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Procédure collective ou surendettement : quelle procédure pour le débiteur en difficulté ? Par Dimitri Seddiki-Défossé, Avocat.
Parution : mercredi 6 novembre 2019
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Procédure collective ou surendettement : sur quels critères déterminer la procédure applicable ?

L’article L711-3 alinéa 1 du Code de consommation énonce prévoit expressément que l’ensemble des dispositions relatives au surendettement « ne s’appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par le livre VI du code de commerce ».

Les articles L.620 et L640-2 du Livre VI du Code de commerce soumettent aux procédures collectives :
"1- tout commerçant,
2- toute personne immatriculée au répertoire des métiers,
3- tout agriculteur,
4- toute autre personne physique exerçant une activité professionnelle indépendante y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé,
5 - toute personne morale de droit privé ».

Ainsi qu’on le voit, le 1er critère permettant de décider de la procédure adéquate est de nature subjective : il s’agit de considérer la qualité du débiteur.

Première conséquence lorsque le débiteur peut être classé dans l’une des 5 catégories citées par le Code de commerce, il a vocation à être soumis aux procédures collectives.

Cela explique pourquoi, au contraire, est notamment susceptible de bénéficier de la procédure de surendettement le gérant qui n’a pas fait l’objet d’une extension de la procédure de liquidation judiciaire de la société mais d’une action en comblement de passif (Civ. 2e, 12 avr. 2012, no 11-10.228, publié au Bulletin).

De même, doit être censurée la décision qui exclut du bénéfice de la procédure de surendettement l’épouse d’un commerçant sans rechercher si « elle était elle-même commerçante ou si l’ensemble de ses dettes avaient été incorporées dans la procédure collective de son époux ». (Cass. Civ. 1, 22 janv. 2002, n°01-04.020).

Récemment, dans un arrêt inédit rendu le 6 juin 2019 (n° 18-17.158), la Cour de cassation censure un Tribunal d’instance qui a dit un individu irrecevable au bénéfice de la procédure de surendettement, au motif que le montant des créances professionnelles, exclues de la procédure de surendettement des particuliers, représentait 65 % de l’endettement global.

En l’espèce le débiteur était associé gérant d’un GAEC et ne relevait donc pas des procédures collectives puisque n’exerçant pas « une activité professionnelle indépendante » au sens de l’article L.640-2 du Code de commerce. Il était donc éligible à la procédure de surendettement si son passif non professionnel le place, à lui seul, en situation de surendettement (critère objectif de la nature du passif).

Seconde conséquence du recours à un critère subjectif, l’exclusion du bénéfice des dispositions relatives au traitement du surendettement des particuliers prévue par l’article L. 711-3 « s’applique à l’ensemble des dettes du débiteur, sans qu’il y ait lieu de distinguer suivant leur nature personnelle ou professionnelle » (Civ. 2e, 23 juin 2016, no 15-16.637).

Cette absence de distinction entre les dettes professionnelles et les dettes personnelles fait l’objet d’une jurisprudence constante :
« Attendu que l’exclusion du bénéfice des dispositions relatives au traitement du surendettement des particuliers prévue par l’article L. 333-3, alinéa 1er, du Code de la consommation s’applique à l’ensemble des dettes du débiteur, sans qu’il y ait lieu de distinguer suivant leur nature personnelle ou professionnelle ; qu’il s’ensuit que le moyen, en ce qu’il est invoqué par M. X..., est inopérant dès lors que ce dernier ne conteste pas avoir fait l’objet de la mesure de liquidation judiciaire à titre personnel » (Cass. Civ. 1, 22 janv. 2002, n°01-04.020, Bulletin 2002 I N° 25 p. 19).

« Mais attendu que le Tribunal a énoncé exactement que, selon l’article 17 de la loi du 31 décembre 1989, les dispositions relative au règlement des situations de surendettement prévues par cette loi ne s’appliquent pas lorsque le débiteur relève des procédures instituées par la loi du 25 janvier 1985, relatives au redressement et à la liquidation judiciaire des entreprises et ce, sans qu’il y ait lieu de distinguer selon la nature des dettes impayées » (Cass. Civ. 1e, 19 nov. 1991, n°91-04.007, Publié au bulletin).

Toutefois, par un arrêt du 16 octobre 2014, la Cour de cassation précise que l’exclusion des règles du surendettement s’applique même si le professionnel a cessé son activité, dès lors « qu’une partie de l’endettement (du débiteur) résulte de son activité, peu important qu’il l’ait cessée ou non » (Cass. Civ. 2e, 16 oct. 2014, n°13-24.553 , Bulletin 1991 I N° 322 p. 210).

Outre le fait qu’il souligne que l’exclusion du surendettement se poursuit malgré la cessation de l’activité du débiteur devant être soumis à une procédure collective, cet arrêt rappelle également l’existence d’un critère subjectif résiduel figurant à l’article L.640-3 du Code de commerce et consistant à vérifier « qu’une partie de l’endettement » au moins du débiteur « résulte de son activité ».

En revanche, le critère objectif tenant à la nature du passif va réellement démontrer toute son importance lorsque le critère subjectif permet d’exclure le débiteur du champ des procédures collectives.

Dans ces circonstances en effet, les dispositions du Code de la consommation auront vocation à s’appliquer avec, en 1er lieu, l’article L.711-1 prévoyant que « la situation de surendettement est caractérisée par l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de ses dettes non professionnelles exigibles et à échoir ».

Ainsi, en cas de cumul de dettes professionnelles et non professionnelles, il n’y aura pas lieu à ouverture d’une procédure de surendettement lorsque les dettes non professionnelles ne sont pas suffisantes, à elles seules, pour provoquer le surendettement (Civ. 1re, 18 févr. 1992 : D. 1992. 317).

En conséquence les dettes professionnelles ne seront pas traitées par la procédure de surendettement.

Toutefois, elles seront prises en compte dans l’évaluation des charges du débiteur permettant de déterminer ses capacités contributives en vue de l’élaboration d’un éventuel plan de remboursement des créanciers personnels.

Autre brèche à ce cloisonnement, l’article L.711-1 prévoit que l’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement. Avant la loi du 4 août 2008 le dirigeant de droit ou de fait était exclu du bénéfice de cette exception.

Ladite exception doit permettre à l’associé d’une SCI, tenu indéfiniment des dettes sociales à proportion de ses parts dans le capital social en application de l’article 1857 du code civil :

Dans un arrêt du 30 janvier 2014, la Cour d’appel de DOUAI, pour ouvrir une procédure de surendettement, constate que « le passif des époux B./H., arrêté par la Commission de Surendettement à la somme de 106.794,07 € n’est, dans son principe comme dans son montant, l’objet d’aucune contestation de la part des parties ; qu’aux termes d’un décompte établi par le CRÉDIT MUTUEL, la S.C.I. "La tribu des B." était elle-même redevable envers cet établissement d’un solde de prêt de 114.822,86 € au 26 juin 2009 avec intérêts au taux de 9,85 % l’an à partir de cette date ; que les époux B./H. chiffrent la somme actuellement due à l’organisme de crédit par la S.C.I. à 130.000 € ; que l’article 1857 du code civil dispose qu’à l’égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements ; que, quels que soient les véritables titulaires des parts sociales détenues par les époux B./H., en tout état de cause la valeur vénale de ces titres, du fait de la situation largement obérée de la S.C.I., apparaît inexistante » (DOUAI, 8e ch., 2e sec., 30 janv. 2014 – n° 13/04203).

Dimitri Seddiki-Défossé Avocat au Barreau de Lille Enseignant en droit des obligations et procédure civile