase d’extension des prestations déjà existantes de sécurité sociale. La dernière étape qui débute au début des années 1990 sera marquée des réformes qui présentent une extension du système de protection sociale comme pour l’assurance maladie obligatoire et l’assurance maternité. En ce qui concerne la prévoyance vieillesse, l’assurance invalidité et l’assurance chômage, la sécurité sociale suisse commencera alors à mettre en place des réductions des prestations.

Gérée par plusieurs assureurs, l’assurance maladie suisse est placée sous la tutelle de l’Office Fédéral de la Santé Publique (OFSP). Toutes les personnes qui exercent une activité professionnelle ont l’obligation de cotiser pour le régime d’assurance maladie. Néanmoins en Suisse, l’assuré a le choix de sa caisse d’assurance maladie, qui se doit d’accepter la demande. Le système de sécurité sociale suisse couvre 5 domaines, à savoir :
- Une couverture santé pour maladie et accidents,
- Une prévoyance vieillesse, survivants et invalidité dite « système des 3 paliers »,
- Les allocations maternité,
- L’assurance chômage,
- Les prestations familiales.

B. Bilan sur la fraude à l’assurance maladie helvétique.

En 2017, l’assurance invalidité helvétique a ouvert 2.130 enquêtes pour soupçon d’abus, soupçon confirmé pour 630 des cas pour lesquels l’assurance maladie a pu réduire, voire supprimer la rente invalidité qui était prévue. Sur l’année 2017, les économies faites sur ses fraudes s’estiment à 178 millions de francs. Le 25 novembre 2018, les Suisses ont voté pour la surveillance des assurés sociaux à presque 65%. La loi fédérale suisse a donc érigé un article 43a LPGA qui définit le terme de cette surveillance désormais légale.

C. Les mesures pour lutter contre la fraude.

La nouvelle loi fédérale de l’assurance maladie suisse vise à renforcer les moyens de contrôle des assurés sociaux, notamment en faisant appel aux détectives privés. L’assurance maladie pourra ouvrir une enquête pour fraude en cas de doute sur un arrêt maladie. A 64,7% les assurés suisses ont accepté d’être surveillés. Seuls les cantons de Genève et du Jura ont répondu non, à respectivement 58,6% et 51,4%. La loi s’appuie désormais sur une base légale, puisque si la surveillance existait déjà, elle était critiquée par la Cour des Droits de l’Homme depuis 2016. La loi fédérale offre ainsi un nouveau cadre et aussi de nouveaux instruments pour détecter les fraudeurs. L’observation, proprement dite, peut se faire uniquement si l’assuré est dans un lieu public, mais ne se limite pas à cela et une personne peut également être surveillée lorsqu’elle se trouve dans son jardin ou sur son balcon. Les personnes ayant une chambre à coucher donnant sur la rue devront s’attendre également à être surveillées dans le cadre de leur vie privée. Par ailleurs, les tracteurs GPS, drones ou autres techniques de localisation seront accessibles par la sécurité sociale suisse, mais uniquement sur acceptation d’un juge. Une observation ne peut excéder 30 jours sur une période de six mois. Cette période pourra être prolongée de six mois supplémentaires si des motifs concrets le justifient. La loi permet également à la sécurité sociale d’engager des détectives privés. L’invalidité assurance (AI) ainsi que l’assurance Accident (Suva) seront les principales assurances pour lesquelles la surveillance est autorisée. Dans le cas où le matériel d’observation ne confirme pas les soupçons d’abus de la sécurité sociale, cette dernière devra détruire le matériel recueilli.

D. L’assurance maladie des frontaliers.

Le 7 juillet 2016, le conseiller fédéral suisse Alain Berset ainsi que la ministre française des Affaires sociales et de la Santé, Marisol Touraine ont signé un accord portant sur l’assurance maladie des frontaliers. Depuis le 1er octobre 2017, les assurés ont pu choisir entre l’assurance maladie suisse ou française. Les frontaliers concernés par cet accord bénéficient de douze mois pour confirmer leur décision de manière définitive. Pour ceux qui dépassent ce temps, ils seront automatiquement affiliés d’office à la sécurité sociale suisse.

II. La France et la surveillance des assurés sociaux.

A. La sécurité sociale française, un peu d’histoire.

La sécurité sociale française naît en 1945 sous les ordres de Pierre Laroque. L’ordonnance du 4 octobre 1945 prévoit alors un réseau coordonné de caisses sociales, se substituant de ce fait, à de multiples organismes.
Un extrait de cette ordonnance se lit ainsi « La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes… ».
Bien entendu, l’évolution de la sécurité sociale connaîtra de grandes dates comme les régimes de retraite complémentaire (1947-1961), l’assurance vieillesse pour les travailleurs non salariés (1948), le régime vieillesse des exploitants agricoles gérés par la MSA (1952), ainsi que les différentes prestations sociales que nous connaissons, et la gestion du budget.

B. Bilan sur les fraudes sociales.

Avec les autorités de santé, la sécurité sociale française se mobilise afin d’améliorer le système et de réduire les fraudes. Depuis 2005, la CPAM augmente ses actions de lutte contre la fraude et a déjà permis de neutraliser presque 2 milliards d’euros de préjudice. Dans chaque département, la lutte se durcit, année après année. En 2016, l’assurance maladie a lancé plus de 7 000 actions contentieuses (amendes, plaintes ou avertissements). En ce début d’année 2019, le Directeur Général de la Caisse National d’assurance maladie des travailleurs salariés a déclaré vouloir économiser 2 milliards d’euros, dont 220 millions par rapport aux fraudes (arrêt maladie, accidents, chômage).

En ce qui concerne les arrêts de travail, la CNAMTS met une nouvelle fois la pression sur les 16.000 médecins qui prescrivent de très longs arrêts maladie, en les incitant à diminuer chaque arrêt maladie d’un jour. Quant à l’assuré social, il devra se plier aux contrôles soit à son domicile, soit en convocation. Les méthodes de contrôle ont, par ailleurs été affinés. Plus de contrôles par trimestre au niveau départemental, que l’on remonte ensuite au niveau national.
La sécurité sociale vérifie également la cohérence entre l’arrêt maladie et la maladie ou ALD de l’assuré.
Enfin, une meilleure coordination entre l’administration et les organismes publics est envisagée, avec notamment la création du RNCPS (Répertoire National Commun de la Protection Sociale).

Depuis la réforme votée le 12 août 2004, un dispositif de pénalités financières a également été mis en place. Parmi les cas qui engendreront des sanctions, on note la fausse déclaration, l’usurpation de la carte vitale, ou encore des indemnités journalières perçues à tort. Le montant des amendes varie selon le préjudice porté à la CPAM et s’échelonne entre 75€ et 5.032€.

B. La fraude aux allocations chômage.

En ce qui concerne les allocations chômage, le renforcement des chômeurs est à l’ordre du jour. Selon la Délégation Nationale à la Lutte contre la Fraude (DNLF), la fraude à l’assurance chômage s’élevait, en 2016, à 178,1 millions d’euros. Parmi les principaux mécanismes de fraude, on note la non-déclaration des périodes d’activités, la non-déclaration de sa qualité de mandataire social, la non-déclaration d’un changement de situation et enfin la mise en place d’une fraude avec un pays frontalier. En 2018, Emmanuel Macron a décidé de renforcer les mesures contre les fraudeurs, principalement auprès de Pôle Emploi. Tout d’abord, des agents supplémentaires ont été embauchés afin de vérifier le plus de documents possible, comme votre pièce d’identité, votre carte vitale, votre attestation d’employeur, vos documents administratifs en tout genre. Depuis 2013, les auditeurs Pole Emploi peuvent aussi consulter le Fichier National des Comptes Bancaires et Assimilés (Ficoba).

Les sanctions concernant le quotidien des chômeurs sont par ailleurs renforcées depuis ce début d’année. En effet, la non-présentation à un entretien Pôle Emploi pourra désormais entrainer un mois de radiation (au lieu de deux semaines). Tout manquement à justifier sa recherche d’emploi entrainera, par ailleurs, la suppression des allocations chômage pendant 1 mois, au premier manquement. La mesure pourra être prolongée jusqu’à 4 mois. Le rôle des conseillers va également être renforcé afin de mieux cibler les désidératas des candidats. Ainsi, un chômeur ne pourra plus refuser plus de 2 ans correspondant à ses critères, sous peine de radiation. Les pénalités financières seront désormais décidées par le chef d’agence, et non plus par le préfet.
Enfin, à l’essai dans 2 régions, un carnet de bord sera expérimenté, permettant de lister toutes les recherches du chômeur.

La Suisse et la France abordent la fraude à l’assurance sociale et chômage de façon différente. Si la Suisse vient d’adopter une loi visant à surveiller plus ses assurés, la France s’attaque à la surveillance de façon plus administrative que son voisin, ne pouvant porter aucune atteinte à la vie privée.

Anthony Caudal AFIP Détective privé e-mail:[->contact@afip-detective.com]