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La géolocalisation illicite d’un salarié permet à celui-ci de prendre acte de la rupture de son contrat de travail. Par Frédéric Chhum, Avocat
Parution : lundi 7 novembre 2011
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La géolocalisation permet de positionner un objet (ou une personne, etc) sur un plan ou une carte à l’aide de ses coordonnées géographiques.

La géolocalisation se généralise ; à titre d’exemple, Facebook a créé un système de géolocalisation qui permet à "ses amis" de savoir où vous êtes et où vous allez.

Dans un arrêt du 3 novembre 2011 (10-18036), la Cour de cassation a jugé que la géolocalisation d’un salarié est licite si et seulement si elle est utilisée par l’employeur pour les finalités déclarées auprès de la CNIL et portées à la connaissance des salariés.

En revanche, en cas de mise en place par l’employeur, d’un système de géolocalisation illicite, en l’occurrence, pour contrôler la durée du travail d’un salarié, celui-ci peut valablement prendre acte de la rupture et obtenir outre les indemnités de rupture des dommages intérêts pour licenciement abusif.

1) La géolocalisation d’un salarié n’est autorisée qu’à certaines conditions

Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir, ni proportionnés au but recherché (article L. 1121-1 du Code du travail).

L’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen ; c’est donc un système de contrôle de la durée du travail qui ne peut être que subsidiaire.

Par ailleurs, un système de géolocalisation ne peut être utilisé par l’employeur que pour les finalités déclarées auprès de la CNIL et portées à la connaissance des salariés.

2) La géolocalisation illicite d’un salarié permet au salarié de prendre acte valablement de la rupture de son contrat de travail et donc obtenir la requalification de la rupture en licenciement abusif.

Dans un arrêt du 3 novembre 2011 (n°10-18036), la Cour de cassation a considéré que cette géolocalisation n’était pas justifiée lorsque le salarié dispose d’une liberté dans l’organisation de son travail.

En l’occurrence, aux termes de son contrat de travail, le salarié était libre d’organiser son activité selon un horaire de travail de 35 heures.

À cet égard, il devait respecter le programme d’activité fixé et rédiger un compte rendu journalier précis et détaillé de son activité ; ceci permettait de faire preuve de l’activité du salarié.

En l’occurrence, si le dispositif avait été porté à la connaissance du salarié, ce dispositif avait été utilisé à d’autres fins.

Dès lors, l’utilisation abusive de la géolocalisation constituait un manquement suffisamment grave justifiant la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux tords de l’employeur.

La prise d’acte est requalifiée en licenciement abusif et permet au salarié d’obtenir les indemnités de rupture (préavis, congés payés, indemnité conventionnelle de licenciement) et des dommages intérêts pour licenciement abusif.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum