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Sous-location interdite via Airbnb : le risque de rembourser les sous-loyers. Par Simon Vicat, Avocat.
Parution : mardi 10 décembre 2019
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La position de la Cour de Cassation est claire : les sous-loyers provenant d’une sous-location non autorisée, en l’espèce par voie de AirBnB, reviennent au propriétaire.

Le plus souvent, le bail, comme le permet l’article 1717 du Code Civil, interdit la sous-location.

En matière de bail d’habitation, l’article 8 de la loi du 6 juillet 1989 érige en principe cette interdiction, sauf accord écrit du bailleur :

« Le locataire ne peut ni céder le contrat de location, ni sous-louer le logement sauf avec l’accord écrit du bailleur, y compris sur le prix du loyer. Le prix du loyer au mètre carré de surface habitable des locaux sous-loués ne peut excéder celui payé par le locataire principal. Le locataire transmet au sous-locataire l’autorisation écrite du bailleur et la copie du bail en cours. »

Toute sous-location ne saurait donc exister sans accord écrit préalable du bailleur.

Pourtant, avec le développement des plateformes de location d’appartement sur internet (type AirBnB, Wimud, Le Bon Coin, Abritel…) de plus en plus de locataires sont tentés de sous-louer leur appartement afin de diminuer, par compensation, le montant de leur loyer, voire même de réaliser un profit.

Cette idée, qui consiste, pour le locataire, à tirer des revenus, autrement appelées « fruits » dans le Code Civil, d’un bien sur lequel il ne dispose que d’un droit de jouissance, est parfaitement contraire au respect du droit de propriété du bailleur.

En effet, selon les articles 544 et suivants du Code Civil, le propriétaire d’un bien immobilier dispose de trois prérogatives majeures sur son bien :
- l’usus : le pouvoir d’user de son bien (l’occuper ou le laisser libre) ;
- le fructus : le pouvoir de tirer des revenus de son bien (loyers…) ;
- l’abusus : le pourvoir de disposer de son bien (démolition, vente…).

Ne se voyant transmis par le bail qu’un droit de jouissance du bien loué, composante de l’usus, le locataire ne peut donc utiliser le fructus, en l’espèce tirer des revenus du bien loué en encaissant des sous-loyers.

C’est en ce sens que la Cour de Cassation a rendu un arrêt, le 12 Septembre 2019, à l’encontre d’un locataire qui a sous-loué, sans autorisation de son bailleur, son appartement :

« Mais attendu que, sauf lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire ; qu’ayant relevé que les locataires avaient sous-loué l’appartement pendant plusieurs années sans l’accord du bailleur, la cour d’appel en a déduit, à bon droit, nonobstant l’inopposabilité de la sous-location au bailleur, que les sommes perçues à ce titre devaient lui être remboursées. »

La position de la Cour de Cassation est claire : les sous-loyers provenant d’une sous-location non autorisée reviennent au propriétaire, et ce, en vertu du droit d’accession selon lequel :

« La propriété d’une chose soit mobilière, soit immobilière, donne droit sur tout ce qu’elle produit, et sur ce qui s’y unit accessoirement soit naturellement, soit artificiellement. »

Tout revenu généré par le bien immobilier revient donc au propriétaire.

Le locataire qui pense ainsi réaliser une bonne opération se trouve ainsi à régler son loyer et à reverser les sous-loyers au propriétaire.

La sanction peut paraître incompréhensible pour le locataire qui pensera payer deux fois son loyer, mais cette sanction est strictement respectueuse du droit de propriété.

En effet, la contrepartie du loyer est le droit de jouissance du bien loué (l’usus), ce qui n’inclut pas le droit de tirer des revenus du bien loué (le fructus), droit qui demeure entre les mains du propriétaire-bailleur.

A chaque prérogative sa rémunération.

Ainsi, dans le cas tranché par la Cour de Cassation, les locataires, qui avaient sous-loué durant plusieurs années leur appartement via la plateforme AirBnB, ont été contraints de rembourser pas moins de 27.000 € à leur propriétaire, en sus du loyer, avec intérêt au taux légal.

Les locataires doivent donc pleinement prendre conscience du risque lié à une sous-location non-autorisée, d’autant que, dans ce type de dossier, les sous-locations sont aisément identifiables : annonce en ligne, relevés de compte AirBnB…

Du côté des propriétaires, cet arrêt donne l’assurance de pouvoir contrôler l’utilisation de son bien mis en location et permet d’éviter que son locataire n’utilise le bien à des fins lucratives en faisant défiler des inconnus dans le logement.

Simon VICAT AVK Avocats Associés simon.vicat@avocat-conseil.fr www.avk-associes.fr
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