Village de la Justice www.village-justice.com

Droit d’accès à un avocat dans les procédures pénales : chamboulement en perspective ? Par Juan Carlos Heder, Avocat.
Parution : mercredi 27 novembre 2013
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Directive-octobre-droit-acces-avocat,15679.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La Directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013 relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales annonce une révolution de la pratique pénale des pouvoirs publics et notamment du Code de procédure pénale.

Cette Directive du 22 octobre 2013 doit être transposée en droit national au plus tard le 27 novembre 2016.

Le considérant 5 de la Directive 2013/48/UE indique “bien que les Etats membres soient parties à la CEDH et au PIDCP, l’expérience a montré que cette adhésion, à elle seule, ne permettait pas toujours d’assurer un degré de confiance suffisant dans les systèmes de justice pénale des autres Etats membres

La Directive penserait-elle à la France dans ce considérant 5 ? On peut légitimement se poser la question.

La Directive définit des règles minimales concernant le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales.

Champ d’application de la Directive :

Elle s’applique aux suspects et aux personnes poursuivies dans le cadre de procédures pénales. Elle s’applique jusqu’au terme de la procédure y compris la condamnation et la décision rendue sur tout appel.

Le droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales :

Les suspects ou les personnes poursuivies ont accès à un avocat sans retard indu.

En tout état de cause, les suspects ou personnes poursuivies ont accès à un avocat dès la survenance du premier en date des évènements suivants :
-  avant qu’ils ne soient interrogés par la police ou par une autorité répressive ou judiciaire ;
-  lorsque des autorités procèdent à des mesures d’enquête ;
-  sans retard indu après la privation de liberté ;
-  lorsqu’ils ont été cites à comparaître devant une juridiction pénale.

Que comprend le droit d’accès à un avocat :

-  droit de rencontrer en privé l’avocat avant l’interrogatoire ;
-  droit à la participation effective de l’avocat à l’interrogatoire de son client suspect. Est-ce à dire que l’avocat aurait accès au dossier de l’enquête dès les premiers moments comme le demande la CEDH de Strasbourg ? Est-ce à dire qu’une procédure d’habeas corpus doit être mise en place si on lit le Considérant 29 de la Directive “lorsqu’il prête assistance au titre de la présente Directive à un suspect où à une personne poursuivie qui se trouve privé de liberté, l’avocat concerné devrait pouvoir saisir les autorités compétentes au sujet des conditions de privation de liberté de cette personne” ;
-  droit à la présence de l’avocat lors de séance d’identification des suspects, confrontations et reconstitutions de la scène d’un crime si le Droit national prévoit que le suspect est tenu d’y assister ou est autorisé à y assister.

Droit de communiquer avec les autorités consulaires :

Le droit à l’assistance consulaire des suspects et personnes poursuivies est consacré à l’article 36 de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires qui confère aux Etats le droit d’avoir accès à leurs ressortissants.

C’est ainsi que l’article 7 de la Directive 2013/48/UE prévoit maintenant l’obligation pour les Etats membres de prévoir dans leur droit national la faculté pour tout suspect étranger de faire prèvenir ses autorités consulaires, de s’entretenir avec elles et le droit pour ces autorités consulaires d’assurer la représentation légale de ses ressortissants suspects.

Renonciation du droit à l’avocat :

La renonciation du droit à l’avocat ne pourra plus se faire en catimini mais en respectant des règles précises telles qu’informer le suspect du contenu du droit à l’avocat et des conséquences d’une renonciation.

La renonciation devra être formulée de plein gré et sans équivoque afin de lever tout doute à ce sujet.

Les États membres devront même veiller à chaque étape de la procédure pénale à la faculté de révoquer la renonciation au droit à l’avocat.

Voies de recours :

Tout suspect ou personne poursuivie devra avoir la possibilité d’exercer une voie de recours effective contre toute violation de ses droits contenus dans la Directive. Ce qui, à mon sens, obligera le législateur à légiférer sur une procédure d’habeas corpus.

Création d’un habeas corpus à la française, présence de l’avocat lors de la confrontation, reconstitution de scène de crime, identification des suspects, droit à l’assistance consulaire, droit à l’assistance effective de l’avocat, autant de nouveautés qui présagent un chamboulement de notre Code de procédure pénale d’ici 2016.

Me Juan Carlos Heder Abogado au Barreau de Valencia & au Barreau du Gers http://www.maitrejcheder.com