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Le régime juridique des stages en entreprise. Par Benoît Favot, Avocat
Parution : mercredi 8 février 2012
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Les paragraphes suivants ont pour but de dresser un panorama du régime juridique des stages en entreprises (hors apprentissage et formation professionnelle continue).

Des conventions collectives peuvent prévoir des stipulations complémentaires auxquelles il faudra bien entendu se reporter dans chaque cas particulier.

La Loi n° 2011-893 du 28 juillet 2011 pour le développement de l’alternance et la sécurisation des parcours professionnels a introduit quelques nouveautés dans le régime juridique des stages en entreprise, telles que la gratification obligatoire, le délai de carence, ou encore le registre des conventions de stage.

• Tout d’abord, le passage du stagiaire en entreprise ne peut avoir qu’un but pédagogique et de formation (article L612-8 du code de l’éducation).
Pour être valable, le stage doit être intégré à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire. Il faudra donc toujours s’assurer qu’il y ait une concordance entre le contenu du stage et l’objet de la formation scolaire ou universitaire. En outre, le stagiaire est dans l’entreprise pour apprendre et/ou observer et il ne doit pas avoir d’obligation de production comme les salariés. Toutefois, il peut être tenu d’exécuter des tâches à caractère professionnel.

Le stage ne doit pas avoir pour objet l’exécution d’une tâche régulière correspondant à un poste de travail permanent de l’entreprise. Ainsi, aucune convention de stage ne peut être conclue pour remplacer un salarié en cas d’absence, de suspension de son contrat de travail, ou pour faire face à un accroissement temporaire de l’activité, pour occuper un emploi saisonnier.
A défaut de respecter ces conditions, le stage peut être requalifié en contrat de travail s’il est établi que le stagiaire se trouve sous un lien de subordination (CA Paris 25-11-2010 n° 09-1794 : RJS 3/11 n° 204).

• Une convention de stage signée entre l’établissement d’enseignement, l’entreprise d’accueil et le stagiaire est obligatoire. En principe, une convention de stage « type » est fournie par l’établissement d’enseignement.

Elle comporte obligatoirement :

-  l’identification des parties,

-  la définition des activités confiées au stagiaire,

-  la date de début et de fin de stage,

-  la durée hebdomadaire maximale de présence du stagiaire,

-  les obligations relatives à la présence la nuit, le dimanche, ou un jour férié,

-  le montant de la gratification et modalités de son versement,

-  les divers avantages : restauration, remboursement de frais, hébergement, transport.

-  le régime de protection sociale du stagiaire et, le cas échéant, son obligation de justifier d’une assurance responsabilité civile,

-  les conditions d’encadrement du stagiaire,

-  les conditions de délivrance de l’attestation de stage et le cas échéant, les modalités de validation du stage pour l’obtention du diplôme,

-  les modalités éventuelles de suspension ou de résiliation du stage,

-  les conditions dans lesquelles le stagiaire peut être autorisé à s’absenter,

-  les clauses de règlement intérieur de l’entreprise applicables au stagiaire.

L’employeur devra dans des conditions qui seront précisées par décret, tenir un « registre des conventions de stage » (art. L612-13).

• La durée du stage est en principe limitée à 6 mois. Il est toutefois possible de déroger à cette règle lorsque le stage s’inscrit dans un cursus pluriannuel de l’enseignement supérieur (art. L.612-9). Un stage étant obligatoirement intégré à un cursus pédagogique scolaire ou universitaire, cette limitation à 6 mois ne devrait plus trouver à s’appliquer dans l’enseignement supérieur.

• Une somme d’argent est obligatoirement versée lorsque la présence en stage excède 2 mois consécutifs ou non (art. L. 612-11).

Son montant est fixé par une convention de branche, à défaut, il est au minimum de 12,5% du plafond horaire de la sécurité sociale/heure de stage, dès le 1er jour de stage (décret n°2008-96 du 31 janvier 2008) (hors avantages en nature et remboursements de frais).

Cette gratification est versée mensuellement et peut être proratisée en cas d’entrée ou de sortie en cours de mois (Lettre Circulaire N° 2008-091). Elle est exonérée de cotisations sociales, dans la limite de 12,5% du plafond horaire de la sécurité sociale. Lorsqu’elle est supérieure à ce seuil, les cotisations sont calculées sur la différence entre le montant perçu et ce plafond.
Sont concernées les cotisations de sécurité sociale (maladie, maternité, invalidité, vieillesse, allocations familiales, accidents du travail et maladies professionnelles), la CSG et la CRDS, la contribution solidarité autonomie (CSA), la cotisation FNAL et le versement transport.

• L’accueil successif de stagiaires, au titre de conventions de stage différentes, pour effectuer des stages dans un même poste n’est possible qu’à l’expiration d’un délai de carence égal au tiers de la durée du stage précédent. Cette disposition n’est pas applicable lorsque ce stage précédent a été interrompu avant son terme à l’initiative du stagiaire (article L612-10 du code de l’éducation).

Le non-respect du délai de carence, par analogie avec la sanction du non-respect du délai de carence entre deux CDD successifs, pourrait permettre au stagiaire de demander la requalification de sa relation avec l’entreprise en CDI.

L’employeur pourrait être condamné à verser les salaires que le stagiaire aurait dû percevoir en tant que salarié pendant la durée d’exécution de la convention de stage (SMIC ou minimum prévu par la convention collective).

De plus, si le poste était considéré comme un poste de travail permanent dans l’entreprise, la convention de stage risquerait d’être assimilée à un CDI depuis sa conclusion, c’est-à-dire depuis la convention originelle en cas de successions de stages.

• La requalification en contrat de travail peut s’accompagner d’une condamnation au pénal de l’employeur pour travail dissimulé par dissimulation d’un emploi salarié (article L8221-5 du code du travail).

« Est coupable de travail dissimulé le chef d’entreprise ayant employé, sans avoir procédé aux déclarations préalables à l’embauche, deux étudiants étrangers avec lesquels il avait conclu des conventions de stage, dès lors que les juges du fond ont relevé qu’il existait une véritable relation de travail caractérisée par l’existence d’un lien de subordination, que les tâches qui leur étaient confiées n’étaient pas en rapport avec leurs études et que l’organisme signataire de la convention ne leur avait assuré aucune formation. Cass. crim. 26 mai 2010 n° 09-86.095 (n° 3219 F-D), G. : RJS 11/10 n° 873. »

La sanction pénale pour une personne physique est une amende de 45 000 euros et un emprisonnement de 3 ans (article L8224-1du code du travail). Des peines complémentaires peuvent être prononcées (interdiction d’exercer, interdiction de gérer une société etc … article L8224-3 du code du travail)
Pour une personne morale, l’amende passe à 225 000 euros (article L8224-5 du code du travail) et des peines complémentaires existent également (fermeture, dissolution etc …article 131-39 du code pénal).
Ces sanctions constituent des maximums et sont modulées par les juges en fonction de la gravité des faits.

Des sanctions administratives sont également applicables : rappel de cotisations, impôts et taxes, application de majorations et pénalités, perte des aides à l’emploi et à la formation professionnelle.

• En cas d’embauche à l’issue d’un stage ou dans les 3 mois suivant la fin du stage réalisé lors de la dernière année d’études (art. L1221-24 CT), la durée du stage est déduite de la période d’essai :
-  Jusqu’à la moitié de la période d’essai, sauf accord collectif plus favorable,
-  Intégralement, lorsque l’emploi correspond aux activités qui avaient été confiées au stagiaire.

La durée du stage sera prise en compte dans l’ancienneté dès lors que le stage aura été supérieur à 2 mois consécutifs ou non.

Benoît Favot www.negotium-avocats.com [->bfavot@negotium-avocats.com]
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