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L’expropriation du propriétaire d’un fonds de commerce et QPC. Par Christophe Degache.
Parution : vendredi 20 septembre 2013
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La question prioritaire de constitutionnalité va-t-elle conduire à des évolutions profondes du droit de l’expropriation ? On peut le penser à la lecture de la Décision rendue le 6 avril 2012 par le Conseil constitutionnel.

La question prioritaire de constitutionnalité va-t-elle conduire à des évolutions profondes du droit de l’expropriation ? On peut le penser à la lecture de la Décision rendue le 6 avril 2012 par le Conseil constitutionnel.

I. SUR LE CADRE LEGAL :

Le droit de propriété visé à l’article 540 du code civil est un droit substantiel d’essence constitutionnelle.

L’article L 13-13 du code de l’expropriation dispose :
« Les indemnités allouées doivent couvrir l’intégralité du préjudice directe, matériel et certain causé par l’expropriation. »

Ce principe énoncé quelle doit être l’indemnisation du propriétaire d’un fonds de commerce dont le bailleur fait l’objet d’une procédure d’expropriation ?

II. SUR L’APPRECIATION IN CONCRETO DE LA VALEUR ET LES MODALITES DU REGLEMENT :

Le principe de l’indemnisation total du préjudice étant posé, il reste dans la pratique à savoir comment le déterminer et selon quelles modalités temporelles.

Le code de l’expropriation ne précise pas quelles sont les modalités pour fixer le montant de l’indemnité due à un exproprié, il laisse cette responsabilité au juge en lui donnant une totale liberté d’appréciation pour le faire.

En matière d’expropriation de propriétaire d’un fonds de commerce, le commerçant preneur a droit à une indemnité d’éviction similaire à celle qu’il serait susceptible d’obtenir si le propriétaire des murs commerciaux refusait de renouveler son bail.

Il n’existe pas de règle générale d’origine légale ou réglementaire pour fixer le montant de l’indemnité d’éviction ce qui conduit souvent le juge des loyers commerciaux à ordonner une mesure d’expertise judiciaire pour déterminer la valeur du fonds de commerce.

En matière d’expropriation, le juge de l’expropriation a rarement recours à l’expertise judiciaire, et laisse les parties débattre contradictoirement des éléments permettant de fixer la valeur du fonds.

Celle-ci sera établie en fonction des pièces comptables, et correspondra à un pourcentage variable du chiffre d’affaires, ainsi pour un commerce d’alimentation générale, il habituellement retenu un pourcentage de 40 à 130 % du chiffre d’affaire alors que pour un commerce de chaussures on retient un pourcentage de 35 à 80 % du chiffre d’affaire (Evaluation Francis Lefebvre 7 è édition).

Rien n’est figé, chaque cas sera apprécié in concreto en fonction des éléments propres à chaque exploitation.

Une fois le montant de l’indemnité d’exploitation fixée se pose la question du moment du règlement de cette indemnité.

L’intervention du Conseil Constitutionnel dans le droit de l’expropriation a modifié la donne à ce niveau.

En effet avant la décision du 6 avril 2012, l’autorité expropriante qui souhaitait contester la décision du Juge de l’expropriation estimant le montant de l’indemnité trop élevée pouvait saisir la Cour d’Appel tout en prenant possession des biens expropriés en ne payant que l’indemnité qu’elle avait proposée.

Ce mécanisme a été déclaré inconstitutionnel par le Conseil Constitutionnel qui a prévu son abrogation à compter du 1 er juillet 2013.

Dans le cadre de la défense des intérêts du commerçant exproprié cette décision est de nature à lui conférer ainsi d’ailleurs qu’à tout exproprié une position de force, ce même si la Loi du 28 mai 2013 a tenté maladroitement de tempérer la portée de la décision constitutionnelle.

En effet, le code de l’expropriation prévoit une juste indemnité préalable réparant le préjudice mais il laisse le soin au juge de l’expropriation de définir lui-même les méthodes pour calculer ce préjudice.

Ainsi le Juge a une totale liberté, il ne peut être lié par aucun avis d’expert ou autre.

Le commerçant exproprié aura tendance à déterminer son prix comme s’il vendait son fonds de commerce à un tiers et il pourra former selon les cas une demande supérieure à un an de chiffre d’affaires.

L’autorité expropriante, la procédure d’appel pouvant être longue et suivi d’un pourvoi en cassation, sera donc plus enclin à payer la somme demandée afin de prendre possession des lieux et de mener à bien son projet d’aménagement.

Il convient donc à présent d’attendre la réaction du législateur.

Christophe Degache Avocat au Barreau de la Haute-Loire DEA Droit public [->christophe.degache@bbox.fr]