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Comparaison des systèmes de réception des normes internationales en droit interne. Par Christophe Georges Albert.
Parution : vendredi 26 octobre 2012
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Le droit international émanant de normes fondamentales autonomes, il existe en tant qu’ordre séparé du droit interne, ce qui justifie que ces normes ne peuvent avoir d’influence l’une sur l’autre au regard de leur valeur obligatoire, et qu’il ne peut exister de conflit entres elles, et ce, même si le droit internationnal peut renvoyer le soin de son application à des normes internes.

La solidarité de certains intérêts et la communauté de civilisation empêchent les groupes sociaux établis sur un territoire de vivre longtemps isolés, il s’établit ainsi entre eux selon ANZILOTTI des rapports qui font naître la société des États ou communauté internationale.

La force obligatoire des normes du droit international dérive en effet du principe du "Pacta sunt servanda" qui dispose que les États doivent respecter les accords passés entre eux.
Or, à la différence du droit interne, le respect de ce principe ne repose pas sur une norme fondamentale qui lui serait intrinsèquement supérieure, il est la norme suprême !
Ainsi, l’entrée en vigueur de ces normes est elle conditionnée par le système juridique des sujets du droit international, ce qui se traduit en pratique par la cohabitation géographique et politique de deux grands systèmes dénommés : monisme et dualisme.

Alors que le monisme a trouvé droit de cité dans les systèmes de droit écrit, il peut être identifié en constatant que le droit interne et le droit international constituent un seul et même ensemble de règles subordonnées l’une à l’autre, en revanche, le dualisme, édifié dans les pays de la common law et dont les plus célèbres théoriciens sont Heinrich TRIEPEL et l’auteur italien ANZILOTTI, appose de véritables cloisons entre le droit international et le droit interne, car pour être applicable, les normes doivent être incorporées dans la législation nationale sous la forme d’une loi.
Par ailleurs, dans le système anglo-saxon, le juge est le véritable créateur de droit, ce sont ainsi ses décisions qui permettent de qualifier la norme.

C’est pourquoi, notre développement aura à cœur de présenter les avantages du système dualiste quant à la réception et l’effectivité des normes internationales dans le droit interne (I) et d’autre part, d’insister sur les inconvénients du système moniste (II)

I - Le système dualiste favorise la réception et l’effectivité de l’ensemble des normes du droit international dans le droit interne.

Pour le système dualiste, droit international et droit interne ont un objet et des rapports différents, aussi, le droit international ne peut s’appliquer en droit interne que dans la mesure ou il est réceptionné à l’aide d’une procédure particulière (A), garante d’une application effective de l’ensemble des normes internationales (B).

A - une procédure particulière de réception des normes internationales

Dans le système de common law, il n’ y a en principe aucune norme qui est supérieure à la loi car cette dernière est souveraine et occupe une place majeure dans l’ordonnancement juridique.

En Angleterre, par exemple, la loi est issue du Parlement souverain qui représentant le peuple et dispose du pouvoir de traduire ou non dans la loi les engagements internationaux.

A cet égard, même la Couronne qui dispose pourtant de prérogatives royales dans le domaine des affaires étrangères et de la possibilité d’incorporer en droit interne les Traités qui lient l’Etat sur la scène internationale, doit en pratique par le biais de son gouvernement solliciter sa majorité afin qu’elle adopte par une loi les engagements internationaux.

Dès lors, les décisions du Parlement ne peuvent être remises en cause et nulle limite ne peut lui être imposée sans qu’il ne l’ait préalablement consentie et la loi, a pour rôle de légitimer et de légaliser une règle prise par des autorités extérieures à l’Etat.

Or, si la loi nationale demeure la référence suprême, les juges auront la capacité de la faire évoluer en raison de leur conception de la suprématie législative, et l’ensemble des normes internationales pourront ainsi favorablement et facilement s’insérer dans l’ordonnancement juridique des pays de la Common law.

B - La procédure de réception du système dualiste, garante de l’effectivité de l’application des normes internationales

En effet, quelque soit la norme à incorporer, cette dernière ne doit pas être contraire à un acte du parlement ou à une décision de justice antérieure émanant d’une autorité supérieure, ce principe est connu sous le nom de "Stare decisis " c’est à dire la condition de non violation d’un acte par le Parlement et issu de l’arrêt "Thaï Europe Tapioca Service de 1975".

Ainsi, une loi postérieure qui contreviendrait à une loi réceptionnant une loi internationale deviendrait nulle.

Cependant, si la particularité du système dualiste est qu’il n’existe aucune norme fondamentale écrite qui permet l’incorporation du Traité en tant que loi ( cf , article 55 de la constitution française ) et qu’en ce sens, l’application de la norme internationale n’est pas inféodée à la lecture ou à l’interprétation de la Constitution, cet état de fait emporte deux conséquences sur l’application effective des normes internationales en droit interne

- Quant à l’intégration de la norme internationale en droit interne

L’ordonnancement juridique anglais parait plus simple que celui français, car la loi anglaise occupe le sommet de la pyramide des normes, il n’y a dès lors pas de juxtaposition constitutionnelle, et une norme fondamentale est aussi facile à modifier qu’une loi ordinaire, ce qui évite la recherche de compromis parfois hasardeux et l’immobilisme dans la recherche d’une improbable majorité ( des 3/5 au Parlement réuni au Congrès pour modifier la constitution) et permettre par exemple la signature d’un Traité sous réserve des dispositions de l’article 53 de la Constitution.

Or, l’absence de constitution et d’organe garant de la constitutionnalité des lois n’obère pas pour autant le contrôle de légalité des normes internes.

- Quant au rôle du juge national "ordinaire" qui est prépondérant

Il existe, ce que les juristes anglais appellent le judicial review qui permet aux juges de contrôler les lois du parlement et juger qu’elles sont nulles et sans effets.

Ainsi, trois arrêts de principe " Rules making cases" ont contribué à répondre aux difficultés des rapports entre le droit communautaire et le droit anglais :

En effet, depuis l’adoption de la loi sur les communautés européennes de 1972 ( The European communities act), il appartient au juge le pouvoir de déterminer véritablement le sens d’une loi ( The rule of precedent ), la loi demeure la référence suprême tant qu’elle se conforme au droit de l’Union, mais elle serait alors au plus écartée, mais jamais annulée.

Dans l’un d’eux, l’arrêt Factorame R.V Secretary of state of transport, ex porte Factorame", le juge a pu retenir l’ inapplicabilite de la loi anglaise pour incompatibilité avec le droit communautaire

Puis en 95, le juge law a proposé la création de "constitutionnalite statutes" qui jouissent d’un statut privilégié les rapprochant des Droits fondamentaux reconnus par la common law aux lois ordinaires.

Ainsi, le juge, garant de la hiérarchie des lois, utilise le principe du "Rules of law" où principe de légalité et confronté à des normes juridiques hiérarchisées, il devra établir dans quelle mesure une loi doit primer sur une autre, sa décision permettant de qualifier la norme.

Ce système garantit dès lors la réception pleine et entière de la totalité des normes du droit international telles qu’elle sont visées par l’article 38 de la CIJ, la coutume ou un PGD pourront ainsi être intégrés à égalité dans l’ordonnancement juridique anglais sous réserve de l’exercice d’un contrôle de légalité simplifié à l’extrême au regard de notre QPC, ce qui témoigne par ailleurs des inconvénient s du système moniste.

II - Inconvénients du système moniste

Un ordre juridique est défini par rapport à ses sources et aux destinataires de ses règles, or, le droit international au regard des dispositions de l’article 38 de la CIJ contient d’autres normes que le Traité, et celles ci semblent peiner à être intégrées dans l’ordre juridique interne des systèmes monistes, et ce même si l’application du doit communautaire semble permettre le dépassement de cette analyse (B).

A - Le système moniste présente a contrario des difficultés certaines a intégrer les normes internationales en droit interne.

Les Traités supposent souvent une opération de ratification qui passe par l’approbation du parlement, ce qui traduit parfois une véritable difficulté à obtenir le quantum de voix nécessaires à son adoption, laissant peser la crainte d’un isolement des pays comme la France adoptant le système moniste ( cf, le psychodrame de la ratification du dernier Traité budgétaire européen - 10/12)

En effet, il ne peut pas entrer en vigueur s’il a été déclaré incompatible avec la constitution, il est alors nécessaire de modifier la loi fondamentale afin de permettre son effectivité dans le droit interne.

L’exemple de la coutume est néanmoins plus parlant quant a la difficulté de l’intégration des normes internationales en droit interne.

En France, la jurisprudence du Conseil d’Etat est ainsi contradictoire avec le principe du monisme constitutionnel visé dans le préambule de l’article 14 du préambule de la constitution de 1946

Ainsi, dans l’arrêt Aquarone de 97 et Pauline de 00, il se fonde sur l’article 55 de la Constitution pour assurer la primauté de la loi nationale sur la coutume internationale, ce qui place le droit international à un rang infra législatif alors que ce dernier devrait être au sommet de l’ordonnancement juridique, tel que décidé par le conseil Constitutionnel dans sa jurisprudence du 22/01/99, statut de la CPI et quilui reconnaît une valeur constitutionnelle.

B - L’application du doit communautaire permet le dépassement de ces théories

La primauté et l’effet direct attaché au droit communautaire souligne le dépassement de ces théories, car quelque soit le système adopté, il résulte de ce principe une nécessaire cohérence des normes nationales et des normes européennes.
Or, le droit européen n’est ni plus ni moins qu’une branche du droit international applicable à un échelon régional.

Christophe GEORGES ALBERT www.pack-ankh.fr