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Viols et agressions sexuelles sur mineurs : les nouveaux délais de prescription. Par Avi Bitton, Avocat et Clémence Ferrand, Juriste.
Parution : vendredi 4 juin 2021
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La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste crée de nouveaux mécanismes de prescription qui permettent davantage de réprimer les auteurs longtemps après les faits.

La loi du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste instaure de nouveaux mécanismes en termes de prescription de l’action publique (délai pour porter plainte).

Les lois relatives à la prescription de l’action publique étant d’application immédiate [1], ces nouveaux mécanismes sont immédiatement applicables à la répression des infractions commises avant l’entrée en vigueur de la loi du 21 avril 2021, dès lors que leur prescription n’est pas acquise au jour de l’entrée en vigueur de ladite loi.

1. La création d’une prescription de l’action publique dite « glissante » ou « en cascade ».

Le délai de prescription du crime de viol et des délits d’agression sexuelle et d’atteinte sexuelle sur mineur, instauré par la loi dite « Schiappa » du 3 août 2018, reste de 30 ans pour le viol et 10 ans pour l’agression sexuelle et l’atteinte sexuelle à compter de la majorité de la victime. Lorsque l’agression sexuelle ou l’atteinte sexuelle est commise sur un mineur de 15 ans, le délai de prescription est porté à 20 ans à compter de la majorité de la victime [2].

Ainsi, l’action publique se rapportant à un mineur victime d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle peut être engagée jusqu’à ses 48 ans en cas de qualification criminelle des faits, et jusqu’à ses 28 ou 38 ans en cas de qualification délictuelle des faits [3].

Pour rappel, s’agissant des victimes majeures, le crime de viol se prescrit par 20 années et le délit d’agression sexuelle par 6 années à compter de la date de commission de l’infraction.

La nouvelle loi du 21 avril 2021 instaure un mécanisme original de prescription dite « glissante » ou « en cascade », concernant ces infractions sexuelles, en apportant des précisions au sein des articles 7 et 8 du Code de procédure pénale.

L’alinéa 3 de l’article 7 dispose :

« L’action publique des crimes mentionnés à l’article 706-47 du présent code, lorsqu’ils sont commis sur des mineurs, se prescrit par trente années révolues à compter de la majorité de ces derniers ; toutefois, s’il s’agit d’un viol, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l’expiration de ce délai, d’un nouveau viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de ce viol est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction ».

L’article 8 dispose :

« Toutefois, s’il s’agit d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commise sur un mineur, en cas de commission sur un autre mineur par la même personne, avant l’expiration des délais prévus aux deuxième et troisième alinéas du présent article, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle, le délai de prescription de la première infraction est prolongé, le cas échéant, jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction ».

Désormais, le délai de prescription du crime de viol sur mineur peut être prolongé dès lors que l’auteur commet, sur un autre mineur et avant l’expiration dudit délai [4], un nouveau viol, une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle. Le délai de prescription du crime de viol initial est alors prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction commise.

Il en va de même s’agissant du délai de prescription des délits d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle : si l’auteur commet de nouveau une agression sexuelle ou une atteinte sexuelle sur un autre mineur avant l’expiration du délai de prescription de la première infraction, celui-ci sera prolongé jusqu’à la date de prescription de la nouvelle infraction commise.

Ce nouveau mécanisme est bénéfique aux victimes de crimes ou délits sexuels peinant à libérer leur parole dans le temps du délai de prescription initial puisqu’avec la loi nouvelle, les délais de prescription de l’action publique pourront être prolongés de 10, 20 ou 30 ans supplémentaires à compter de la date de commission du nouveau fait de viol, d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle sur un autre mineur.

2. L’interruption de la prescription de l’action publique.

La loi du 21 avril 2021 instaure un mécanisme similaire en matière d’actes interruptifs de prescription, en ajoutant un nouvel alinéa à l’article 9-2 du Code de procédure pénale, selon lequel :

« Le délai de prescription d’un viol, d’une agression sexuelle ou d’une atteinte sexuelle commis sur un mineur est interrompu par l’un des actes ou l’une des décisions mentionnés aux 1° à 4° intervenus dans une procédure dans laquelle est reprochée à la même personne une de ces mêmes infractions commises sur un autre mineur ».

Cela signifie que les actes interruptifs de prescription, énumérés à l’alinéa 1er de l’article 9-2 [5], interrompent la prescription non seulement dans l’affaire considérée, mais également dans les autres affaires d’infractions sexuelles [6] reprochées à l’auteur du crime ou délit sexuel initial, faisant alors courir, à compter de la date de l’acte interruptif, un nouveau délai de prescription de même durée que l’ancien.

Tel sera par exemple le cas, en cas de viol, d’agression sexuelle ou d’atteinte sexuelle commis sur une nouvelle victime mineure, si celle-ci dépose plainte ou encore si une enquête préliminaire ou une information judiciaire est ouverte. Dans cette hypothèse, le dépôt de plainte, ou l’ouverture d’une enquête préliminaire ou d’une information judiciaire, auront pour effet d’interrompre la prescription qui est en train de courir et de faire courir un nouveau délai de prescription.

3. L’allongement du délai de prescription du délit de non-dénonciation de sévices sur mineurs.

Avant la loi du 21 avril 2021, le délit prévu à l’article 434-3 du Code pénal, à savoir la non-dénonciation de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles, notamment sur mineur, par toute personne en ayant eu connaissance, se prescrivait par 6 années (à compter du jour où l’auteur en avait connaissance).

Toutefois, la loi du 21 avril 2021 a créé, au sein de l’article 8 du Code de procédure pénale, un alinéa qui dispose :

« L’action publique du délit mentionné à l’article 434-3 du code pénal se prescrit, lorsque le défaut d’information concerne une agression ou un atteinte sexuelle commise sur un mineur, par dix années révolues à compter de la majorité de la victime et, lorsque le défaut d’information concerne un viol commis sur un mineur, par vingt années révolues à compter de la majorité de la victime ».

Désormais, le délit de l’article 434-3 du Code pénal se prescrit donc par 10 années ou 20 années révolues à compter de la majorité de la victime selon que la non-dénonciation concerne une agression ou une atteinte sexuelle commise sur un mineur, ou un viol commis sur un mineur. Dans les autres cas de figure, le délai de prescription de l’infraction reste de 6 ans.

Avi Bitton, Avocat, et Clémence Ferrand, Juriste Courriel: [->avocat@avibitton.com] Site: [->https://www.avibitton.com]

[1Article 112-2 4° du Code pénal.

[2Articles 7 et 8 du Code de procédure pénale.

[3Selon qu’il est âgé de moins de 15 ans ou non.

[4De 30 ans à compter de la majorité de la victime.

[5Actes émanant du ministère public ou de la partie civile tendant à la mise en mouvement de l’action publique, actes d’enquête émanant du ministère public, procès-verbaux dressés par un officier de police judiciaire ou un agent habilité, actes d’instruction, jugements ou arrêts même non-définitifs.

[6Viol, agression sexuelle ou atteinte sexuelle sur une autre victime mineure.

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