Village de la Justice www.village-justice.com

Exit tax et transfert de domicile fiscal. Par Georges-David Benayoun, Avocat.
Parution : lundi 14 janvier 2013
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/transfert-domicile-fiscal,13626.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Depuis le 3 mars 2011, les contribuables domiciliés en France ayant transféré leur domicile fiscal à l’étranger sont taxés sur leurs plus-values latentes ainsi que sur leurs participations détenues.

Le président de la commission des Finances Gilles Carrez a obtenu, les chiffres de l’« Exit tax » pour l’année 2011.

Le nombre de déclarations concernant des départs en 2011 s’est élevé à 128, pour un total de 1,4 milliard d’euros de plus-values latentes qui ont été déclarées.

La moitié proviendrait de contribuables partis s’installer au sein de l’espace économique européen.

Néanmoins, il y a lieu de relativiser les chiffres communiqués dans la mesure où le décret concernant ce régime n’a été publié que le 6 avril 2012 et les premières obligations fiscales étaient liées, bien souvent, au dépôt de la déclaration d’impôt sur les revenus de 2012.

D’ailleurs, la date limite de la déclaration n° 2074-ET relative à l’exit tax pour 2011 était le 15 novembre 2012. Le chiffre de 128 communiqué ne fait pas référence au dépôt des déclarations 2074-ET.

La véritable incidence de l’Exit tax ne pourra être mesurée qu’à compter de la communication des données 2012.

Nous vous prions de bien vouloir noter qu’un départ de France se déroule en deux étapes.

Sur le principe d’imposition immédiate des plus-values latentes

L’article 167 bis du CGI prévoit que les transferts de domicile fiscal hors de France intervenus depuis le 3 mars 2011 entraînent l’imposition à l’impôt sur le revenu des plus-values latentes afférentes à des participations d’au moins 1 % ou d’une valeur supérieure à 1.300.000 euros dans une société.

Les prélèvements sociaux au titre des revenus du patrimoine sont également applicables.

Le principe de l’imposition et son champ d’application sont définis au moment du transfert du domicile hors de France. Il peut toutefois être sursis au paiement de l’impôt et des prélèvements sociaux jusqu’à la réalisation de certains événements.

L’imposition immédiate prévue par l’article 167 bis du CGI concerne les plus-values latentes constatées à la date du transfert du domicile à l’étranger sur les « droits sociaux, valeurs, titres ou droits » détenus par le contribuable.

Sont visées les participations dans toute forme de société (hors Sicav), quel que soit son régime d’imposition : société de personnes, société de capitaux, soumise à l’IS ou exonérée, relevant du régime des sociétés de personnes...

Depuis le 30 décembre 2011, le champ d’application de l’exit tax applicable aux plus-values latentes est étendu aux détenteurs de participations multiples dont la valeur cumulée excède 1 300 000 €. Le seuil de détention de 1 % continue à s’apprécier par société.

Sur les modalités de calcul de la plus-value latente

Aux termes de l’article 167 bis, I-2 du CGI, la plus-value latente constatée sur les droits et valeurs est déterminée par différence entre leur valeur réelle à la date du transfert du domicile hors de France et leur prix ou valeur d’acquisition par le contribuable.

Elle est ensuite diminuée, le cas échéant, de l’abattement pour durée de détention. La durée de détention est calculée jusqu’à la date du transfert du domicile hors de France.

Pour les titres non cotés, la valeur réelle est déterminée selon les règles prévues à l’article 758 du CGI en matière de droits de mutation à titre gratuit.

Le second terme de la différence permettant de déterminer le montant de la plus-value latente est constitué :

- du prix d’acquisition des droits ou valeurs cédés, en cas d’acquisition à titre onéreux,
- ou de leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation à titre gratuit.

Sur le taux d’imposition en vigueur à ce jour

Les plus-values latentes sont en principe soumises à l’impôt sur le revenu au taux proportionnel en vigueur à la date du transfert du domicile hors de France, soit à 19% pour 2011 et une partie de 2012.
Toutefois, cette règle a été remise en cause par la loi de finances pour 2013.

La Loi de Finances pour 2013 prévoit une imposition au taux de 24% (au lieu des 19% actuels) des plus-values réalisées en 2012 et une imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu (soit 45% pour l’impôt sur le revenu et 15,5% pour les prélèvements sociaux) des plus-values réalisées à partir du 1er janvier 2013.

S’agissant de la suppression du taux de 19% de l’Exit tax et l’application du taux de 24% pour les cessions réalisées en 2012, celles-ci s’appliqueront aux départs à compter du 28 septembre 2012.

Ainsi, pour les contribuables qui ont quitté la France depuis le 28 septembre 2012, les plus-values ne seront plus soumises au taux proportionnel en vigueur à la date du transfert du domicile hors de France mais seront soumises au taux de 24%.

Les prélèvements sociaux au titre des revenus du patrimoine seront également dus.

Sur le sursis de paiement

L’article 167 bis du CGI prévoit un sursis au paiement de l’« Exit tax ».

Il peut être sursis au paiement de l’impôt sur le revenu (au taux fixe ou au barème progressif) et des prélèvements sociaux dus à raison du transfert du domicile à l’étranger.

Selon l’Etat dans lequel le contribuable transfère son domicile fiscal, ce sursis est automatique ou accordé sous conditions.

L’article 167 bis, IV du CGI dispose que le sursis de paiement est automatiquement accordé aux contribuables qui transfèrent leur domicile dans un Etat membre de l’Union européenne ou dans un Etat partie à l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales ainsi qu’une convention d’assistance mutuelle en matière de recouvrement ayant une portée similaire à celle prévue par la directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010.

Le sursis peut être accordé sur demande expresse du contribuable et sous réserve que certaines conditions soient remplies.

Les conditions à remplir sont les suivantes :

-  déclaration par le contribuable du montant des plus-values devenant immédiatement imposables ;

-  désignation d’un représentant établi en France autorisé par le contribuable à recevoir les communications relatives à l’assiette, au recouvrement et au contentieux de l’impôt ;

-  constitution avant le départ de France, de garanties propres à assurer le recouvrement de la créance du Trésor, sauf si le contribuable justifie que le transfert de son domicile obéit à des raisons professionnelles et que ce transfert a lieu dans un Etat non partie à l’accord sur l’EEE mais ayant conclu avec la France des accords de coopération fiscale.

Il résulte de l’article 167 bis, VI du CGI qu’une fois accordé, le sursis de paiement a pour effet de différer l’exigibilité de l’impôt afférent aux plus-values imposables à raison du transfert du domicile du contribuable hors de France et de suspendre la prescription de l’action en recouvrement jusqu’à la date de l’événement entraînant son expiration.

Sur les évènements mettant fin au sursis de paiement

Mettent fin au sursis de paiement de l’imposition afférente aux plus-values latentes la transmission à titre onéreux, le rachat, le remboursement ou l’annulation ou la donation des droits ou valeurs concernés.

Lorsque l’opération mettant fin au sursis de paiement porte sur une partie seulement des titres concernés, seule la fraction correspondante de l’imposition en sursis de paiement est exigible, le surplus continuant de bénéficier du sursis.

Lors de la survenance d’un événement mettant fin au sursis de paiement et rendant l’imposition définitivement due, l’assiette de l’imposition afférente aux plus-values latentes constatées sur les droits ou valeurs est recalculée.

Le taux d’imposition reste cependant celui en vigueur à la date du transfert du domicile hors de France.

Articulation avec l’imposition prévue à l’article 244 bis B du CGI

En vue d’éviter une double imposition, l’article 167 bis, VIII-4 du CGI prévoit un dégrèvement de l’impôt dû au titre de l’Exit tax lorsque la transmission à titre onéreux de titres relève également de l’article 244 bis B du CGI qui soumet à l’impôt en France la cession par un non-résident d’une participation substantielle dans une société soumise à l’IS.

Le dégrèvement ne s’applique toutefois que lorsque l’opération est effectivement imposée au titre de l’article 244 bis B précité, c’est-à-dire lorsque les conventions internationales ne s’y opposent pas.

Il est par ailleurs expressément prévu que les prélèvements sociaux restent dus.

Imputation de l’impôt acquitté à l’étranger

L’article 167 bis, VIII-5 du CGI prévoit que l’impôt acquitté dans l’Etat de résidence du contribuable lors de la cession, du rachat, du remboursement ou de l’annulation des droits ou valeurs est imputable sur l’impôt définitif exigible en France à proportion du rapport entre l’assiette définitive de l’impôt en France (compte tenu de la durée de détention à l’étranger et du prix de cession réel) et l’assiette de l’impôt acquitté à l’étranger.

L’imputation est autorisée dans la limite de l’impôt français.

gdbenayoun [->gdb@cbavocats.com]