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Comment utiliser Twitter au boulot sans risquer la porte ? Par Frédéric Chhum, Avocat et Camille Colombo, Elève-avocat
Parution : vendredi 29 juin 2012
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Sur les réseaux sociaux, les salariés deviennent des « porte-paroles » de l’entreprise : chaque collaborateur est, en effet, désormais un média, via un blog personnel, un profil Facebook ou un compte Twitter. S’il s’agit d’une nouvelle opportunité de communication pour l’entreprise, cela représente également un danger. Par conséquent, s’il est souvent toléré d’utiliser Twitter au travail, il n’est en revanche pas permis de dire tout et n’importe quoi, et surtout sur n’importe qui.

En effet, si les tweets relèvent en principe de la protection de la vie privée, qui constitue une liberté fondamentale des salariés, et impose, en principe, à l’employeur de ne prendre aucune sanction à cet égard, il existe deux exceptions : lorsque les propos du salarié causent un trouble manifeste à l’entreprise, et lorsque la correspondance n’est plus privée, car elle est diffusée.

Et c’est le problème de Twitter : il s’agit d’un lieu privé ouvert au public, toutes les informations que vous postez peuvent être lues par n’importe lequel de vos « followers », et diffusées à votre insu.

Que peut-on dire ou ne pas dire sur Twitter ?

I. Conseil n°1 : Se renseigner sur l’existence d’une Charte d’utilisation des réseaux sociaux dans votre entreprise

Pour se prémunir contre les risques de dérapages de leurs salariés, il est de plus en plus fréquent, pour les entreprises, de mettre en place une « Charte d’utilisation des médias sociaux », afin d’encadrer l’usage qu’en font les collaborateurs.

Il s’agit notamment d’indiquer les bonnes pratiques à suivre en externe, lorsque les membres de l’entreprise interviennent sur les réseaux.

A titre d’exemple, l’INSA de Toulouse a créé sa propre charte, et y mentionne un certain nombre de règles à respecter sur l’utilisation de Twitter par les membres du service communication :

« Le service communication ne publiera pas de texte ou d’image :

• A caractère discriminatoire ou qui appelle à la haine ou à la violence

• A caractère diffamatoire ou insultant

• Qui contrevient à la législation, notamment en matière de droit à l’image et de droit d’auteur

• Qui fait la promotion d’un événement tarifé (sauf exception concernant certains événements organisés par des étudiants, des personnels ou des diplômés)

• Qui peuvent être apparentées à du spam ».

Il vous adviendra de vérifier si une telle charte existe dans votre entreprise, et quelles en sont les modalités.

II. Conseil n°2 : Eviter les sujets sensibles

Si la liberté d’expression est consacrée comme une liberté fondamentale de chaque individu, celle-ci a tout de même des limites.

Ainsi, plusieurs journalistes et animateurs ont-ils été épinglés par leurs employeurs, pour des propos jugés contraires au « devoir de réserve ».

Par exemple, Bernard DE LA VILLARDIERE, animateur de M6, qui présente notamment le magazine « Enquête exclusive », s’est fait rappeler à l’ordre par la direction de la Chaîne pour un message destiné à Nicolas SARKOZY, suite au discours du candidat à la présidentielle place de la Concorde à Paris, le 15 avril dernier.

Directement adressé à l’ex-Président, le tweet en question disait : « Que ne l’avez-vous écouté plus tôt, le peuple français, au lieu de cultiver une présidence égocentrique ! ».

Plus grave, le journaliste Pierre SALVIAC, « spécialiste » du rugby sur RTL et L’Equipe-TV, fait actuellement l’objet d’une procédure de licenciement, suite à la publication d’un tweet humoristique mais injurieux à l’égard de Valérie TRIERWEILER, journaliste politique et compagne de François HOLLANDE : « A toutes mes consœurs, baisez utile, vous avez une chance de vous retrouver première Dame de France ».

Pour éviter ce genre de (mauvaise) surprise, restez sobre dans vos propos.

III. Conseil n°3 : Ne pas dénigrer son entreprise, ses supérieurs hiérarchiques ou ses collègues

Ne publiez jamais d’information compromettante et ne tenez jamais de propos injurieux ou diffamatoires sur votre employeur ou votre entreprise sur votre Twitter (ou sur celui de vos contacts), sous peine d’être congédié manu militari.

C’est notamment le sort qu’a failli subi Joseph TUAL, journaliste de FRANCE TELEVISIONS, après avoir posté sur Twitter deux messages, auxquels était adjointe la photo des deux grands dirigeants de la société, Thierry THUILLIER et Rémy PFIMLIN : « Grosse chaleur à France Télévisions, la hiérarchie commence à se consumer ! », puis « Bon les garçons, va falloir dégager ! ». Heureusement pour lui, la Chaîne a renoncé à son action.

Si vous décidez de vous défouler, faites-le dans le cadre de messages privés, où votre prose restera confidentielle. Et ça, c’est sacré, quoiqu’en pense votre patron.

Mais pour conclure, la précaution ultime reste, tout de même, d’éviter tout lynchage, public ou privé, de votre employeur, de vos supérieurs hiérarchiques ou de vos collègues sur les réseaux sociaux : à la machine à café comme sur Twitter, restez discrets…

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum