Village de la Justice www.village-justice.com

La Chancellerie fait son bilan annuel.
Parution : lundi 5 juillet 2021
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/chancellerie-fait-son-bilan-annuel,39619.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Un an presque jour pour jour après la passation de pouvoir à la place Vendôme, le ministère de la Justice présentait à la presse un état des lieux des actions et réformes menées par Éric Dupond-Moretti. Entre les promesses faites en juillet 2020 et les actions réalisées en juillet 2021, quel est le bilan du garde des Sceaux et de son administration ?

On se souviendra bien sûr de la relative surprise et des réactions contrastées à l’annonce de la nomination d’Éric Dupond-Moretti à la tête du ministère de la Justice (voir Éric Dupond-Moretti : des pas perdus aux pieds dans le plat ?).

Outre la continuité du service public de la Justice pendant les 2e et 3e confinements, ce sont, au bilan, 17 textes qui ont été portés au Parlement. Mais c’est dans un contexte politiquement assez tendu, sur fond de saisine de la Cour de Justice de la République, que la Chancellerie a présenté à la presse, lundi 5 juillet 2021, un bilan de l’action du garde des Sceaux, un an après sa prise de fonctions : la "guerre des syndicats de magistrats n’a pas entaché sa volonté de réformer" et de tenir ses engagements ; sa "défaite électorale n’enlève rien à sa légitimité de ministre" - qu’il tire de ses 36 ans de Barreau -, d’autant que "chaque combat électoral mérite d’être mené".

Quelles réalisations par rapport au discours de juillet 2020 ?

Sur le perron de la Chancellerie, Éric Dupond-Moretti affirmait sa volonté de réformer plusieurs champs de notre système juridique et judiciaire. Où en est-on des aspects explicitement évoqués dans le discours de juillet 2020 ?

Les réformes envisagées :
- Enquêtes préliminaires, présomption d’innocence et secret de l’enquête (> en cours : PJL confiance ; voir [Dossier] Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire) ;
- Justice de proximité (> en cours de déploiement ; voir Justice de proximité, le ministère de la Justice met en place sa politique) ;
- Procréation médicalement assistée (PMA) (> réalisé : projet de loi relatif à la bioéthique, adoptée en dernière lecture le 29 juin 2021 ; TA n° 640) ;
- Parquet européen (> réalisé : L. n° 2020-1672, 24 déc. 2020, JO 26 déc., relative au Parquet européen, à la justice environnementale et à la justice pénale spécialisée) ;
- Ordonnance de 1945 sur l’enfance délinquante (> réalisé : L. n° 2021-218, 26 févr. 2021, JO 27 févr., ratifiant l’ordonnance n° 2019-950 du 11 septembre 2019 portant partie législative du Code de la justice pénale des mineurs) ;
- Secret professionnel de l’avocat (> en cours : PJL Confiance ; voir [Dossier] Projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire) ;
- Conditions des personnes détenues (> en cours : droit des peines, travail pénitentiaire (PJL confiance) et programme immobilier pénitentiaire, voir infra).

À ce stade, seule n’a pas été réalisée, la remise à plat de l’ordonnance de 1958 (et la réforme consécutive du statut du parquet). Cette réforme est actuellement en attente des conclusions du rapport demandé au Conseil Supérieur de la Magistrature (CSM) par le Président de la République en octobre 2020.

Le détail des actions "à mèche courte" et "à mèche lente".

La Chancellerie a également énuméré une grande partie des actions et réformes menées pour "revivifier la Justice", avec des effets attendus à court terme (actions "à mèche courte") et à plus long terme (actions "à mèche lente"). Le tout, avec une idée directrice : "se donner les moyens de ses ambitions".

Réformes et actions "à mèche courte" :
- Un budget historique (+ 8 %) depuis un quart de siècle, avec un renforcement significatif des moyens dans les juridictions, l’administration pénitentiaire et la PJJ ;
- La justice de proximité (+ 10 % d’effectifs) : avec la volonté d’une réponse plus rapide et efficace pour la justice pénale de proximité et une réduction des délais de traitement des dossiers relevant de la justice civile de proximité ;
- La création du moteur des « bonnes pratiques », avec actuellement 150 fiches répertoriées et plus de 15 000 téléchargements (voir Plateforme des "bonnes pratiques" : un vent de nouveauté au ministère de la Justice)
- La réforme des pensions alimentaires en vue de mettre fin aux impayés (30 % des cas) et d’apaiser les tensions dans les échanges, avec l’intermédiation financière de la CAF/MSA (D. n° 2020-1202, 30 sept. 2020, JO 1er oct., relatif à la mise en œuvre de l’intermédiation financière des pensions alimentaires prévue à l’article L582-1 du Code de la sécurité sociale, en vigueur depuis janvier 2021) ;
- La réforme de l’aide juridictionnelle : allègement des démarches avec la prise en compte du revenu fiscal de référence ou du revenu imposable du demandeur et un "budget dynamique", avec une progression de 10 %, pour moitié consacré à la revalorisation de l’UV et pour moitié à la revalorisation du barème (D. n° 2020-1717, 28 déc. 2020, JO 29 déc. ; L. n° 2020-1721, 29 déc. 2020, de finances pour 2021)
- Lutte contre la haine en ligne, avec la création d’un Pôle national de lutte contre la haine en ligne du tribunal judiciaire de Paris (installé en janvier 2021), dans le prolongement de la loi n° 2020-766 du 24 juin 2020) visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.

Réformes et actions "à mèche lente" :

- La réforme de la justice pénale des mineurs ;
- La concrétisation du programme immobilier pénitentiaire, avec 8 000 places supplémentaires annoncées (et financées ; parcelles identifiées dans les communes), avec notamment pour objectif la résorption de la surpopulation en maison d’arrêt et un taux d’encellulement individuel à 80% ;
- La réforme des crimes et délits sexuels sur mineurs, avec la loi n° 2021-478 du 21 avril 2021 visant à protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l’inceste ;
- La lutte contre les violences conjugales, avec les bracelets anti-rapprochement, les téléphones grave danger" (TGD), la possible levée du secret médical pour les victimes sous emprise et l’aménagement du régime des ordonnances de protection ;
- Les entreprises en difficultés, avec notamment un possible échelonnement des dettes en cas de difficultés persistantes en raison de la crise sanitaire en dépit des autres aides allouées.

La Chancellerie défend également le bilan du garde des Sceaux en soulignant que d’autres actions ont été réalisées, notamment le "rapprochement des corps", avec la nomination de Nathalie Roret à la tête de l’ENM [1] et celle de Gilles Accomando à la tête de l’EFB, ainsi que la mobilisation du ministère pour engager la transition énergétique du parc immobilier.

Quelles sont les perspectives d’ici la fin du quinquennat ?

Trois échéances sont attendues :
- Le vote du PJL confiance, prochainement au Sénat ;
- Le lancement des états généraux de la Justice, qui seront pilotés par le garde des Sceaux ;
- La réforme de l’irresponsabilité pénale, actuellement en attente du retour du Conseil d’État.

Rédaction du Village de la Justice