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La clause de mobilité, conditions de validité. Par Cathy Neubauer, Avocate.
Parution : dimanche 30 décembre 2012
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Clause phare des contrats de travail des salariés à responsabilité, la clause de mobilité ne fait pourtant pas l’objet d’une définition dans le code du travail.

Il s’agit d’une clause contractuelle par laquelle le salarié s’engage par avance, à accepter un changement dans son lieu de travail.

C’est la jurisprudence qui s’est chargée, au fur et à mesure, de définir le contour de ces clauses.

La clause de mobilité doit être acceptée de façon non équivoque par le salarié.

Il faut ainsi que son contrat de travail comporte dans ses diverses clauses une clause de mobilité explicite.

En effet, une jurisprudence relativement ancienne et constante indique que la clause de mobilité n’est opposable à un salarié que dans la mesure où elle figure dans son contrat de travail ou dans l’un de ses avenants ou que le contrat de travail ou ses avenants y fassent expressément référence.
Cour de Cassation, Chambre Sociale 13-10-93 Pourvoi N°92-41.847

Il convient cependant de préciser que même si le contrat de travail ou ses avenants prévoient cette clause ou y font référence, si le salarié ne l’a pas signé, cette clause ne lui est pas opposable.
Cour de Cassation, Chambre Sociale 02-04-1998 pourvoi N°95-43.541

D’autre part, il convient de souligner que le fait pour un salarié de signer, lors de son embauche, une copie du règlement intérieur dans lequel se trouve une clause de mobilité, n’équivaut pas à une acceptation claire et non-équivoque d’une clause de mobilité par le salarié.
Cour de Cassation, Chambre Sociale 19-11-1997 pourvoi N° 95-41.260

Il convient cependant de ne pas confondre. Un contrat de travail qui prévoit par exemple que l’exécution de la prestation de travail pourra se dérouler ailleurs que sur le lieu d’affectation, ne signifie pas pour autant que ce contrat de travail comporte une clause de mobilité.
Cour de Cassation, Chambre Sociale 27-05-1998 ; pourvoi N°96-40.929

Que ce passe-t-il si la clause de mobilité résulte de la Convention Collective ?

Dans certains cas, la clause de mobilité peut être prévue par la convention collective tout en n’étant pas repris dans le contrat de travail.

Il s’agit des cas où la convention collective institue de façon obligatoire, une clause de mobilité.

Il convient cependant de souligner que cette disposition de la Convention Collective n’oblige pas l’employeur à insérer une telle clause dans les contrats de ses salariés et n’introduit pas ipso facto cette clause dans les contrats de travail.

Si cependant l’employeur veut se servir de la mobilité obligatoire mise en place par la convention collective et non reprise dans le contrat de travail, il faut que l’employeur puisse prouver que le salarié avait été informé de l’existence de ces dispositions contenues dans la Convention Collective et avait été mis en mesure d’en prendre connaissance. A défaut d’apporter cette preuve, l’employeur ne peut contraindre le salarié à accepter cette mobilité.
Cour de Cassation ; chambre sociale 27-06-2002 pourvoi N°00-42.646

En effet, une convention collective peut très bien envisager une mobilité alors que le contrat de travail indique qu’il n’y a pas de clause de mobilité. A ce moment là, c’est le contrat de travail qui s’applique dès lors qu’il est plus favorable au salarié.
Il en va de même lorsque la Convention Collective prévoit simplement la mise en œuvre d’une clause de mobilité.

Il faut également relever que lorsque la Convention collective prévoit les modalités d’application d’une clause de mobilité, si la clause de mobilité insérée dans le contrat de travail impose des conditions différentes, le salarié pourra valablement refuser l’application d’une clause de mobilité même prévue par le contrat de travail, si elle est en contradiction avec les conditions ide mise en œuvre prévue par la Convention Collective
Cour de Cassation, chambre sociale 05-05-1998, pourvoi N°95-42.545

Bien entendu lorsque la Convention Collective impose l’accord exprès du salarié pour sa mise en œuvre, l’employeur ne pourra y déroger.
Cour de Cassation, chambre sociale 03-03-2004 pourvoi N°02-41.750

La clause de mobilité doit être définie de façon précise dès le départ

La Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date du 7 juin 2006 a posé le principe que « la clause de mobilité doit définir de façon précise sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée.
Cour de Cassation ; Chambre sociale pourvoi N° 04-45.846

Cette obligation a été maintes fois rappelée par la Haute Cour qui n’a pas hésité par la suite à stipuler que l’absence de définition géographique précise de la clause de mobilité rend cette dernière nulle.
Cour de Cassation Chambre Sociale 16-06-2009 pourvoi N° 08-40.020

Il faut néanmoins rappeler que lorsque la convention collective applicable ne prévoit pas une distance maximale d’éloignement du lieu de travail initial, les parties sont tout à fait libres de prévoir la distance maximale qui leur convient, dès lors que cela est défini de façon précise.
Cour de Cassation Chambre Sociale 10-06-97 pourvoi N°94-43.889

Il va de soi que le salarié, dans ces consistions, peut, à raison refuser d’appliquer une clause de mobilité qui contreviendrait à cette règle et qui ne fixerait pas ou imprécisement la zone géographique concernée.

Il faut également rappeler que la jurisprudence a toujours interprété de façon très stricte la notion de clause de mobilité.

La clause de mobilité ne doit être mise en œuvre que dans le cadre de la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

Le fait qu’il existe une clause de mobilité dans un contrat de travail n’autorise pas l’employeur à la mettre en œuvre de façon discrétionnaire.
Il faut que sa mise en œuvre soit dictée par l’intérêt légitime de l’entreprise.
Une jurisprudence ancienne stable et constante indique que « la mise en oeuvre de la clause de mobilité n’est valable qu’à la condition d’être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché. »
Cour de Cassation Chambre Sociale 12-01-1999 pourvoi N° 96-40.755

Il en résulte que la jurisprudence a toujours sévit lorsqu’elle a estimé que la clause de mobilité a été détournée et utilisée pour nuire au salarié afin d’éventuellement amener ce dernier à quitter l’entreprise.

Ces derniers mois la jurisprudence en la matière est encore allée bien plus loin en appliquant directement la convention OIT n 156 en relevant que :

«  Il est en revanche démontré par la salariée que la mise en oeuvre de la clause de mobilité le 20 janvier 2009, seulement 8 jours après son retour de congé de maternité et alors que son enfant n’était âgé que de 4 mois, portait atteinte à son droit à une vie personnelle et familiale, protégée par les articles 4-b, 7, 8 et 9 de la Convention de l’OIT n 156 du 23 juin 1981 sur « les travailleurs ayant des responsabilités familiales », ratifiée par la France le 16 mars 1989 et d’application directe en droit interne Cette atteinte consistait à faire prendre successivement par une jeune mère quatre transports en commun différents (RER, 2 changements pour prendre un train de la SNCF, puis un bus), selon le trajet le moins long proposé par un site internet spécialisé, à compter de 6 heures du matin pendant 4 jours par semaine, pour une durée totale de transport aller retour de plus de 3 heures, soit 3 fois plus que pour le poste précédent. Cette atteinte n’était pas justifiée par la tâche à accomplir par la salariée au sein de l’Institut du Luat, et n’était pas proportionnée au but recherché par l’employeur qui était seulement de modifier le lieu de travail de Mme Nketsiah et ses horaires de travail, à l’exclusion de tout autre. Ces modifications étant incompatibles avec les obligations familiales impérieuses de Mme Nketsiah de garder sa petite fille très tôt le matin, il convient, dans ces conditions, et en infirmant le jugement, de dire dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur « le refus de mutation » de Mme Nketsiah et qui l’a conduite à ne pas se rendre sur le nouveau lieu de travail qui lui était assigné ».
Cour d’Appel de Versailles 17ème Chambre 5 septembre 2012

Il convient de préciser dans ce cas d’espèce que l’employeur, dès la salariée de retour de congé de maternité, a mis en œuvre la clause de mobilité, ce qu imposait à la salarié 3 heures de transports quotidiens par jour contre une heure auparavant.

L’employeur doit respecter un délai de prévenance et ne pas commettre d’abus de droit

La jurisprudence a toujours imposé un délai de prévenance en matière de mise en œuvre des clauses de mobilité, ceci même en cas de silence du contrat de travail ou de la Convention Collective.

Néanmoins, la jurisprudence n’a jamais défini un délai précis ; la jurisprudence vise la « précipitation » de la mise en œuvre de la clause.
Ainsi elle n’a pas hésité à sanctionner les actes précipités, brutaux ou déloyaux.

Même si un délai minimum n’est pas conventionnellement fixé pour mettre en application la clause de mobilité, l’employeur est toutefois tenu de ne pas agir avec une précipitation blâmable et de respecter un délai de prévenance raisonnable.
Cour de Cassation Chambre Sociale 18-09-2002 pourvoi N° 99-46.136

En corollaire, elle a estimé que l’employeur qui a prévenu son salarié à l’avance de la mise en œuvre de la clause de mobilité pour qu’il puisse s’organiser, a fait une juste application de la clause de mobilité.
Cour de Cassation Chambre Sociale 20-02-2001 pourvoi N° 97-45.545

Enfin, la mise en œuvre de la clause de mobilité ne doit pas servir à sanctionner de façon détournée un salarié par exemple. La mise en œuvre de cette clause en doit pas non plus se faire de façon déloyale.
En effet, lorsqu’un employeur sait par exemple que son salarié sera matériellement dans l’impossibilité de se rendre à son nouveau lieu de travail, la mise en œuvre de la clause de mobilité est faite de mauvaise foi et donc sanctionnée par la jurisprudence.

Le cas du salarié protégé

Il convient avant tout de rappeler que la mise en œuvre d’une clause de mobilité dans le cadre du contrat de travail d’un salarié protégé nécessite obligatoirement l’accord exprès de ce dernier.

Lorsque le salarié protégé refuse la mise en œuvre d’une clause de mobilité, l’employeur, s’il souhaite le licencier doit appliquer la procédure spéciale prévue dans le cadre du licenciement des salariés protégés.

La distinction avec la clause de mission

Par un arrêt très important de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation en date Du 11 juillet 2012, la Haute Cour a jeté les bases de la notion d’une éventuelle clause de mission.
En effet, un cadre supérieur, qui avait des fonctions de consultant international a refusé un déplacement ponctuel à l’étranger au motif que la clause de mobilité insérée dans son contrat de travail était nulle.

Faute grave a rétorqué la Cour de Cassation en précisant
« Attendu que pour juger le licenciement de M. X... sans cause réelle et sérieuse, et condamner la société CRCI à verser à celui-ci diverses sommes, l’arrêt retient que la clause de mobilité doit par principe précisément définir sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée, que cette exigence d’un périmètre de mutation, défini géographiquement dans le contrat de travail conclu entre les parties, est une condition de validité même de la clause de mobilité, que la clause contractuelle dont se prévaut la société CRCI était trop imprécise en l’absence d’indication sur la limite géographique dans laquelle la mobilité professionnelle de M. X... pouvait intervenir, temporairement ou définitivement, et en l’absence ainsi de données prédéfinies entre les parties, qu’il en résultait une indétermination de la zone géographique d’évolution du salarié emportant la nullité ab initio de ladite clause en application de l’article 1129 du code civil, que cette clause était donc inopposable à M. X... ; Qu’en statuant ainsi, par des motifs inopérants tirés des conditions de validité d’une clause de mobilité, alors qu’il résultait de ses constatations que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de consultant international, la cour d’appel a violé les textes susvisés
 ».

De prime abord la décision de la Cour de Cassation peut être surprenante dès lors que la Cour est généralement très stricte dans l’interprétation des clauses de mobilité ( Cas soc 7 juin 2006 N°04-45.846) en indiquant que cette dernière doit définir de façon précise sa zone géographique d’application. Cependant une lecture plus fine de l’arrêt montre que la Cour de Cassation estime que le déplacement demandé au salarié ne relève pas de la clause de mobilité mais est une mission inhérente à ses fonctions.

En effet, la Cour de Cassation a estimé que dès lors que la Cour d’Appel avait constaté que le déplacement demandé au salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de consultant international, il n’était pas en droit de refuser le déplacement peut importe que la clause de mobilité soit valide ou pas.

En outre, la Cour de Cassation avait relevé qu’il ne s’agissait pas pour le salarié dé déplacer même provisoirement son lieu de travail mais de piloter un projet à partir du siège de la société, en France et de faire des déplacements occasionnels à l’étranger.

Ce faisant, la Cour de Cassation a estimé que la clause intitulée « lieu de travail » n’était pas une clause de mobilité comme le soutenait in fine le salarié mais une clause de mission qui elle obéit à d’autres règles.

Le fait que la Cour de Cassation estime qu’il s’agit d’une clause de mission et censure la décision de la Cour d’Appel ne signifie pas que la clause de mission permet à l’employeur de faire n’importe quoi. D’ailleurs c’est en fonction notamment de l’article 1129 du code civil que la Cour de Cassation a censuré le point de vue de la Cour d’Appel. Or l’article 1129 impose que l’obligation doit avoir pour objet une chose au moins déterminée quant à son espèce tout en précisant que la quotité peut être incertaine mais doit pouvoir être déterminable.

Il en résulte que lorsque l’accomplissement de la mission d’un cadre ne peut s’envisager sans déplacements, refuser un déplacement nécessaire à l’accomplissement de ses fonctions relève pour la Cour de Cassation en invoquant la nullité de la clause de mobilité est d’une faute grave, dès lors qu’un déplacement ponctuel n’entre pas dans la mise en œuvre de la clause de mobilité.

Cathy NEUBAUER Avocate
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