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Précisions sur les obligations de notification en matière d’urbanisme. Par Antoine Louche, Avocat
Parution : vendredi 14 mars 2014
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Par ces deux décisions, le Conseil d’Etat est venu préciser l’application des dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.

Ces dispositions ont notamment pour finalité d’assurer une meilleure sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisation d’urbanisme, ainsi, lorsqu‘un permis valant division parcellaire est délivré à plusieurs bénéficiaires, la notification imposait par ces dispositions doit être effectuée à l’égard de chacun de ces bénéficiaires.

Elles font également obligation à l’auteur d’un recours contentieux de notifier une copie du texte intégral de son recours à l’auteur ainsi qu’au bénéficiaire du permis attaqué. Si le destinataire de cette notification soutient que cette notification était incomplète, ou la requête portant sur un recours dirigé contre un autre acte, il lui appartient d’établir cette allégation en faisant état des diligences qu’il aurait vainement accomplies auprès de l’expéditeur pour obtenir copie de cette requête ou par tout autre moyen.

En l’espèce, dans l’instance n°370552, une association avait contesté la légalité d’un permis de construire valant division parcellaire pour la construction de onze logements avec garage, délivré à plusieurs bénéficiaires.

Par ordonnance du 10 juillet 2013, le juge des référés du Tribunal administratif de Toulon avait partiellement suspendu l’exécution de ce permis.

Les pétitionnaires ont alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette ordonnance.

Le Conseil d’Etat a relevé que pour écarter la fin de non-recevoir soulevée par les pétitionnaires tiré de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, le juge des référés toulonnais a considéré que ces dispositions n’imposaient pas que l’association notifie son recours gracieux aux trois bénéficiaire de l’autorisation litigieuse et que la notification à un seul d’entre eux était suffisante.

La Haute Assemblée a apporté une première précision en cette matière.

Ainsi, il résulte des dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme, «  (…) qui ont notamment pour finalité d’assurer une meilleure sécurité juridique des bénéficiaires d’autorisations d’urbanisme, que lorsqu’un permis de construire valant division parcellaire est délivré à plusieurs bénéficiaires, la notification qu’elles prescrivent des recours gracieux et contentieux doit être effectuée à l’égard de chacun de ces bénéficiaires (…) ».

C’est donc à l’ensemble des pétitionnaires et bénéficiaires de l’autorisation délivrée que le tiers intéressé doit notifier son recours gracieux et/ou contentieux.

A défaut d’une telle notification, son recours est irrecevable.

Tirant les conséquences du principe qu’il venait de dégager, les juges du Palais Royal ont censuré pour erreur de droit l’ordonnance attaquée et tranchés l’affaire au fond en application des dispositions de l’article L. 821-2 du Code de justice administrative.

En l’espèce, les recours gracieux et contentieux formés par l’association à l’encontre du permis de construire litigieux valant division parcellaire n’ont pas été notifiés à l’intégralité des bénéficiaires de cette autorisation, dès lors les juges de cassation ont rejeté la demande comme étant irrecevable.

Dans une seconde espèce, tranchée le même jour, la Haute Assemblée a apporté une seconde précision sur l’application des dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.

Des associations et des particuliers avaient contesté la légalité d’un permis de construire.

La Ville de Paris, autorité qui avait délivré le permis de construire litigieux, a soulevé une fin de non-recevoir tirée de la méconnaissance des dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.

La collectivité soutenait ne pas avoir reçu copie du recours formé à l’encontre de l’autorisation de construire litigieuse, mais copie du recours dirigé contre un autre permis de construire.

La Haute Assemblée alors indiqué que les dispositions de l’article R. 600-1 du code de l’urbanisme « (…) font obligation à l’auteur d’un recours contentieux de notifier une copie du texte intégral de son recours à l’auteur ainsi qu’au bénéficiaire du permis attaqué (…)  ».

Ainsi, «  (…) lorsque le destinataire de cette notification soutient que la notification qui lui a été adressée ne comportait pas la copie de ce recours, mais celle d’un recours dirigé contre un autre acte, il lui incombe d’établir cette allégation en faisant état des diligences qu’il aurait vainement accomplies auprès de l’expéditeur pour obtenir cette copie ou par tout autre moyen (…) ».

Il conviendra d’être attentif aux futures décisions du Conseil ou d’autres juridictions administratives pour voir si ces jurisprudences seront étendues à la formation de recours gracieux hiérarchique.

Tout porte à croire que tel sera le cas, en application d’une jurisprudence ancienne et constante du Conseil d’Etat qui assujettit aux mêmes règles et exigences les recours administratifs et contentieux (voir notamment en ce sens CE, avis, 1er mars 1996, Association Soisy-Etiolles Environnement, n°175126).

Le Juge des référés du Tribunal administratif de Paris avait rejeté comme étant irrecevables les demandes des requérants en se fondant sur la méconnaissance des dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme.

Faisant application du principe qu’ils venaient de dégager, les juges du Palais Royal ont censuré pour erreur de droit l’ordonnance attaquée.

En effet, il appartenait au juge de rechercher si le Ville de Paris établissait le caractère incomplet de la notification, la simple allégation étant insuffisance.

Après avoir annulé l’ordonnance attaquée, le Conseil d’Etat a renvoyé l’affaire devant le juge des référés du tribunal administratif de Paris.

Par cette décision, l’analyse à laquelle doit se livrer le juge administratif pour déterminer si les dispositions de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme sont ou non méconnu est renforcée.

In fine, c’est l’office du juge administratif qui a été modifié.

Il convient de s’interroger sur le fait de savoir si les magistrats administratifs, dans le cadre de cette analyse, vont ou non, faire usage de leur pouvoir d’instruction pour solliciter la communication d’éléments de preuve de la partie qui forme une telle fin de non-recevoir ?

Références : CE, 5 mars 2014, Association SOS Paris, n°369996 ; CE, 5 mars 2014, Association ALMCV La Crau, n°370552 ; CE, avis, 1er mars 1996, Association Soisy-Etiolles Environnement, n°175126

Antoine Louche, Avocat associé chez Altius Avocats www.altiusavocats.fr