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La démission du salarié : ses conditions et ses effets par Vincent Collier, Avocat.
Parution : vendredi 12 mars 2004
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Quels sont les conditions et les effets de la démission du salarié ? Faut-il respecter un préavis ? Peut-il y avoir démission abusive ? Ou démission forcée ? Nous allons tenter de répondre le plus clairement à toutes ces questions.

Dans un premier temps, il convient d’expliquer quelles sont les conditions exactes d’une démission régulière.

Puis, nous exposerons les conséquences de la démission ou de sa requalification.

I/ Les conditions d’une démission régulière

A/ Le préavis

Contrairement à une idée assez répandue, la démission ne peut être effective qu’au bout d’un délai minimal dit " de préavis ".

Or, la loi ne fixe la durée de ce préavis que dans certains cas particuliers (exemple : pour les V.R.P.).

Dans tous les autres cas, il faut se référer au texte de la convention collective applicable, ou, à défaut, aux usages locaux pour le genre de fonctions réellement exercées par le salarié.

Généralement, la convention collective prévoit une durée de un mois pour les employés, agents de ma”trise et techniciens, et de trois mois pour les ingénieurs et cadres (et même six mois pour certains cadres supérieurs).

Enfin, le contrat de travail peut prévoir un délai plus favorable pour le salarié (c’est à dire moindre). Il ne peut être prévu un délai plus long.

Bien entendu, le salarié peut, s’il le souhaite, annoncer son départ à son employeur plus longtemps à l’avance que ne le lui impose le droit...

Normalement, une démission n’a pas à être motivée, le salarié étant parfaitement libre, soit de ne plus travailler, soit de changer d’employeur.

Mais, dans des cas exceptionnels, même d’ailleurs si le délai " légal " est respecté, une démission peut ouvrir droit pour l’employeur à des dommages et intérêts à son profit, s’il démontre le caractère abusif de la démission (par exemple si un salarié quitte son entreprise dans des circonstances suspectes en emportant des secrets de fabrication pour les livrer à la concurrence).

B/ La forme de la démission

Aucune règle de forme ne s’impose légalement pour notifier sa décision de démission.

Toutefois, pour des raisons évidentes de preuve, une lettre remise en main propre contre décharge ou une lettre recommandée avec accusé de réception sera vraiment utile.

A défaut, le témoignage d’un collègue (généralement sous forme d’une attestation) ou la production d’un courrier électronique seront suffisants en cas de litige.

En tout cas, la démission ne sera reconnue en justice que si elle a un caractère sérieux et non équivoque.

Une absence même irrégulière ou prolongée ne peut jamais être qualifiée ipso facto de démission, même d’ailleurs si le salarié refuse de justifier son absence ou refuse de reprendre le travail.

Le seul recours pour l’employeur dans ces cas est de procéder au licenciement du salarié et le Conseil de prud’hommes appréciera par la suite éventuellement s’il était ou non sans cause réelle et sérieuse.

De la même façon, il est régulièrement jugé que la démission qui n’a été donnée que sur un coup de tête (mouvement d’humeur suite à une altercation avec un supérieur ...) n’est pas une véritable démission de nature à rompre le contrat de travail, ni non plus une simple lettre par laquelle le salarié exprime son " intention " (encore incertaine) de donner sa démission (par exemple s’il n’est pas augmenté).

Inversement, toute démission forcée sera considérée comme irrégulière par le Conseil de prud’hommes en cas de litige, notamment si la démission a été obtenue sous la seule menace de poursuites pénales (quand bien même une infraction aurait réellement été commise) ou d’un licenciement pour faute lourde ou grave. Il appartient néanmoins au salarié de prouver que sa démission n’a pas été donnée librement et en pleine connaissance de cause.

II/ Les conséquences de la démission

A/ En cas de démission régulière

La démission marque le point de départ du préavis (précédemment étudié).

Une acceptation de l’employeur n’est pas requise.

La démission est une décision grave car définitive, sauf si l’employeur accorde un droit de repentir au salarié ...

Toutefois, il a parfois été jugé qu’une rétractation rapide du salarié serait possible, lorsque sa volonté de démission était en fait incertaine ou conditionnée par certains éléments.

Naturellement, l’employeur ne peut plus engager une procédure de licenciement après la démission du salarié. Inversement, le salarié ne peut prétendre " démissionner " après son licenciement...

La démission serait par contre caduque si le salarié continuait à travailler après l’expiration du préavis et de son solde de congés payés.

B/ En cas de requalification

Une démission peut être requalifiée en licenciement si l’employeur a estimé à tort que son employé était démissionnaire alors que les conditions exposées ci-dessus n’étaient pas remplies.

Cette hypothèse recouvre tous les cas de démission forcée ou contrainte (par contre, une démission motivée par une promesse d’embauche, même non tenue, d’une autre société, ne peut en principe être remise en cause par le salarié) ou de démission donnée sans volonté réelle du salarié en ce sens (exemple : salarié dépressif).

De façon plus étonnante (pour les non initiés), la démission est requalifiée en licenciement si elle trouve son origine dans un comportement fautif de l’employeur.

Ainsi, selon certaines décisions de justice, un salarié qui démissionne par exemple parce qu’il est victime de mesures vexatoires ou de propos injurieux ou parce qu’il est harcelé par un collègue (qu’il s’agisse de harcèlement sexuel ou moral) contre lequel l’employeur n’a pris aucune sanction malgré des faits avérés, peut demander la requalification de sa démission en licenciement.

Il en serait de même en cas de travail dangereux pour cause de non respect par l’employeur des conditions d’hygiène ou de sécurité, etc...

Et, de façon également fort logique, une démission pour fait de non paiement du salaire (ou de non fourniture de travail par l’employeur au salarié pendant une longue période), ou motivée par une modification non acceptée du contrat de travail est également requalifiable.

Dans tous ces cas, la requalification de la démission en licenciement expose l’employeur à devoir régler au salarié les indemnités habituelles en pareille circonstance, y compris les indemnités pour licenciement abusif (si les faits invoqués qui seraient à l’origine de la démission la justifiaient) ...

Synthèse

Ainsi que cela a été exposé, la démission n’est pas un acte aussi anodin qu’il ne para”t à première vue.

En effet, si elle est évidemment un acte grave (ou heureux parfois) pour le salarié, mais elle peut aussi être lourde de conséquences financièrement pour l’employeur si elle a été obtenue sous la contrainte ou provoquée par sa faute.

En cas de doute sur les circonstances d’une démission, il convient assurément de consulter un avocat.

Auteur : Vincent COLLIER
Avocat au Barreau de Paris

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