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Maladie professionnelle : les maires non diligents condamnés. Par Catherine Taurand, Avocat.
Parution : jeudi 11 avril 2013
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Le tribunal administratif de Lille a, par deux jugements du 2 avril 2013, sévèrement sanctionné le maire de Camiers, qui persistait, enfermé dans une attitude dilatoire, à ne pas vouloir reconnaître comme professionnelle la maladie de deux de ses agents.

On sait qu’il résulte des dispositions combinées de l’article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et de l’article L. 27 du Code des pensions civiles et militaires de retraite que ne peut être reconnue d’origine professionnelle, pour un agent de la fonction publique territoriale, une maladie que s’il est établi qu’elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime.

Le tribunal administratif de Lille a, par deux jugements du 2 avril 2013, sévèrement sanctionné le maire de Camiers, qui persistait, enfermé dans une attitude dilatoire, à ne pas vouloir reconnaître comme professionnelle la maladie de deux de ses agents.

Dans la, première affaire, c’est l’ancien directeur général des services qui était concerné.

Dès l’arrivée de la nouvelle majorité municipale menée par l’actuel maire de Camiers, en mars 2008, le requérant avait été écarté de son emploi de directeur général des services de la commune de Camiers sans retrouver un poste équivalent aux attributions de son cadre d’emplois jusqu’en octobre 2009.

Plusieurs mois avant qu’une décision de changement d’attribution de ses fonctions lui soit notifiée, il a été privé du véhicule de service, du matériel informatique et du téléphone de service qui lui étaient affectés.

Ensuite, ses courriels et correspondances présentant un caractère manifestement personnel ont été ouverts. En outre, il a essuyé des insultes de la part d’un adjoint au maire et une mise à l’écart organisée par les autorités municipales au sein des services.

La commune a même tenté de supprimer son poste durant l’année 2010 mais s’en est abstenue après un avis défavorable du comité technique paritaire départemental saisi de ce projet.

Victime de ces faits de harcèlement moral incessants, le requérant a déposé plainte pour harcèlement moral formé à l’encontre de quatre élus municipaux, dont principalement le maire de Camiers.

A la suite de ce dépôt de plainte, le requérant a alors rencontré de sérieuses difficultés à obtenir que soient complètement réglés les honoraires de son avocat, malgré la protection fonctionnelle qui lui avait été accordée.

Par un jugement du tribunal correctionnel de Boulogne-sur-Mer du 20 mars 2012, le Maire et le premier adjoint ont été reconnus coupables de harcèlement moral à l’encontre du requérant.

Le tribunal a reconnu l’ensemble de ces éléments. Il a également considéré qu’il ressortait des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits, que l’ancien directeur général des services a connu, caractérisés par du stress, un syndrome dépressif sous-jacent, des troubles du sommeil, des crises d’angoisse, ainsi que l’instabilité de sa tension artérielle et de son pouls sont directement liés à ces difficultés relationnelles professionnelles et de ce harcèlement.

Constatant que le médecin expert avait établi que le requérant est atteint depuis 2011 d’un syndrome dépressif sévère, survenu de manière réactionnelle et qu’aucune prédisposition, ni aucune manifestation pathologique de cette nature n’avaient été décelées antérieurement chez ce fonctionnaire, le tribunal administratif de Lille a, à bon droit, conclu que la pathologie dont le requérant est atteint est essentiellement et directement causée par son travail au sein des services de la commune de Camiers et doit, par suite, être regardée comme étant d’origine professionnelle.

Face au comportement dilatoire du maire de Camiers, qui, malgré l’ensemble des avis des médecins experts ainsi que de la commission de réforme concluant à la reconnaissance de la maladie professionnelle, s’est toujours refusé à prononcer cette reconnaissance, le tribunal administratif de Lille, sur demande de l’avocat de l’intéressé, a ordonné l’édiction de cette reconnaissance dans un délai d’un mois à compter de la notification du jugement.

Dans la seconde affaire, c’était un gardien de la police municipale de Camiers qui était concerné. Dans des conditions un peu similaires, le maire de Camiers se refusait à reconnaître la maladie du requérant comme imputable au service malgré l’ensemble des avis des médecins experts ainsi que de la commission de réforme.

Cet agent avait, pendant son service, été victime d’insultes et de menaces de sanctions disciplinaires par un adjoint au maire de Camiers.

Suite à son dépôt de plainte et à cet événement, plusieurs mesures individuelles défavorables ont été prises par le Maire à son encontre, dans l’exercice de son pouvoir hiérarchique.

En outre, le requérant a subi diverses vexations et brimades, telles que l’ouverture systématique de son courrier personnel, la suppression de sa boite aux lettres électronique, l’interdiction de converser avec l’ancien maire, le retard mis à régler les honoraires de l’avocat au titre de la protection fonctionnelle, une baisse de prime de manière irrégulière en juin 2010 et le retard à lui changer son habillement de policier municipal l’obligeant ainsi à porter un pantalon abimé.

Des troubles sévères s’en sont suivis pour la santé physique et mentale du requérant, directement liés à ces événements. Pourtant, le maire de Camiers refusait toujours et encore de reconnaître l’affection de l’intéressé comme imputable au service.

Le tribunal administratif de Lille l’a, encore une fois, condamné à reconnaître cette affection comme étant d’origine professionnelle, dans un délai d’un mois.

Catherine Taurand Avocat à la Cour cabinet@taurand-avocats.fr https://taurand-avocats.fr/