Village de la Justice www.village-justice.com

L’employeur peut effectuer une retenue de salaire en cas de retard ou d’absence du salarié. Par Nathalie Lailler, Avocat
Parution : vendredi 20 avril 2012
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/employeur-effectuer-retenue-salaire,12078.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’employeur peut effectuer une retenue de salaire en raison de l’absence de son salarié à condition que cette retenue n’excède pas le temps non travaillé.

Les faits :

L’employeur avait effectué une retenue de salaire en raison du retard du salarié.
La Cour d’appel d’Amiens avait jugé que cette retenue constituait une sanction pécuniaire interdite et avait condamné l’employeur à payer au salarié une somme au titre de la retenue de salaire qui avait été opérée.

La Cour de cassation estime que la Cour d’appel a violé l’article L1331-2 du code du travail qui interdit les sanctions pécuniaires ; elle considère au contraire que la retenue opérée par un employeur sur le salaire en raison de l’absence du salarié et à proportion de la durée ne constitue pas une sanction disciplinaire (Cass soc 21 mars 2012 n°10-21097) :

« 
Vu l’article L. 1331-2 du code du travail ;
Attendu que la retenue opérée par un employeur sur le salaire en raison de l’absence du salarié et à proportion de la durée ne constitue pas une sanction disciplinaire ;
Attendu que pour condamner la société à payer au salarié une somme au titre de la retenue sur salaire opérée en juillet 2007, l’arrêt retient que quand bien même les retards seraient avérés, cette déduction constitue une sanction pécuniaire interdite en vertu de l’article L. 1331-2 du code du travail ;
Qu’en statuant ainsi, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
 »

Qu’est-ce qu’une sanction pécuniaire ?

L’article L.1331-2 du code du travail précise : « les amendes ou autres sanctions pécuniaires sont interdites. Toute disposition ou stipulation contraire est réputée non écrite ».

L’administration a précisé sa position dans une circulaire du 21 mai 1983 (DRT n°5-83 du 15 mars 1983 – pages 10 et 11) : elle rappelle tout d’abord que « la frontière entre les amendes et les sanctions pécuniaires interdites et les diminutions des rémunérations licites est parfois difficile à tracer ».

Elle précise ensuite que « l’amende ou la sanction pécuniaire peut être définie comme une retenue sur salaires à l’encontre d’une personne qui a normalement fourni sa prestation de travail ».

L’administration rappelle que « la mise à pied disciplinaire ne peut donc être assimilée à une sanction pécuniaire interdite puisque le salarié mis à pied n’a pas effectué de travail et ne peut prétendre à un salaire ».

L’administration précise par ailleurs : « la jurisprudence a admis que le temps non travaillé pour une raison quelconque pouvait affecter certains éléments de rémunération. Tel est le cas de la réduction ou de la suppression des primes dont le montant varie en fonction des absences du salarié ».

Il a été jugé que ne constitue pas une sanction pécuniaire une retenue de salaire à l’encontre de salariés qui ont exercé à tort leur droit de retrait alors qu’il n’était pas établi qu’ils avaient un motif raisonnable de penser que la situation présentait un danger grave et imminent (Cass soc 11 juillet 1989).

Ne constitue pas non plus une sanction pécuniaire le fait de priver un salarié des indemnités complémentaires pour maladie dès lors que le salarié n’a pas justifié son absence lors de la contre-visite médicale organisée à l’initiative de l’employeur et que la contre-visite est la contrepartie de l’obligation de la garantie de ressources (Cass soc 9 décembre 1992 n°89-42547).

En revanche, constitue une sanction pécuniaire le fait d’exclure certains salariés d’une augmentation de salaires décidée pour l’ensemble du personnel au motif qu’ils ont eu un comportement reprochable (Cass soc 19 juillet 1995 n°91-45401).

Ce qu’il faut retenir  :

L’employeur peut effectuer une retenue de salaire en raison de l’absence de son salarié à condition que cette retenue n’excède pas le temps non travaillé (en ce sens, voir déjà un arrêt du 24 novembre 1992 – n°90-42520).

Si cette retenue excède la durée de l’absence, il s’agit alors d’une sanction pécuniaire prohibée par la loi.

Nathalie LAILLER Avocate au Barreau de Caen Spécialiste en droit du travail, droit de la sécurité sociale et de la protection sociale [->contact@lailler-avocat.fr] [http://www.lailler-avocat.com->http://www.lailler-avocat.com/]
Comentaires: