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Sociétés commerciales : sur le champ d’application de l’expertise de gestion et la notion d’opération de gestion. Par Olivier Vibert, Avocat.
Parution : vendredi 23 novembre 2012
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La décision d’augmenter le capital social, qui relève des attributions de l’assemblée des associés, ne constitue pas une opération de gestion et ne peut donc faire l’objet d’une expertise de gestion.

Cour de cassation, 25 septembre 2012, pourvoi numéro 11-18312

Une société a pour associé trois membres d’une même famille détenant respectivement 380, 60 et 60 des 500 parts représentant le capital social.

La Société est placée en redressement judiciaire. Le Tribunal adopte un plan de redressement, incluant une augmentation du capital social.

Une associée minoritaire sollicite sur le fondement de l’article L 223-37 du code de commerce la désignation d’un expert pour évaluer ses parts et l’intérêt de procéder à l’augmentation de capital. L’associée souhaite donc recourir à une expertise de gestion pour tenter de contester ensuite l’augmentation de capital qui a été décidée.

Cette disposition du code de commerce dispose que :

« Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion.

Le ministère public et le comité d’entreprise sont habilités à agir aux mêmes fins.

S’il est fait droit à la demande, la décision de justice détermine l’étendue de la mission et des pouvoirs des experts. Elle peut mettre les honoraires à la charge de la société.

Le rapport est adressé au demandeur, au ministère public, au comité d’entreprise, au commissaire aux comptes ainsi qu’au gérant. Ce rapport doit, en outre, être annexé à celui établi par le commissaire aux comptes en vue de la prochaine assemblée générale et recevoir la même publicité. »

La Cour d’appel de Lyon fait droit à la demande en jugeant que l’augmentation de capital était une opération de gestion et que dès lors l’associée détenant au moins un dixième du capital peut demander la désignation d’un expert pour analyser l’opération de gestion qui doit intervenir.

La Cour d’appel de Lyon suspend dans l’attente du rapport de l’expert l’augmentation de capital.

La Cour de cassation casse cet arrêt.

Elle juge que l’augmentation de capital n’est pas une opération de gestion et que le droit pour les associés minoritaire d’avoir recours à l’expertise sur le fondement de l’article L 223-37 du code de commerce est uniquement possible sur une opération de gestion.

La Cour de cassation débute en effet son arrêt par l’attendu suivant :

« un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent demander en justice la désignation d’un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion  »

L’augmentation de capital n’étant pas une opération de gestion, l’expertise de gestion ne peut porter sur une telle opération.

La définition retenue par la Cour de cassation pour définir une opération de gestion est donc essentiellement organique. Cette position n’est pas nouvelle mais elle était critiquée par une partie de la doctrine. La Cour de cassation maintient donc sa position en dépit de ces critiques.

L’opération de gestion est définie, a contrario, comme étant l’opération décidée par les organes de gestion d’une société. Ne constitue pas une opération de gestion la décision qui relève des attributions de l’assemblée des associés.

Les associés minoritaires pourront donc recourir à l’expertise de gestion pour toutes les décisions prises par les organes de gestion de la société (président, gérant, directoire, ...). Ce droit de l’associé minoritaire ne pourra en revanche pas jouer pour les décisions prises en assemblées, qu’elles soient ordinaires ou extraordinaires.

Olivier Vibert Avocat, Paris www.frenchlaw.blog