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Les conditions de validité de la clause de non-concurrence. Par Juliette Clerbout, Avocat.
Parution : mardi 18 mars 2014
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Les conditions de validité de la clause de non-concurrence ont été énoncées dans un arrêt rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation le 10 juillet 2002. (n° de pourvoi : 00-45135)

Cet arrêt dispose « qu’une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et dans l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser au salarié une contrepartie financière, ces conditions étant cumulatives . »

Les critères de validité d’une clause de non-concurrence sont donc les suivants :

-  La clause doit être indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
-  La clause doit être limitée dans le temps
-  La clause doit être limitée dans l’espace
-  La clause doit tenir compte des spécificités de l’emploi du salarié
-  La clause doit prévoir une contrepartie financière

Ces critères sont cumulatifs.

La jurisprudence, à de nombreuses reprises, a donné des précisions utiles et des illustrations intéressantes sur chacun de ces critères.

*La nécessité d’assurer la protection des intérêts légitimes de l’entreprise
La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 30 octobre 2000 a considéré que la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail d’un salarié ayant de faibles qualifications « n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise » [1]

Dans un arrêt en date du 14 mai 1992 la Cour de cassation a estimé « qu’en raison des fonctions du salarié, la clause de non-concurrence n’était pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise. » Dans cette affaire le salarié concerné était laveur de vitres. [2]

A l’inverse cette même juridiction a jugé, dans un arrêt rendu le 18 janvier 2012 que la clause de non-concurrence était justifiée en raison du fait que « le salarié était susceptible d’acquérir un savoir-faire spécifique » que l’entreprise voulait légitimement protéger. [3]

*La limitation dans le temps et dans l’espace

La chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 29 octobre 2003 a considéré que « l’absence de limitation de la clause de non-concurrence dans l’espace » rendait cette dernière nulle. [4]

* La prise en compte des spécificités de l’emploi du salarié

La Cour de cassation dans un arrêt rendu le 23 janvier 2001 par la chambre sociale de la Cour de cassation a considéré que porte atteinte à la liberté du travail la clause de non-concurrence qui interdit à un salarié d’effectuer des opérations d’assurance de même catégorie que celles de son portefeuille. La Cour relève que cette clause mettait le salarié « dans l’impossibilité d’exercer l’activité dans laquelle il s’était spécialisé » N° de pourvoi : 98-45578

* Une contrepartie financière

C’est sur le critère de la contrepartie financière que la jurisprudence a été la plus abondante.

Si une clause de non-concurrence ne prévoit pas de contrepartie financière elle est nulle.

Est ainsi nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas de rupture du contrat à l’initiative de l’employeur.

La Cour de cassation l’a expliqué très clairement notamment dans un arrêt rendu le 31 mai 2006. Dans cet arrêt la chambre sociale indique qu’«  est nulle la clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas de rupture du contrat de travail à l’initiative de l’employeur » [5]

Est également nulle une clause de non-concurrence qui ne prévoit le versement d’une contrepartie pécuniaire qu’en cas de rupture du contrat à l’initiative du salarié. [6]

Une convention collective ne peut pas interdire à un salarié licencié pour faute grave de bénéficier de la contrepartie financière prévue par la clause de non-concurrence. Dans un arrêt en date du 4 juin 2008 la Cour de cassation a ainsi expliqué que « la convention collective ne pouvait déroger à la loi pour interdire, en cas de faute grave, au salarié soumis à une clause de non-concurrence de bénéficier d’une contrepartie financière. »

*Une question s’est posée : si une clause de non-concurrence prévoit une contrepartie financière minorée en raison d’un licenciement pour faute grave ou d’une démission la clause est-elle nulle ?

La Cour de cassation s’est d’abord prononcée sur la minoration de la clause en cas de licenciement pour faute grave.

Par un arrêt du 8 avril 2010 elle a considéré que « la clause de non-concurrence n’était pas nulle mais devait être réputée non écrite en ses seules dispositions minorant la contrepartie en cas de faute. »

Elle a adopté une position similaire lorsque la contrepartie est minorée en cas de démission.

La Cour de cassation dans un arrêt rendu par la chambre sociale le 25 janvier 2012 a expliqué de manière très pédagogique que « le salarié lié par une clause de non-concurrence devant bénéficier d’une contrepartie financière, les parties ne pouvaient dissocier les conditions d’ouverture de l’obligation de non-concurrence de celles de son indemnisation ». De cette explication découle le fait que la stipulation minorant en cas de démission la contrepartie financière doit être réputée non écrite. [7]

Pour conclure nous pouvons affirmer que la jurisprudence est extrêmement sévère et rigoureuse quant à l’exigence d’une contrepartie financière pour qu’une clause de non-concurrence soit valable.

Dans un arrêt de 2004 la Cour de cassation a ainsi considéré que l’exigence d’une contrepartie financière est d’application immédiate, peu important qu’à l’époque où la clause de non-concurrence a été rédigée, la jurisprudence ne retient pas encore la nullité d’une telle clause en raison de l’absence de contrepartie.

La Haute juridiction justifie sa position en expliquant que « l’exigence d’une contrepartie financière à la clause de non-concurrence répond à l’impérieuse nécessité d’assurer la sauvegarde et l’effectivité de la liberté fondamentale d’exercer une activité professionnelle » [8]

Une telle position est de nature à nuire à la sécurité juridique des conventions.

Juliette Clerbout Avocat à Arques (62 510) http://julietteclerboutavocat.fr/

[1N° de pourvoi : 98-43756

[2N° de pourvoi : 89-45300

[3N° de pourvoi : 10-18574

[4N° de pourvoi : 01-44755

[5N° de pourvoi : 04-44598

[6Cour de cassation, chambre sociale arrêt du 27 février 2007, n° de pourvoi : 05-44984

[7N° de pourvoi : 10-11590

[8N° de pourvoi : 03-40008