Éric Baccard, médecin légiste à la retraite, a souhaité faire part de son expérience au plus grand nombre. Avec précision, il revient sur l’actualité criminelle qu’il a eu à traiter tant pour les juridictions nationales (Cour d’appel de Grenoble, Cour de Cassation), qu’internationales (Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, Cour pénale internationale).
Au travers de son récit chronologique, technique et précis, on revient sur des événements tragiques, voire effroyables qui ont marqué nos sociétés que ce soit la catastrophe de l’incendie du Tunnel du Mont-Blanc, l’affaire Flactif, les charniers lors de la guerre de Yougoslavie ou encore les crimes de guerre et crimes contre l’humanité en Afrique subsaharienne.
Le livre se compose de trois grandes parties, la première consacrée aux dossiers traités en France, la deuxième partie est réservée au travail de l’auteur en ex-Yougoslavie ; la troisième partie, la plus conséquente, traite du travail mené sur le continent africain.
Par cet ouvrage, Éric Baccard donne à voir le quotidien d’un médecin légiste sur différents théâtres d’opération, et dont l’objectif est de collecter des preuves scientifiques pour permettre à la vérité d’apparaître par-delà la mort.
Cette autobiographie, dense, parfois dure, permet de mieux comprendre le rôle du médecin légiste au sein de la chaine judiciaire  ; d’appréhender ses relations avec les autres acteurs œuvrant pour la Justice.

Parole à Éric Baccard...

Éric Baccard est Docteur en médecine, expert agréé par la Cour de cassation. Il fut médecin légiste en chef pour le Kossovo en 2000, puis consultant pour le Bureau du Procureur du TPI pour l’ex-Yougoslavie. En 2004, il a été chargé par le Procureur de la Cour pénale internationale de créer et développer les ressources de police scientifique et médecine légale du Bureau responsable de la preuve scientifique.

Quelles ont été les motivations à la rédaction de ce livre ?

« L’idée de ce livre autobiographique a progressivement germé après mon retour à la vie « civile » à la fin de l’année 2018.
D’abord consacrée à la médecine légale en France, ma carrière professionnelle m’a permis en effet de vivre en première ligne des affaires hors normes comme le massacre de l’Ordre du temple solaire ou la catastrophe du tunnel du Mont Blanc. Dans un second temps, j’ai été confronté aux plus graves violations des droits humains liées aux conflits meurtriers survenus notamment au Kosovo, en Croatie et en Bosnie, témoignant en tant qu’expert de l’Accusation dans plusieurs procès du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie.
La dernière partie de ma carrière s’est enfin déroulée au sein du Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale et m’a amené à travailler sur l’enquête scientifique conduite dans plusieurs pays de l’Afrique subsaharienne.
J’ai pensé que ces nombreuses années passées au service de la Justice française et internationale méritaient d’être partagées avec le plus grand nombre.

Ce livre s’adresse aux nombreux professionnels avec lesquels j’ai eu l’honneur de travailler en France et à l’étranger, magistrats, policiers, gendarmes, avocats, experts médicolégaux de toutes disciplines, mais aussi à un public plus large qui y trouvera une narration particulière d’évènements tragiques relatés dans les médias ».

Pourquoi avoir choisi ce titre, qui peut par sa sonorité et ce à quoi il réfère "rebuter" le lecteur ?

« Le choix du titre m’a longtemps fait hésiter. Je souhaitais surtout éviter tout aspect racoleur et tout sensationnalisme d’une part et d’autre part résumer en un mot simple des expériences professionnelles multiples.
Passionné par l’Antiquité, j’ai finalement retenu le terme de nécropoles, venant du grec nekropolis, proprement « cité des morts » selon l’Académie française et que l’on peut définir comme de vastes cimetières ».

S’il ne fallait en présenter qu’un seul, quel est le point fort de votre livre ?

« Permettez-moi de « botter en touche » et de citer non pas un, mais les trois souvenirs qui m’ont le plus marqué.
 Tout d’abord la catastrophe du tunnel du Mont Blanc en mars 1999 a revêtu une importance majeure pour tous les intervenants du fait du nombre de victimes, de la durée de l’incendie et du site particulièrement dangereux dans lequel nous avons dû évoluer pendant plusieurs jours pour le ramassage des victimes.
 C’est ensuite la mission conduite au Kosovo au cours de l’année 2000 sous l’égide du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie afin d’exhumer, identifier et autopsier les victimes des atrocités perpétrées lors du conflit de 1998-1999. Réunissant une cinquantaine de scientifiques de 29 nationalités différentes, cette campagne à grande échelle s’inscrivait dans le cadre des enquêtes et poursuites intentées contre Slobodan Milosevic et consorts.
 Enfin, le privilège d’avoir été sollicité par la Cour internationale de justice gardienne d’une partie des archives du procès de Nuremberg me permettant d’avoir accès aux preuves tragiques de la barbarie nazie, notamment les peaux humaines tannées et le savon produit à partir de la graisse prélevée sur les cadavres de femmes et d’hommes, m’est apparu comme un pèlerinage mémoriel confortant le choix professionnel fait quelques années plus tôt ».

Pourriez-vous préciser comment le médecin légiste œuvre-t-il à ce que Justice soit faite ?

« Au cours de l’année 2000, plusieurs équipes scientifiques se sont succédé au Kosovo. J’avais l’habitude de les conduire dans plusieurs villages proches de Prizren et qui portaient les stigmates des violences perpétrées. Je rappelais à chacun que nous étions là afin de rendre la parole aux victimes, aux morts qui pouvaient avoir enfin l’occasion de livrer un témoignage posthume aux travers des nombreuses lésions présentées. Notre rôle ne se limitait pas à permettre l’identification des corps, mais aussi à déterminer les causes de leur mort ainsi que les circonstances du décès. Au sein d’une équipe multidisciplinaire comprenant également anthropologues, odontologues, techniciens de scène de crime et de nombreux autres experts, le médecin légiste joue en effet un rôle majeur dans l’établissement de la preuve scientifique contribuant ainsi, avec les preuves testimoniales et documentaires, à la recherche de la vérité ».

Quel message souhaitez-vous transmettre à vos lecteurs par ce livre ?

« Je pense qu’une autobiographie tend plus à transmettre un témoignage factuel qu’à délivrer un message, même si la sensibilité du narrateur, moi en l’occurrence, peut se deviner au contact des évènements auxquels j’ai été confronté de par ma vie professionnelle. Ma carrière m’a conduit à côtoyer les crimes décrits dans les pages de fait divers des quotidiens régionaux, puis m’a progressivement amené à travailler sur des affaires plus graves si l’on considère le nombre de victimes, la nature des crimes et le statut des auteurs. Quels que soient les visages que ces crimes revêtaient, quelle que soit leur gradation dans l’horreur, ils restaient, à des degrés divers, la même expression du Mal.
Je n’en suis que plus fier d’avoir consacré ces longues années aux victimes, celles de la délinquance ordinaire comme celles des violations graves des droits humains ».

Informations techniques :
Titre : Nécropoles – Du fait divers au crime contre l’humanité, un médecin légiste raconte…
Auteur : Eric Baccard
Editeur : Harmattan
ISBN : 978-2-336-44371-3
Date de publication : 14 mars 2024
Broché - format : 15,5 x 24 cm - 416 pages
Prix : 30 euros.