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De l’obligation de négocier sur la pénibilité. Par Chudakova Valentyna
Parution : jeudi 13 octobre 2011
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Depuis la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, l’obligation est faite à certaines entreprises, dans les conditions définies par la loi et les décrets d’application, de négocier un accord collectif ou d’établir un plan d’action sur la prévention de la pénibilité.

La pénibilité est définie comme : « la manifestation d’un ou plusieurs risques professionnels liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement physique agressif ou à un certain rythme de travail susceptible de laisser des traces durables, identifiables et irréversibles sur la santé ». Cette définition résulte des dispositions de l’article L.4121-3-1 du Code du travail. Ce dernier se contente de préciser à qui les mesures de prévention de la pénibilité sont destinées.

Afin de mieux appréhender la notion de pénibilité, nous nous sommes intéressés à son contexte. Lorsque nous parlons de l’obligation de négocier un accord collectif ou d’établir un plan d’action, nous parlons d’une obligation nouvelle, issue de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites. Toutefois, il serait erroné de croire que le législateur innove quand il met à la charge de l’employeur une obligation relative aux mesures préventives.

Le droit à la santé et à la sécurité au travail, étant un droit fondamental, la Cour de cassation en assure depuis longtemps la protection à travers l’obligation de sécurité de résultat mise à la charge de l’employeur. En effet, depuis une série d’arrêts du 28 février 2002, la Cour de cassation rappelle régulièrement qu’ : « en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers celui-ci d’une obligation de sécurité de résultat ».

La jurisprudence a eu, par ailleurs, l’occasion à plusieurs reprises de préciser la portée de cette obligation. Dans un arrêt du 5 mars 2008, elle a pu notamment juger que : « l’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs ; il lui est interdit, dans l’exercice de son pouvoir de direction, de prendre des mesures qui auraient pour objet ou pour effet de compromettre la santé et la sécurité des salariés ».

Le fondement juridique de cette obligation n’est, cependant, pas entièrement jurisprudentiel et résulte des dispositions des articles L.4121-1 et suivants du Code du travail. L’article L.4121-1 du Code du travail en pose un principe et se trouve rédigé comme suit :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

- 1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

- 2° Des actions d’information et de formation ;

- 3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes  ».

La méconnaissance de l’obligation de sécurité de résultat a pour conséquence d’engager la responsabilité de l’employeur pour tout accident ou toute maladie professionnelle dont le salarié est victime dans l’exercice de ses fonctions et, ce quand bien même l’employeur aurait pris des mesures nécessaires pour l’en préserver. Aucune preuve de la faute ou de la négligence de la part de l’employeur n’est à rapporter par le salarié-victime.

Une fois ces principes généraux de prévention exposés, nous pouvons dès lors comprendre que la négociation d’un accord collectif ou l’établissement d’un plan relatif à la prévention de la pénibilité ne constitue qu’un simple prolongement des obligations législatives existantes. En effet, avant même l’entrée en vigueur de cette loi, l’employeur avait déjà des obligations en matière de prévention de la santé et de la sécurité au travail.

N.B. Aussi, il semble nécessaire de souligner qu’une entreprise ne peut se contenter de mettre en œuvre les mesures préventives prévues par un accord collectif ou un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité. En effet, la négociation d’un accord ou l’établissement d’un plan ne saurait exonérer l’employeur de l’obligation générale de prévention. Nous devons ainsi mettre l’accent sur l’insuffisance des mesures prises dans le cadre d’un accord collectif ou d’un plan d’action. La défaillance de l’employeur en matière de prévention engage sa responsabilité sur le fondement de l’obligation de sécurité de résultat et, ce combien même l’employeur s’accomplit de l’ensemble de ses obligations tenant aux situations de pénibilité au sein de son entreprise. Il convient d’être vigilant sur ce point et d’alerter les entreprises sur l’insuffisance des mesures préventives liées aux facteurs de pénibilité.

Dans ce contexte naît une obligation nouvelle de négociation à charge de l’employeur. Cette étude se propose d’exposer les principes fondamentaux de l’obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité ainsi que de mettre en évidence les difficultés pratiques et les prolongements y afférents. A cet effet, nous allons présenter les débiteurs de l’obligation de négociation, analyser les règles relatives à la conclusion d’un accord et/ ou d’un plan ainsi que les sanctions éventuelles.

I. Entreprises concernées : des règles juridiques aux difficultés pratiques

1.1. Détermination des entreprises concernées : précisions législatives et réglementaires

1.1.1. Précisions législatives

En vertu de l’article L.138-29 du Code de la sécurité sociale, issu de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, l’obligation de négocier un accord ou d’établir un plan d’action sur la prévention de la pénibilité pèse sur :

- les entreprises d’au moins 50 salariés ou appartenant à un groupe de cette taille ;

- et, employant une proportion minimale des salariés exposés aux facteurs de risques professionnels liés à la pénibilité.

L’article L.4121-3-1 du Code du travail, issu de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, définit les facteurs de risques liés à la pénibilité comme étant ceux liés à des contraintes physiques marquées, à un environnement agressif ou à des rythmes de travail susceptibles de laisser des traces durables et irréversibles sur la santé du salarié.

1.1.2. Précisions réglementaires

Le décret n° 2011-354 du 30 mars 2011 relatif à la définition des facteurs de risques professionnels contient l’article D.4121-5 du Code du travail. Ce dernier vient à préciser ces risques liés à la pénibilité et énonce que : « les facteurs de risques mentionnés à l’article L.4121-3-1 du Code du travail sont :

- 1° Au titre des contraintes physiques marquées :

a) les manutentions manuelles de charges définies à l’article R.4541-2 ;

b) les postures pénibles, définies comme positions forcées des articulations ;

c) les vibrations mécaniques définies à l’article R.4441-1.

- 2° Au tire de l’environnement physique agressif :

a) l’exposition aux agents chimiques dangereux mentionnés aux articles R.4412-3 et R.4412-69, y compris les poussières et fumées ;

b) les activités exercées en milieu hyperbare définies à l’article R.4461-1 ;

c) les températures extrêmes ;

d) le bruit mentionné à l’article R.4431-1.

- 3° Au titre des contraintes liées aux rythmes de travail :

a) le travail de nuit tel que défini par la loi ou accords collectifs applicables ;

b) le travail en équipes successives alternantes ;

c) le travail répétitif caractérisé par la répétition d’un même geste, à une cadence élevée, imposée ou non par le déplacement automatique d’une pièce, avec un temps de cycle défini ».

Conformément au décret n° 2011-824 du 7 juillet 2011 relatif aux accords conclus en faveur de la prévention de la pénibilité, l’article D.138-26 du Code de la sécurité sociale fixe cette proportion minimale des salariés exposés aux facteurs de risques professionnels liés à la pénibilité à 50% de l’effectif calculé à l’article D.138-25 du Code de la sécurité sociale.

Par ailleurs, il apparaît nécessaire de souligner que le décret n°2011-823 du 7 juillet 2011 relatif à la pénalité pour défaut d’accord ou de plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité mentionnée à l’article L.138-29 du Code de la sécurité sociale prévoit à l’article R.138-32 du Code de la sécurité sociale, qu’il appartient à l’employeur de déterminer la proportion de salariés exposés aux facteurs de pénibilité.

Cette disposition nous amène à parler de «  l’employeur-juge ». L’employeur peut en effet être qualifié de juge de son propre sort face à cette obligation nouvelle. Ce juge saurait-il être impartial ? Bel et bien partie au procès, nous pouvons douter de son objectivité. Aussi, le législateur lui-même semble prévoir « des échappatoires » possibles à cette obligation de négociation sur la pénibilité.

Au-delà de la fraude et de la mauvaise foi des entreprises, nous pouvons avancer sans hésitation, si ce n’est l’incompétence des entreprises, du moins les difficultés pratiques auxquelles celles-ci sont aujourd’hui confrontées. Ces difficultés se résument pour l’essentiel à la problématique de la définition de la pénibilité et, en particulier, des facteurs de risques professionnels. En effet, face à l’apparente simplicité dans la détermination des entreprises soumises à l’obligation de négociation sur la pénibilité, les difficultés pratiques surgissent.

1.2. Difficultés pratiques liées à la détermination des entreprises concernées

1.2.1. Définition des facteurs de risques professionnels liés à la pénibilité

Le décret n° 2011-354 du 30 mars 2011 relatif à la définition des facteurs de risques professionnels contient l’article D. 4121-5 du Code du travail, destiné à compléter l’article L.4121-3-1 du Code du travail. Ce dernier se doit d’apporter des précisions en la matière. Ces éclaircissements ne semblent néanmoins guère d’un grand secours.

En effet, prenons deux exemples concrets de manutentions manuelles de charges définies à l’article R.4541-2 du Code du travail classées comme un facteur de risque professionnel au titre des contraintes physiques marquées et de températures extrêmes classées comme un risque professionnel au titre de l’environnement physique agressif.

L’article R. 4541-2 du Code du travail auquel renvoie le décret est rédigé comme suit : «  On entend par manutention manuelle toute opération de transport ou de soutien d’une charge, dont le levage, la pose, la poussée, la traction, le port et le déplacement, exige l’effort physique d’un ou plusieurs travailleurs ». Cet article soulève plusieurs questions que bon nombre d’entreprises se posent ou sont en tous cas en droit de se poser. La première d’entre elles repose sur la détermination d’un seuil à partir duquel la charge portée comporte un risque professionnel au titre de la manutention manuelle. Autrement dit, à partir de quel poids l’opération de transport constitue-t-elle un facteur de risque professionnel ? S’agit-il de 10, 15, 20... Kilogrammes ? Est-ce d’ailleurs vraiment la même chose ? L’article cité ne semble pas le préciser.

La définition de la durée et de la fréquence du port de charge semble également soulever des interrogations. En effet, le fait de porter une charge pendant une durée de 10 minutes par jour est-il suffisant pour qualifier ce port de charge d’un facteur de risque professionnel au titre de la manutention manuelle ? Le port de charge réalisé une fois par mois est-il suffisant pour caractériser l’existence d’un facteur de pénibilité ? Là encore, l’article peine à y répondre.

Si nous nous penchons dès à présent sur le facteur de risque professionnel des températures extrêmes, les mêmes subtilités et interrogations surgissent. A partir de quelle température l’activité exercée par un salarié peut-t-elle être qualifiée de pénible ? Le fait de réaliser des tâches d’une très courte durée, de quelques minutes par exemple, seulement constitue-t-il à lui seul un facteur de risque professionnel ? La question de la fréquence, autrement dit, du caractère occasionnel peut aussi être soulevée en l’espèce.

Ainsi, les entreprises se heurtent à une véritable difficulté de définition des facteurs de risques professionnels. Les termes du décret restant trop imprécis et vagues, se révèlent de facto être sujets à débats sinon à mésinterprétations pour chacun. En d’autres termes, l’absence de seuil constitue un réel obstacle : si la notion de pénibilité peut a priori paraître complexe à définir de par notamment une certaine subjectivité, il reste que des bases claires doivent être définies afin de pouvoir rendre cette notion plus mesurable. In fine, cela générerait sans doute moins de difficultés dans l’application et l’applicabilité des textes relatifs à cette notion et donc moins de questions pour les entreprises confrontées à ce problème.

Les parlementaires devaient certainement croire que la simple exclusion des risques psychosociaux de la notion de pénibilité saurait suffire à rendre la pénibilité à la fois objective et quantifiable (Sénat, 16 octobre 2010 amendement n° 988). En effet, il est à noter que seuls les facteurs physiques ont été retenus comme facteurs liés à la pénibilité. Cependant, les facteurs physiques étant certes quantifiables, le législateur a omis d’en fixer les seuils ; de sorte que de la subjectivité et de l’arbitraire se substituent à l’objectivité recherchée.

Toutefois, quelques indices permettent aux entreprises de s’identifier. En effet, le versement de certaines primes, telles que les primes de rythme, de nuit, de froid, de pénibilité, ainsi que, les primes pour réalisation de travaux dans des conditions dangereuses, bruyantes ou insalubres font présumer l’existence de facteurs de risques professionnels liés à la pénibilité au sein d’une entreprise. Ces entreprises devront dès lors négocier et mettre en place un accord collectif ou un plan d’action sur la prévention de la pénibilité.

1.2.2. Détermination de la proportion minimale de salariés exposés

Une seconde interrogation est soulevée par les entreprises, celle relative à la proportion minimale de salariés exposés aux facteurs de risques professionnels liés à la pénibilité fixée à 50% de l’effectif.
En effet, un salarié qui est exposé seulement pour 10% de son temps de travail est-il pris en compte de la même manière dans la détermination de la proportion minimale de salariés exposés qu’un salarié qui est exposé à ces mêmes facteurs pour la totalité de son temps de travail ? Autrement dit, pouvons nous prendre en compte le nombre des salariés exposés proportionnellement à leur exposition aux facteurs de risques professionnels ?

La même difficulté surgit en présence de plusieurs facteurs de risques. Un salarié exposé à un seul facteur de risque professionnel doit-il être pris en compte de la même manière dans la détermination de la proportion minimale de salariés exposés qu’un salarié qui est soumis à plusieurs risques professionnels ? A ce titre, nous pouvons donner l’exemple d’une usine dont les salariés sont à la fois exposés au facteur de risque professionnel de manutention manuelle (port de charge) et celui de travail de nuit. Certains salariés de cette usine, travaillant uniquement le jour, ne sont ainsi exposés qu’au risque professionnel de manutention manuelle.

Dans le silence de textes législatifs et réglementaires, il semblerait ainsi qu’il n’existe aucune distinction à opérer et que tout salarié exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels, quelles que soient la durée et la fréquence de cette exposition, sera pris en compte de la même manière dans la détermination de cette proportion minimale.


1.3. Les partenaires sociaux en tant qu’acteurs de la détermination des entreprises concernées

1.3.1. Définition des facteurs liés à la pénibilité

Les termes du décret n° 2011-354 du 30 mars 2011 relatif à la définition des facteurs de risques professionnels étant imprécis, nous pouvons nous demander si le législateur n’a pas souhaité laisser aux partenaires sociaux le soin de définir les contours de cette notion afin de mieux répondre aux réalités du terrain. Les partenaires sociaux sont donc invités à définir et à «  quantifier et chiffrer » cette notion de pénibilité dans la mesure du possible.

Certaines entreprises ont déjà pu négocier ce type d’accord, tel est le cas de l’accord du groupe Thalès du 22 avril 2011. Nous pouvons ainsi donner quelques exemples des facteurs de pénibilité définis par cet accord. Poursuivant notre analyse, seules les définitions de travail nécessitant le port de charges lourdes et de travail sous températures extrêmes seront données.

Le travail nécessitant le port de charges lourdes est défini pour sa part comme suit par l’accord relatif aux situations de pénibilité dans le cadre de l’accord sur l’emploi des seniors au sein du groupe Thalès du 22 avril 2011 :

«  Le port de charges lourdes par le salarié, dans le cadre de son travail doit être répété plus d’une fois toutes les 5 minutes, pendant au moins 20 heures par semaine travaillée et doit concerner les charges supérieures aux valeurs suivantes :

- Hommes 18-45 ans : charges supérieures à 25 kg ;

- Hommes 45-65 ans : charges supérieures à 20 kg ;

- Femmes 18-45 et Hommes 15-18 ans : charges supérieures à 12, 5 kg ;

- Femmes 15-18 ans et 45-65 ans : charges supérieures à 10 kg ».

Le travail sous des températures extrêmes est défini, quant à lui, par l’accord relatif aux situations de pénibilité dans le cadre de l’accord sur l’emploi des seniors au sein du groupe Thalès du 22 avril 2011 selon les termes suivants :

«  Il doit s’agir d’un travail physique du salarié dans un espace clos et soumis, soit à une forte chaleur (température supérieure à 35° C), soit à un froid intense ( température inférieure à 0°C) et ce pendant au moins 20 heures par semaine travaillée ».

Ces deux propositions de définition permettent à la fois de mieux appréhender cette notion et de souligner les conditions restrictives auxquelles les partenaires sociaux soumettent la pénibilité.

Cependant, en présence d’un tel accord, accord portant donc sur la pénibilité, la question de savoir si une entreprise est bien soumise à l’obligation de négocier un accord ou un plan d’action sur la prévention de la pénibilité, deviendrait semble-t-il caduque. Les partenaires sociaux se plieraient de facto à cette obligation (en présence bien entendu, dans le corps de cet accord, des mesures de prévention de la pénibilité). Il s’agit ici d’un véritable paradoxe de la définition de la pénibilité par les partenaires sociaux.


II. Conclusion d’un accord ou établissement d’un plan

2.1. Étendue de l’obligation

2.1.1. Obligation de mise en œuvre des mesures préventives assortie du choix de la modalité

Avant d’aborder la problématique du contenu d’un accord collectif ou d’un plan d’action, nous allons évoquer quelques interrogations que suscite l’obligation de négocier. En effet, les entreprises se sont posées à juste titre la question de l’étendue de l’obligation. Existe-t-il une véritable obligation à charge de l’employeur de conclure un accord ou d’établir un plan ?

L’article L.138-31 du Code du travail énonce que :« les entreprises mentionnées au premier alinéa de l’article L.138-29 ne sont pas soumises à la pénalité lorsque, en l’absence d’accord d’entreprise ou de groupe, elles ont élaboré, après avis du comité d’entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel, un plan d’action établi au niveau de l’entreprise ou du groupe relatif à la prévention de la pénibilité... ». Aussi, cette rédaction semblait imposer une négociation collective préalable, tout en laissant une alternative d’un simple plan d’action et donc d’une décision unilatérale de l’employeur.

L’article R.138-34 du Code de la sécurité sociale issu du décret n°2011-823 du 7 juillet 2011 relatif à la pénalité pour défaut d’accord ou de plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité mentionnée à l’article L.138-29 du Code de la sécurité sociale prévoit, en revanche, qu’une mise en demeure est adressée à une entreprise qui n’est pas couverte par un accord collectif ou par un plan d’action.

Ainsi, s’il existe bien une obligation d’être couvert par un accord ou un plan d’action, il semblerait qu’il n’existe pas de véritable obligation ni de négocier, ni de conclure un accord collectif. Dans l’état actuel des textes et, en particulier de l’article D.138-28 du Code de la sécurité sociale, l’employeur peut donc soit établir directement et de manière unilatérale un plan d’action, soit essayer de négocier et, en cas d’échec de cette négociation, est dans l’obligation de mettre en place un plan d’action. En effet, aucune mention du terme « en l’absence » ou encore du terme « à défaut » ne saurait être constatée. Aussi, en l’absence de hiérarchie entre un accord collectif et un plan d’action, le choix de l’une ou de l’autre modalité est laissé à la libre appréciation de l’employeur. Ce choix dépend en réalité de la qualité du dialogue social et de la pratique interne de chaque entreprise.

Il est toutefois à noter qu’à l’exemple de l’accord senior une certaine prudence s’impose.


2.1.2. Négociation d’un accord collectif ou l’établissement d’un plan d’action : une obligation autonome de l’obligation d’établir une fiche individuelle de suivi

Outre cette obligation de négocier un accord ou d’établir un plan d’action et, conformément à l’article L. 4121-3-1 du Code du travail issu de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, l’employeur est tenu de consigner dans une « fiche individuelle de suivi » :

- les conditions de pénibilité auxquelles le travailleur est exposé ;

- la période au cours de laquelle cette exposition est survenue ;

- les mesures de prévention mises en œuvre pour faire disparaître ou réduire ces facteurs durant cette période.

Cette fiche doit être établie pour chaque travailleur exposé à un ou plusieurs facteurs de risques professionnels définis ci-dessus et, ce quel que soit :

- l’effectif de l’entreprise ou du groupe ;

- l’effectif de salariés exposés aux facteurs de risques liés à la pénibilité.

Aussi, il semble important de mettre en garde les entreprises et, en particulier, celles qui ne sont pas soumises à l’obligation de négociation d’un accord ou de l’établissement d’un plan d’action, de coexistence de ces obligations.

2.2. Procédure préalable

2.2.1. Diagnostic préalable et mesures préventives préexistantes

Selon l’article D.138-28 du Code de la sécurité sociale issu du décret n° 2011-824 du 7 juillet 2011 relatif aux accords conclus en faveur de la prévention de la pénibilité, la démarche doit être effectuée en deux temps. Cette démarche préalable réside avant tout dans la réalisation d’un diagnostic préalable des situations de pénibilité. Ce diagnostic repose notamment sur l’identification des emplois exposés à un ou plusieurs facteurs de pénibilité.

A ce titre, soulignons que l’entreprise n’est pas totalement dépourvue face à cette nouvelle obligation. En effet, avant même l’entrée en vigueur de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, l’entreprise était déjà tenue d’établir un certain nombre de documents relatifs à la pénibilité.
Ces documents sont les suivants :

- le document unique prévu par l’article R. 4121-1 du Code du travail ;

- la fiche d’entreprise du médecin du travail prévue par l’article D. 4624-37 du Code du travail ;

- le plan d’activité du médecin du travail qui porte sur les risques de l’entreprise, les postes et les conditions de travail prévu par l’article D. 4624-36 du Code du travail ;

- le rapport d’activité du médecin du travail dans les entreprises de plus de 300 salariés prévu par l’article D. 4624-35 du Code du travail ;

- le rapport annuel et le programme de prévention annuel présenté au CHSCT prévu par l’article L. 4612-16 du Code du travail ;

- le rapport sur la situation comparée des femmes et des hommes dans l’entreprise dans les entreprises de 300 salariés et plus ; le rapport annuel sur la situation économique dans les entreprises de moins de 300 salariés.

Ces documents sont à la fois des outils de diagnostic pour les entreprises mais également des sources de contrainte. En effet, on comprendrait mal qu’un poste de travail soit considéré comme à risque dans un des documents énumérés plus haut, mais ne soit pas retenu comme tel lors de l’établissement préalable des situations de pénibilité. Aussi, une certaine cohérence s’impose.

Dès lors, l’employeur devra tenir compte de documents déjà présents dans l’entreprise.
Par ailleurs, bien que les textes n’en fassent pas mention, il semble utile de conseiller aux entreprises de procéder à l’établissement d’un inventaire des mesures déjà mises en place en leur sein. Il n’est pas rare qu’une entreprise ait déjà pris un certain nombre de mesures préventives. En ce sens, la négociation d’un accord ou l’établissement d’un plan pourra formaliser les pratiques existantes.


2.2.2. Acteurs associés à la définition des mesures préventives

Par ailleurs, avant même de définir les actions à mettre en œuvre au sein d’une entreprise, l’employeur aura certainement à s’interroger sur les acteurs qu’il devra associer à cette définition.

Nous pouvons tout d’abord nous demander si l’employeur devra associer le personnel de l’entreprise à la définition de ces actions. Autrement dit, le personnel de l’entreprise pourra-t-il avoir un rôle actif dans la détermination des mesures préventives ?

La loi reste muette sur la participation éventuelle des salariés, si ce n’est par l’intermédiaire des partenaires sociaux. Or, une entreprise qui se doit de définir et de mettre en place des mesures et des actions préventives, peut se voir confrontée à une certaine hostilité de la part de son personnel. Dès lors, il semblerait que le souci de préserver une certaine paix sociale oblige l’employeur à permettre à son personnel à contribuer à l’élaboration d’un accord ou d’un plan. Quelques exemples pratiques peuvent être cités notamment lorsque l’employeur, souhaitant prendre des mesures préventives, se doit d’abord de faire face au désaccord de ses salariés.

- Tel est le cas d’une entreprise dont les salariés sont soumis à une amplitude horaire importante mais dont le travail n’est exercé que sur une période réduite de la semaine. L’entreprise souhaite réduire cette amplitude en réduisant le nombre d’heures quotidiennes et en augmentant le nombre de jours travaillés par semaine.

- Tel est le cas d’une entreprise qui envisage de faire commencer ses salariés à 6 heures du matin au lieu d’une heure plus tôt. En effet, le médecin du travail préconise cette mesure en raison du fait que le sommeil d’un individu est plus profond le matin.

- Tel est également le cas d’une entreprise dont certains salariés travaillent uniquement la nuit. L’employeur a souhaité mettre en place un roulement, afin que ceux-ci travaillent parfois le jour et parfois la nuit. Il est à noter que cette action visait, outre la prévention de la pénibilité, une meilleure intégration des salariés au sein de l’entreprise. Les employeurs se sont en effet aperçus que ces équipes se tenaient à l’écart au sein de l’organisation globale de l’entreprise.

L’employeur est donc placé dans une situation délicate, entre l’obligation législative, d’une part, et, les relations sociales, d’autre part. Il semblerait qu’il appartient à ce dernier de se plier à cette obligation de négociation en répondant le mieux possible aux attentes de son personnel. Aussi, au-delà de l’obligation législative, l’employeur doit tenir compte de l’importance du dialogue social.

Si la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites reste muette sur le rôle du personnel, elle associe en revanche le CHSCT à la préparation de la négociation d’un accord ou à l’établissement d’un plan d’action. En effet, l’article L.4612-2 du Code du travail a été complété comme suit : « il ( le CHSCT) procède à l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité »


2.3. Contenu d’un accord ou d’un plan

2.3.1. Définition législative et réglementaire des actions d’un accord ou d’un plan

Conformément au décret n° 2011-824 du 7 juillet 2011 relatif aux accords conclus en faveur de la prévention de la pénibilité, l’article D.138-27 du Code de la Sécurité sociale l’accord ou le plan d’actions comporte au moins l’un des thèmes suivants :

- la réduction des poly-expositions aux facteurs des risques professionnels ;

- l’adaptation et l’aménagement du poste de travail.

Il traite également d’au moins deux des quatre thèmes suivants :

- l’amélioration des conditions de travail notamment d’ordre organisationnel ;

- le développement des compétences et des qualifications et l’accès à la formation ;

- l’aménagement de fin de carrière ;

- le maintien dans l’emploi et la prévention de la désinsertion professionnelle des salariés exposés aux facteurs de risques.

Par ailleurs, l’accord ou le plan prévoit les modalités de suivi de la mise en œuvre effective des mesures préventives telle que définies par un accord ou un plan.

Il est à noter que, conformément à l’article D. 138-28 du décret n° 2011-824 du 7 juillet 2011 relatif aux accords conclus en faveur de la prévention de la pénibilité, chaque thème retenu est assorti d’objectifs chiffrés dont la réalisation doit être mesurée au moyen d’indicateurs. Ces indicateurs sont communiqués, au moins annuellement, aux membres du comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, ou, à défaut, aux délégués du personnel.


2.3.2. Mesures préventives définies par les accords collectifs (parus au moment de la rédaction de la présente étude)

Une fois ces actions définies par les textes, il convient aux entreprises de s’interroger sur le contenu des actions qu’elles désirent faire figurer au sein de leur accord ou de leur plan d’action. A ce titre, nous nous sommes intéressés aux actions figurant dans les accords portant sur la pénibilité. Nous souhaitons illustrer les actions pouvant figurer dans un accord collectif ou un plan d’action à l’exemple de l’accord Thalès du 22 avril 2011.

Ces actions sont les suivantes :

« Temps de compensation

Les seniors justifiant des conditions de travail dites « pénibles » selon les critères retenus au chapitre 2 du présent accord, pourront bénéficier, avant leur départ en retraite, d’un temps de repos équivalent à :

- 1 trimestre pour 10 ans d’activité dans les conditions dites « pénibles » ;

- 1 trimestre complémentaire par tranche de 5 années supplémentaires.  

 Rachat de trimestres

Pour les salariés seniors confrontés à des situations de pénibilité, telle que définie au chapitre 2 du présent accord et souhaitant faire valoir leurs droits à la retraite sans pour autant disposer du nombre de trimestres cotisés leur permettant de bénéficier d’une retraite à taux plein, la société THALES ALENIA SPACE FRANCE participera au financement du rachat des années d’études ou d’années incomplètes.

Seront concernés les seniors volontaires qui, par le rachat de trimestres correspondants, anticiperont leur départ à la retraite durant l’année qui suit le rachat et s’engageront par écrit sur une date de départ en retraite.  

Les salariés seniors qui bénéficieront de ce dispositif percevront une aide dont le montant décidé par l’entreprise, ne pourra pas être inférieur à 2 000 euros nets par trimestre et sera, en tout état de cause, plafonné à 36 000 euros hors cotisations sociales.  

Temps partiel (extrait)

Les salariés seniors confrontés à une situation de pénibilité telle que définie au chapitre 2 du présent accord, pourront bénéficier à leur demande dans les 12 mois précédant la liquidation de leur retraite ou la prise de temps de repos au titre du temps de compensation, d’une réduction de temps de travail leur permettant d’exercer leur activité à 50% rémunérée à 65%.

Ces aménagements de temps de travail nécessiteront une adaptation du
poste et de la charge de travail.

Pendant la période de temps partiel liée à la pénibilité, les salariés concernés bénéficieront du maintien de leurs droits en matière de retraite au titre du régime général et du ou des régimes de retraite complémentaire comme s’ils avaient poursuivi leur activité à temps plein.

L’entreprise prendra en charge la part patronale et la part salariale des
cotisations retraite (au titre du régime général et du régime complémentaire) assises sur la différence entre la rémunération versée et celle que les salariés concernés auraient perçue à temps plein.


Pour ce qui concerne le régime prévoyance « gros risque » (part obligatoire), l’entreprise supportera le différentiel de coût (temps plein-temps partiel) correspondant au maintien des droits des salariés en temps partiel senior comme s’ils avaient poursuivi leur activité à temps plein.

A l’issue de la période de temps partiel, soit au moment de la liquidation de la retraite, les salariés bénéficieront d’une indemnité de retraite équivalente à celle qu’ils auraient acquise s’ils avaient continué à exercer leur activité à temps plein. »

Il est à noter que les accords collectifs conclus au moment de la rédaction de la présente étude concernent essentiellement les seniors et semblent s’inscrire davantage dans une logique de compensation avec tout un ensemble d’actions de fin de carrière que dans une logique de prévention de la pénibilité. Or, l’obligation de négociation porte bien sur la prévention de la pénibilité.


III. Sanction en présence et/ou en l’absence d’un accord ou d’un plan


3.1. Sanction en l’absence d’un plan ou d’un accord : sanction financière

Conformément au décret n° 2011-823 du 7 juillet relatif à la pénalité pour défaut d’accord ou du plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité mentionnée à l’article L.138-29 du code de la sécurité sociale, l’article R.138-34 du Code de la sécurité sociale permet à l’inspection du travail, lorsque celle-ci constate l’absence ou l’insuffisance de l’accord ou du plan, de mettre en demeure l’entreprise de remédier à cette situation dans un délai de six mois.

L’employeur lui communique alors sous ce délai, par lettre recommandée avec accusé de réception, l’accord ou le plan d’action mis en place ou modifié. A défaut, il doit justifier des motifs de sa défaillance, ainsi que des efforts accomplis en matière de prévention de la pénibilité.


3.1.1. Motifs de défaillance : définition et conséquences

Des interrogations surgissent au sujet de cette dernière disposition. Il s’agit notamment de savoir quels sont les motifs éventuels de défaillance. En effet, conformément à l’article R.138-34, tel que prévu au projet de décret relatif à la pénalité mentionnée à l’article 77 de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les motifs susceptibles de justifier la défaillance d’une entreprise peuvent notamment être liés :

- soit aux difficultés économiques ;

- soit aux restructurations ou fusions en cours ;

- soit à une procédure collective en cours ;

- soit au franchissement de seuil d’effectifs prévu à l’article L.138-29 du Code de la sécurité sociale.

Le décret n° 2011-823 du 7 juillet relatif à la pénalité pour défaut d’accord ou du plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité mentionnée à l’article L.138-29 du code de la sécurité sociale, dans son article R.138-34 du Code de la sécurité sociale se contente de mentionner cette faculté de justifier de sa défaillance, sans en définir les motifs. Les motifs de cette défaillance sont-ils ceux figurant précédemment au projet ?

Une seconde interrogation relative aux conséquences de cette justification apparaît. En effet, l’article R.138-34, tel que prévu au projet de décret relatif à la pénalité mentionnée à l’article 77 de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, énonce qu’aucune pénalité n’est due lorsque l’entreprise justifie de sa défaillance. Or, le décret n° 2011-823 du 7 juillet relatif à la pénalité pour défaut d’accord ou du plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité mentionnée à l’article L.138-29 du code de la sécurité sociale, ne se prononce pas sur le sujet.

Il apparaît à nos yeux que tant la définition des motifs de défaillance que ses conséquences sont bien ceux prévus initialement au projet. En effet, nous comprendrons mal quelle autre conséquence cette justification pourrait avoir. La seconde faculté serait de prendre ces motifs en compte pour réduire le taux de pénalité, mais l’article R.138-35 relatif à la détermination du taux de pénalité n’en fait aucunement référence.

Soulignons également que le texte définitif, contrairement à son projet, prévoit que les entreprises devront, non seulement justifier des motifs de défaillance, mais surtout des efforts accomplis en matière de prévention de la pénibilité. Il ressort de ce texte que, quelle que soit la situation de l’entreprise (procédure collective, cession....), elle devra s’efforcer de mettre en œuvre des mesures préventives de la pénibilité.

Par ailleurs, l’introduction d’une procédure contradictoire au profit de
l’employeur a fait son entrée en vigueur lors de la parution du texte définitif. Jusque là, le projet de décret ne faisait aucune mention de la faculté dont dispose l’employeur d’être entendu.


3.1.2. Taux de la pénalité

Conformément à l’article R.138-35 du Code de la sécurité sociale ( issu du décret n° 2011-823 du 7 juillet relatif à la pénalité pour défaut d’accord ou du plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité mentionnée à l’article L.138-29 du code de la sécurité sociale), lorsque l’employeur n’est
pas en mesure de justifier de sa défaillance et, à l’issue du délai imparti par la mise en demeure, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi décide s’il y a lieu d’appliquer la pénalité mentionnée à l’article L.138-29 du Code du travail.

Lorsque ce dernier décide d’appliquer la pénalité mentionnée à l’article L.138-29 du Code du travail, il en fixe le taux au regard des critères suivants :

- les diligences accomplies pour conclure un accord ou élaborer un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité ;

- les mesures prises dans l’entreprise pour prévenir la pénibilité au travail.

A ce titre il est à noter que, le texte définitif est plus souple que le texte initial. Ce dernier prévoyait en effet que pour déterminer le taux de pénalité le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi tenait compte du respect des obligations des articles D.138-27 et D.138-28 du Code de la sécurité sociale, autrement dit de la conclusion d’un accord ou de l’établissement d’un plan.

Le texte actuel permet donc de tenir compte de la réalité des mesures préventives mises en œuvre au sein d’une entreprise ainsi que des efforts accomplis pour aboutir à la conclusion d’un accord collectif ou à l’établissement d’un plan d’action. Toutefois, cette souplesse semble laisser place à l’arbitraire, que nous pouvons d’ores et déjà redouter.

En tout état de cause, le montant de cette pénalité financière ne saurait dépasser 1% des rémunérations ou gains versées aux travailleurs concernés par la pénibilité au cours de la période où l’entreprise n’est pas couverte par un accord ou un plan d’action (l’article L.138-29 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale).

Selon l’article R. 138-36 du Code de la sécurité sociale, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi adresse à l’employeur par lettre recommandée avec accusé de réception, une notification motivée du taux de la pénalité, dans un délai d’un mois à compter de la mise en demeure.

Par ailleurs, l’article R. 138-37 du Code de la sécurité sociale précise que : «  la pénalité est due pour chaque mois entier au cours duquel l’entreprise ne respecte pas les obligations mentionnées aux articles L.138-29 à L.138-31 à compter du terme de la mise en demeure et jusqu’à la réception par l’inspection du travail de l’accord ou du plan d’action prévu par les mêmes articles. La pénalité (...) est déclarée et versée par l’employeur auprès de l’organisme chargé du recouvrement des cotisations de sécurité sociale du régime général ou du régime agricole dont il dépend, à la date d’échéance de ses cotisations et contributions sociales. »

3.1.3. Particularité des entreprises de moins de 300 salariés

Conformément à l’article L.138-31 alinéa 2 du Code de la sécurité sociale, issu de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, les entreprises de moins de trois cents salariés ou appartenant à un groupe de moins de trois cents salariés ne sont pas soumises à cette pénalité lorsqu’elles sont couvertes par un accord de branche étendu dont le contenu est conforme au décret mentionné à l’article L.138-30 du Code de la sécurité sociale.

En l’absence d’un tel accord et en vertu de l’article R.138-35 du Code de la sécurité sociale, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi pour déterminer le taux de pénalité tient compte, outre les diligences accomplies pour conclure un accord ou élaborer un plan d’action relatif à la prévention de la pénibilité et les mesures prises dans l’entreprise pour prévenir la pénibilité au travail, de l’avancement de la négociation collective sur la pénibilité dans la branche.

3.1.4. Absence du régime transitoire

Le projet de décret relatif à la pénalité mentionnée à l’article 77 de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, comportait l’article R.138-35 du Code de la sécurité sociale.Ce dernier prévoyait que les entreprises qui ont conclu un accord ou établi un plan d’action sur l’emploi des seniors et comportant un volet « pénibilité » sont exonérées de l’obligation de négocier un accord ou d’établir un plan d’actions sur la prévention de la pénibilité et, ce jusqu’à l’expiration de cet accord ou de ce plan.

Cependant, nous avons pu constater que cette disposition, lors de la parution des textes définitifs, n’a pas été retenue, de sorte, que dans l’état actuel des textes, il semblerait qu’aucun régime transitoire ne soit mis en place.

3.2. Sanction en cas d’existence d’accord ou d’un plan : la faute inexcusable


3.2.1. Contentieux de la faute inexcusable : une appréhension

Un accord collectif ou un plan d’action vise à identifier les facteurs de pénibilité et à définir les mesures préventives à mettre en place. Il risque donc de rendre plus difficiles les possibilités d’exonération de l’employeur en matière de faute inexcusable.

La jurisprudence de la Cour de cassation considère que la faute inexcusable de l’employeur est caractérisée lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver ( Cass. Soc. 28 février 2002, n° 99-17.221, n° 00-10.051).

Or, les dispositions contenues dans le corps de l’accord relatif à la prévention de la pénibilité semblent suffire à elle seules à justifier la conscience du danger. Il est dès lors important de rappeler les contours et surtout les conséquences de cette notion de faute inexcusable de l’employeur.

Il s’agit en réalité d’une notion du droit de la sécurité sociale, telle que prévue par l’article L.452-1 du Code de la sécurité sociale. L’enjeu de cette notion est essentiellement indemnitaire. En effet, la faute inexcusable de l’employeur ouvre droit au profit du salarié, victime d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, à une indemnisation complémentaire.

La preuve de l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur, contrairement à la preuve de violation de l’obligation de sécurité de résultat, pèse sur le salarié. En présence d’un accord collectif sur la pénibilité, cette charge de la preuve se trouvera allégée. En effet, un employeur qui met en place tout un ensemble de mesures préventives au titre de l’un des facteurs liés à la pénibilité ne saurait affirmer qu’il ignorait l’existence de ce risque au sein de son entreprise.

Ainsi, au-delà de la simple pénalité qu’appréhendent les entreprises, ces dernières craignent surtout la multiplication des actions sur le fondement de la faute inexcusable de l’employeur.

Les entreprises se trouvent prises au piège. Soit l’entreprise méconnaît l’obligation de négocier un accord collectif ou d’établir un plan et se voit alors appliquer une sanction pécuniaire de 1%, soit elle se plie à l’obligation de négociation et définit les situations de pénibilité propres à sa structure et dans ce cas risque de faire prospérer les actions sur le fondement de la faute inexcusable. Ces dernières ne peuvent en réalité être évitées que par l’absence d’accident de travail et des maladies professionnelles. Or, cette absence n’est pas très aisée à maîtriser.

3.2.2. Faute inexcusable : une appréciation jurisprudentielle

Cependant, avant même l’entrée en vigueur de cette obligation il existait déjà tout en panel de documents reflétant les situations de pénibilité présentes au sein d’une entreprise et par là même l’existence de la conscience du danger (cf. 2.2. Procédure préalable).

Aussi, ce contentieux de la faute inexcusable semble dépendre davantage de l’appréciation jurisprudentielle. Les juges devront, semble-t-il, tenir compte de l’importance des mesures préventives au sein des entreprises dont l’activité est qualifiée de pénible. En effet, s’ils font droit aux salariés victimes d’un accident de travail ou de maladie professionnelle sur le seul fondement du contenu d’un accord collectif, les entreprises seront rapidement dissuadées de prévoir des mesures préventives.

A ce titre, rappelons que certaines mesures ont un coût considérable pour les entreprises. La multiplication du contentieux lié à la faute inexcusable risque de peser en faveur de l’abandon de l’accord ou bien des accords « coquilles vides ». Aussi, faire prospérer les actions sur le fondement de la faute inexcusable semble être contraire à l’esprit de la loi du 9 novembre 2010 (dans son volet de la prévention de la pénibilité). Les juges auront donc à trancher entre la prévention et la compensation de la pénibilité.

Il semblerait qu’aucune étude relative à l’obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité ne saurait être exhaustive. Cette étude consiste en réalité tout autant à soulever des interrogations qu’à proposer des solutions. Ce que nous enseigne cette étude ce n’est pas tant l’exposé des règles législatives et réglementaires en vigueur que toutes les problématiques auxquelles les entreprises visées sont confrontées par cette obligation nouvelle. Par ailleurs, l’obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité suscite, outre les interrogations et les confusions, une réprobation. En dehors de tout reproche à l’encontre de l’objectif louable poursuivi par la loi, les entreprises décrient les délais restreints auxquels elles se trouvent soumises. En effet, la conclusion d’un accord collectif ou l’établissement d’un plan d’action doit intervenir avant le 1er janvier 2012 alors même, rappelons le, que les décrets officiels datent du 7 juillet 2011. Les entreprises ont donc moins de six mois pour négocier et/ ou établir un plan d’action. Or, outre l’engagement des négociations, les entreprises doivent procéder à un diagnostic préalable, établir le cas échéant un inventaire des mesures déjà existantes, associer les acteurs à la définition des actions préventives. Le temps de la procédure préalable se décomptant parfois en semaines, plus fréquemment en mois, les délais accordés par le législateur ne sauront dès lors être considérés comme suffisants. Aussi, loin de juger de l’inutilité de l’obligation de négocier sur la prévention de la pénibilité ou d’en faire une critique, son introduction en l’absence de toute mesure transitoire apparaît, à nos yeux, quelque peu inappropriée.

Chudakova Valentyna, [->valentinachudo@yahoo.fr]