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Action oblique et chèque contre-passé. Par Lily Ravon, Avocate.
Parution : vendredi 3 février 2023
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Dans cet arrêt, la Cour de cassation rappelle l’existence de l’action oblique comme voie processuelle disponible (article 1341-1 du Code civil) tout en précisant les contours de cette action, qui ne peut être utilisée que si la preuve d’une carence du tiers dans ses droits est rapportée.

En l’espèce, un rapport à quatre personnes s’est créé autour d’un chèque entre :
- (i) l’émetteur du chèque,
- (ii) la banque tirée,
- (iii) le bénéficiaire du chèque, et
- (iv) la banque dudit bénéficiaire.

Le chèque litigieux avait été crédité sur le compte du bénéficiaire mais, en raison du défaut de qualité du signataire et de la non-conformité de la signature, la banque du bénéficiaire a décidé de le contre-passer.

Cette contre-passation a eu pour conséquence de rendre débiteur le solde bancaire du bénéficiaire qui avait, entre temps, dépensé l’argent du chèque.

La procédure judiciaire se divise alors en plusieurs étapes :
- la banque du bénéficiaire assigne ledit bénéficiaire en règlement de ce solde.
- le bénéficiaire appelle en garantie la banque tirée.

Deux rapports juridiques sont ainsi relevés :
- le rapport entre la banque du bénéficiaire et le bénéficiaire, fondé sur la responsabilité civile contractuelle car il existe un contrat entre eux ; et
- le rapport entre le bénéficiaire et la banque tirée, fondé sur la responsabilité civile délictuelle car il n’existe aucun contrat entre eux.

En première instance, le juge condamne la banque tirée à régler le solde débiteur du bénéficiaire.

- Cette décision est infirmée en appel, le bénéficiaire devant, seul, régler le solde débiteur de son compte bancaire.

- La banque du bénéficiaire fait alors appel de cette décision sur le fondement de l’article 1341-1 du Code civil relatif à l’action oblique, lequel dispose que :

« Lorsque la carence du débiteur dans l’exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l’exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne ».

- Dans sa réponse, la Cour de cassation émet un raisonnement en trois étapes :
1. Elle relève d’office l’absence de qualité à agir de la banque du bénéficiaire, celle-ci n’ayant pas qualité pour critiquer le rejet d’une demande formée par un tiers (en l’espèce le bénéficiaire) ;
2. Elle considère néanmoins que la banque du bénéficiaire peut se pourvoir sur le fondement de l’action oblique ;
3. Cependant elle estime que la banque du bénéficiaire ne prouve pas en quoi l’éventuelle carence du bénéficiaire dans l’exercice de son droit à se pourvoir en cassation compromet ses droits de créancier.

La Cour de cassation rejette donc le pourvoi, confirmant l’arrêt de la cour d’appel.

Malgré ce rejet, cet arrêt nous montre que la voie de l’action oblique est une voie processuelle utile qui peut permettre d’agir lorsque les conditions sont réunies.

Références de l’arrêt : Cass. com. 21 septembre 2022, n°20-17.089.

Lily Ravon, avocate au barreau de Paris en contentieux des affaires