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Un nouveau moyen de régler ses dettes, de la porosité de la personnalité morale en pays de Champagne. Par François La Burthe, Avocat.
Parution : lundi 1er juillet 2019
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Une décision rendue par une vice-présidente du Tribunal de Grande Instance de Reims, juge de l’exécution, paraît annoncer une évolution forte du droit de la personnalité morale. (cf décision ci-après)

Les faits :

Une société doit de l’argent à son expert-comptable.

Elle ne paye pas.

Ses associés se précipitent à céder leur part dans cette société.

L’expert-comptable sollicite l’autorisation de saisir le compte de son débiteur auprès du Juge de l’exécution, à titre conservatoire.

Après avoir jugé que sa créance est certaine, liquide et exigible, le Juge de l’exécution du Tribunal de Grande Instance de Reims le déboute estimant que puisque l’acte de cession des parts sociales ne porte aucune mention de cette dette, il faut en déduire en droit que la cession des parts n’emportait pas l’obligation certaine de reprise de la dette.

Que nous apporte cette décision qui pourrait faire date dans les annales du droit des sociétés.

L’état de cessation des payements engageait jadis la société débitrice à la déclaration de cessation des payements dans un délai de quarante-cinq jours sous peine de sanction du dirigeant.

Il fallait alors payer ou disparaître !

Aujourd’hui, du chef de cette évolution qui semble s’amorcer dans la notion de personnalité morale, il ne suffit que de céder ses parts sociales en omettant d’envisager la question des dettes pour nettoyer la société cédée de toutes ses dettes, même certaines, liquides et exigibles.

C’est donc une excellente nouvelle pour les débiteurs de tous acabits et une évolution du droit qui évitera dorénavant les difficultés des entreprises, à moins que celle-ci ne soient aussi créancières.

Il n’est pas évident toutefois que cette solution champenoise se généralisera en jurisprudence…

Décision jointe en copie :

"Tribunal de grande instance de Reims" Chambre Civile n° RG 19/01328

Nous, Charline R**, Vice-Présidente, juge de l’exécution au tribunal de grande instance de Reims,
Vu la requête présentée Le 18 juin 2019 par l’EURL A****contre la SAS D****
Vu l’acte de cession de parts sociales conclu le 31 octobre 2018 entre Adrien D**** et Chloé D****d’une part et la SAS *** d’autre part,
Vu l’article L. 511-1 du Code des procédures civiles d’exécution au terme duquel : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l’autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement ».
Attendu que la société A***** fait état d’une créance fondée en son principe constituée de factures de prestations de services impayées antérieurs à la cession de parts sociales de la SAS D***** pour un montant de 15.441,70€ :
Que le contrat de cession de parts sociales du 31 octobre 2018 ne stipule cependant aucune clause de reprise d’un quelconque arriéré de dettes, seul étant visé une ordonnance d’injonction de payer annexée à l’acte en date du 16 septembre 2018 ; que cette cession est intervenue sur la base des comptes arrêtés au 30 juin 2018, figurant en annexe, ne mentionnant pas de dette inscrite au profit de la société A****) que l’acte de cession stipule en outre en page 16 que « il n’existe aucune dette vis à vis de tiers depuis plus de 90 jours » ; que la convention de cession conclue entre les consorts D***** la société ***** n’entraîne pas d’obligation certaine de reprise à l’égard du cessionnaire ;
Que la requête sera en conséquence rejetée ;

Par ces motifs :
Par requête susceptible d’appel dans les conditions de l’article 496 du code de procédure civile,
Rejette la requête susvisée.
Le 21 juin 2019
Le juge de l’exécution "

François LA BURTHE, Avocat au Barreau de Meaux.