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L’avocat n’est pas un intermédiaire en assurance : le Barreau vaut bien un registre. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : vendredi 7 mars 2014
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L’assistance d’une personne publique, par un avocat, à l’occasion d’un marché public d’assurance, n’est pas une activité d’intermédiation. (Conseil d’Etat, 10 février 2014, n°367 262).

La question des frontières entre champs juridiques se pose fréquemment.

En dotant les intermédiaires d’assurance (IAS, Courtiers d’Assurances, Agents généraux), mais également, bancaires (IOBSP, Courtiers en crédits) et financiers (CIF) d’un statut, le Code monétaire et financier suscite inévitablement de telles questions.

Elles sollicitent la logique juridique et affinent la définition des activités soumises à ces statuts, incluant leurs conditions d’accès, matérialisées par l’immatriculation au Registre unique des intermédiaires tenu par l’ORIAS.

Le 14 février 2014, le Conseil d’Etat s’est trouvé embarqué dans ce débat, après un arrêt rendu par la Cour Administrative d’appel de Nancy (28 janvier 2013).

Une société de consultants, spécialisée en assurances, contestait le concours apporté par un avocat à une entité publique, désireuse de se faire assister juridiquement pour l’acquisition de produits d’assurances.

A la demande du consultant, la Cour administrative d’appel annule le marché public de services liant l’avocat et l’entité publique.

L’avocat se pourvoit en cassation auprès du Conseil d’Etat, et obtient gain de cause. L’arrêt de la Cour administrative d’appel est cassé pour erreur de droit.

Pour le droit positif, l’assistance d’une personne publique, par un avocat, à l’occasion d’un marché public d’assurance, n’est donc pas une activité d’intermédiation.

Où commence et où s’arrête l’intermédiation, d’assurance, bancaire ou financière ?

L’arrêt du Conseil d’Etat laisse le lecteur sur sa faim, étant peu disert en raisonnement juridique.

Il indique toutefois que "conseiller afin de sélectionner" n’est pas une activité ayant pour objet "de présenter, proposer ou aider à la conclusion de contrats".

C’est sur cette distinction subtile entre le conseil et l’intermédiation que se fonde l’arrêt.

Selon la formule bien arrêtée (article L. 511-1 I du Code des assurances), « l’intermédiation en assurance ou en réassurance est l’activité qui consiste à présenter, proposer ou aider à conclure des contrats d’assurance ou de réassurance ou à réaliser d’autres travaux préparatoires à leur conclusion.

Est un intermédiaire d’assurance ou de réassurance toute personne qui, contre rémunération, exerce une activité d’intermédiation en assurance ou en réassurance ».

Ce cadre laisse la place à des exceptions. Par exemple, en matière d’intermédiation bancaire, celles posées à l’article R. 519-2 du Code monétaire. Ce même Code exclut même les Notaires du champ des Intermédiaires bancaires (article L. 519-3), ceux-ci entrant notamment dans un cadre réglementaire strict qui leur est propre.

Les Avocats sont justement soumis à un cadre juridique très strict, qui soutient la solution posée par le Conseil d’Etat.

D’autant que le consultant demandeur délivre du conseil juridique, activité certes hors monopole, mais pour le moins largement dévolue à l’avocat, et assez entamée en pratique par les consultants, via un cadre juridique aussi branlant que mal surveillé.

« Nul ne peut donner des consultations juridiques [...] pour autrui... » si les conditions (de l’article 54 de la Loi du 31 décembre 1990) ne sont pas remplies.

Un marché public n’est pas limité à la seule activité d’intermédiation, il recouvre des missions plus larges. C’est vrai pour l’assurance, et il en est de même, à coup sûr, en matière bancaire, où l’avocat peut également prodiguer d’utiles conseils avant la souscription d’un prêt (activité largement répandue pour les entreprises, privées ou publiques), ainsi que dans le domaine financier, ou les conseils de l’avocat sont fort utiles aux clients, notamment dits privés ou patrimoniaux.

Les avocats seront intéressés par la position claire du Conseil d’Etat : le conseil juridique n’est pas de l’intermédiation. L’exercice de missions de conseil par un membre d’une profession réglementée apporte d’ailleurs toutes les sécurités recherchées par le cadre de l’intermédiation, en assurance, bancaire ou financière et procurées par l’immatriculation au registre unique.

Laurent Denis Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires www.isfi.fr www.droit-distribution-bancaire.fr