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Action oblique et procédures collectives. Par Clément Thomas, Avocat.
Parution : vendredi 28 mars 2014
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L’action oblique, prévue par l’article 1166 du Code civil, offre une option séduisante au créancier confronté à l’inertie des organes de la procédure collective. Cette démarche lui permet notamment de suppléer à la carence de son débiteur ou de l’administrateur sans avoir pour autant à être préalablement désigné "créancier contrôleur" par le juge-commissaire (1).

Pour autant cette action devient irrecevable à compter du prononcé du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire (2)

L’action oblique, prévue par les dispositions de l’article 1166 du Code civil, offre une option séduisante au créancier confronté à l’inertie de son débiteur qui tarde à agir contre son propre débiteur (le « sous-débiteur »).

En effet et sous réserve qu’il dispose d’une créance certaine, liquide et exigible ainsi qu’évidement d’un intérêt à agir, le créancier pourra se substituer à son débiteur défaillant dans l’exercice de ses droits à l’encontre d’un sous-débiteur.

Autrement dit, le créancier peut agir à la place et au nom de son débiteur contre son sous-débiteur de sorte que si l’action prospère le produit obtenu intégrera le patrimoine du débiteur.
Une telle immixtion permet de parer à la négligence, volontaire ou non, du débiteur et partant de sauvegarder sa solvabilité.

1) Intérêt procédural de l’action oblique dans le cadre d’une procédure collective

Dans le contexte d’une procédure collective, l’action oblique présente un intérêt certain en ce que la solvabilité du débiteur est bien évidement compromise et que les créanciers ont dès lors intérêts à réintégrer le maximum d’actifs disponibles ou réalisables dans le patrimoine de celui-ci.

Cette démarche semble d’autant plus pertinente qu’elle permet de suppléer à la carence des organes de la procédure, sans avoir pour autant à être préalablement désigné « créancier contrôleur » par le Juge commissaire en application de l’article L.621-10 du Code de commerce.

La Cour d’appel de Paris [1] a en ce sens admis la possibilité pour un créancier d’initier une action oblique dans le cadre d’une procédure de redressement judiciaire tant que le débiteur n’a pas été dessaisi de l’administration et de la gestion de ses biens.

2) Irrecevabilité de l’action oblique dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire

L’action oblique voit toutefois son efficacité disparaître à compter du prononcé du jugement d’ouverture de la liquidation judiciaire.

La Cour de cassation [2], confirmant une position antérieure de la Cour d’appel de Paris (arrêt précité), a en effet estimé que « pendant toute la durée de la liquidation judiciaire, les droits et actions du débiteur concernant son patrimoine sont exercés par le liquidateur auquel aucun créancier ne peut se substituer pour recouvrir, fût-ce par voie oblique, une créance de la personne soumise à cette procédure collective ».

Cet arrêt rendu au visa de l’article 1166 du Code civil et de l’article 152 de la loi du 25 janvier 1985 [3] rappelle dans un premier temps que le débiteur est dessaisi au profit exclusif du liquidateur de l’administration et de la gestion de ses biens dès le prononcé de la liquidation.

Partant, la Cour de cassation constate que le débiteur se retrouve de ce fait privé de toute possibilité d’agir en justice contre ses propres débiteurs.

Si bien qu’elle en déduit justement que le créancier, autorisé par l’article 1166 du Code civil à « exercer tous les droits et actions  » de son débiteur, ne peut plus poursuivre un sous-débiteur si son propre débiteur a perdu cette faculté, le créancier ne pouvant finalement pas exercer un droit que son débiteur n’a plus.

En cet état, le créancier qui se heurte à un défaut de diligence du mandataire-liquidateur devra se rabattre sur les options offertes par le droit des procédures collectives, telles que notamment la possibilité de solliciter le remplacement du mandataire-liquidateur [4] ou d’être désigné créancier contrôleur [5].

Clément Thomas Avocat à la Cour

[1CA Paris 19e ch. B, 13 mars 1998

[2Cass. Com. 3 avril 2001, N°98-14191

[3ancien article L.622-9 du Code de commerce dont le principe a été repris par l’actuel article L.641-9

[4article L.641.1, II, du Code de commerce

[5article L.621-10 du Code de commerce