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Contrat à temps partiel, cadre dirigeant ou au forfait jour : quid ? Par Nathalie Leroy, Avocate.
Parution : mardi 21 janvier 2020
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Si le contrat de travail à temps partiel n’est pas adapté au cadre dirigeant ou au cadre au forfait jour, comment sécuriser le contrat d’un tel cadre, qui ne travaillera que quelques jours, chaque semaine, dans l’entreprise ?

Un cadre dirigeant peut-il travailler à temps partiel ?

A priori, la réponse est non. L’article L3123-14 du code du travail encadre de façon stricte ses conditions d’organisation et de prévision du temps de travail. Son contrat doit prévoir, notamment, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Le cadre dirigeant dispose d’une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps, il est habilité à prendre des décisions de façon largement autonome. La législation sur le temps de travail ne lui est pas applicable.

Il semble dés lors difficile de concilier les 2. Pourtant, il n’est pas rare, notamment dans un groupe de sociétés, qu’un dirigeant travaille dans plusieurs sociétés. Or, le prêt de main d’œuvre interne au groupe n’étant pas autorisé. Il est donc nécessaire d’établir plusieurs contrats de travail, sauf à détourner la loi et à rédiger un seul contrat et 2 ou plusieurs bulletins de salaire, en fonction du nombre de sociétés dans lesquelles le salarié sera amené à travailler. Un tel procédé n’est pas satisfaisant.

Le risque, pour l’employeur, en cas de rédaction d’un contrat de travail à temps partiel, est celui d’une requalification à temps complet, s’agissant d’une présomption simple. Cette présomption peut être combattue, dés lors que l’employeur peut démontrer que le salarié « déterminait lui-même son rythme de travail, n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à la disposition de l’employeur ».

Or, si le salarié en question est un cadre dirigeant, il est évident qu’il organise lui-même son rythme de travail et son temps de travail. Qui plus est, s’il travaille dans plusieurs sociétés, il n’est pas à la disposition permanente de son employeur.

Par mesure de sécurité, il semble hautement souhaitable d’indiquer dans le contrat que : « Compte tenu des caractéristiques, de la nature des fonctions et des responsabilités qui lui ont été confiées, le salarié ne recevra aucune consigne relative à l’organisation de son rythme de travail ou la gestion de son emploi du temps, et sera ainsi seul responsable de l’organisation de ses xxx journées de travail, tant au jour le jour, que pour leur répartition, dans la semaine, en toute autonomie.

De ce fait, aucun horaire de travail ne saurait être prévu au présent contrat, qui, s’il est à semaine partielle, n’en est pas pour autant à temps partiel, le salarié n’étant soumis à aucun horaire déterminé et s’engageant à ne pas se tenir en permanence à la disposition de son employeur. La notion d’heure de travail est donc étrangère à la relation contractuelle des parties.

Les parties reconnaissent que ces dispositions sont déterminantes de leur consentement au présent contrat. »

Il semble souhaitable également de ne faire référence à aucune horaire de travail, ni dans le contrat, ni dans le bulletin de salaire et pourquoi pas, d’intituler par exemple le contrat : contrat de travail à semaine partielle, plutôt qu’à temps partiel, si la répartition des jours s’effectue sur la semaine.

Un cadre au forfait jour peut-il travailler à temps partiel ?

La question a été tranchée par la Cour de cassation en 2019. L’apport de cet arrêt est intéressant, car la Cour de cassation donne tort à un salarié, au forfait jour (131 jours par an), qui prétendait à la requalification d’un contrat de travail à temps partiel, son contrat n’étant pas, selon lui à temps complet, puisqu’il travaillait moins de 218 jours et que son contrat ne comportait pas les mentions prévues à l’article L3123-14 du code du travail.

La Cour affirme : « … les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours sur l’année dont le nombre est inférieur à 218 jours, ne peuvent être considérés comme salariés à temps partiel ; (…) ayant constaté que la convention de forfait (…), était conclue sur une base annuelle de 131 jours travaillés (…), la cour d’appel en a exactement déduit que le salarié n’était pas à temps partiel, de sorte qu’il ne pouvait prétendre à la requalification de son contrat de travail en contrat à temps plein en se prévalant de la méconnaissance de l’article L3123-14 du code du travail…  ».

Ainsi, dés lors que le salarié travaille au forfait jour et que ce forfait remplit toutes les conditions de licéité requises, le risque de requalification d’un contrat de travail à temps partiel est écarté car la Cour considère qu’il ne travaille pas à temps partiel. Ni à temps complet d’ailleurs. Le salaire travaille sous le régime d’un forfait jour inférieur au maximum prévu par l’accord collectif de travail. Le temps de travail applicable au forfait jour n’étant pas mesuré en heures, la dénomination de « temps partiel » ou de « temps complet » est donc impropre à cette situation contractuelle.

Reste que pour l’employeur, la possibilité d’établir un contrat de travail de forfait jour réduit [1] est tout à fait envisageable, si l’accord collectif prévoit un nombre de jour maximal ou encore la possibilité de conclure des contrats dont le nombre de jours annuel sera inférieur au maximum conventionnel prévu.

Nathalie Leroy Avocate enquêtrice en harcèlement moral et sexuel au travail www.her.eu.com et www.25ruegounod.fr