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La constitution d’une société à responsabilité limitée en Turquie. Par Belgin Özdilmen, Avocate.
Parution : vendredi 11 avril 2014
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Un nouveau Code de commerce turc (« NCCT ») a été adopté par la loi Nº 6102 en date du 13 janvier 2011 et est entré en vigueur le 1er juillet 2012. Afin de ne pas bouleverser les habitudes, certaines de ses dispositions entreront en vigueur un peu plus tard conformément aux dispositions de la loi d’application du NCCT n° 6103 du 14 janvier 2011. Par ailleurs, avant même son entrée en vigueur, face aux nombreuses contestations relatives à certaines de ses dispositions, le NCCT a déjà été réformé par la loi Nº 6335 du 26 juin 2012.

Ce NCCT a ainsi réformé en profondeur la Société à Responsabilité Limitée (“SARL”), appelée en Turquie « Limited Şirket », qui est une des formes sociales les plus prisées par les investisseurs étrangers.

I. La constitution de la SARL

Des conditions de fond (A) et de forme (B) doivent être respectés pour la constitution d’une SARL.

A. Conditions de fond

Aucune autorisation particulière n’est requise pour la constitution d’une SARL sauf pour certaines activités réglementées. Ainsi, les conditions de fond à respecter lors de la constitution d’une SARL sont relatives au nombre d’associés que peut compter une SARL et à son capital social.

S’agissant, tout d’abord, du nombre d’associés, une SARL peut être constituée d’un seul associé comme en France. Les associés peuvent être des personnes physiques ou morales et il n’est fait aucune distinction entre les personnes de nationalités turques et les ressortissants étrangers. Ainsi les ressortissants étrangers sont traités sur un plan d’égalité avec les Turcs.

En cas de constitution d’une SARL avec un seul associé ou en cas de réduction du nombre d’associé à un seul associé, il est nécessaire d’enregistrer auprès du Registre de commerce et de publier dans un journal d’annonces légales l’identité (nom et prénom), le domicile et la nationalité de cet unique associé.

La SARL ne peut compter plus de cinquante associés. Il s’agit de la seule société à connaître un tel seuil, ce qui lui garantit un caractère intuitu personae.

S’agissant du capital social, celui-ci doit être au minimum de 10.000 livres turques (“TRY”). Il peut être fixé librement par les statuts dès lors qu’il est au minimum de 10.000 TRY et que chaque part sociale a pour valeur minimale 25 TRY ou que cette valeur minimale est un multiple de 25 TRY. C’est aux associés fondateurs de fixer le montant du capital social. Les apports peuvent être faits en nature ou en numéraire.

S’agissant des parts sociales souscrites, 25% au moins du capital social souscrit doit être libéré avant même l’enregistrement de la SARL auprès du Registre de commerce et les 75% restants dans les 24 mois qui suivent cet enregistrement. Il faut ainsi ouvrir un compte bancaire provisoire au nom de la SARL en constitution pour déposer les 25% du capital souscrit en numéraire. Une fois ce dépôt réalisé, la banque rédige une lettre à l’attention du Registre de commerce attestant de la libération de 25% au moins du capital souscrit. Une fois que la SARL est enregistrée auprès du Registre de commerce, elle acquière sa personnalité morale. Si la SARL n’acquière pas sa personnalité morale dans un délai de trois mois à compter de l’authentification des statuts par le notaire, le Registre de commerce doit faire connaître cette situation à la banque qui devra restituer la somme déposée à leur propriétaire.

B. Conditions de forme

Les principales conditions de forme devant être respectées pour la constitution d’une SARL sont les suivantes :

➢ les statuts de la SARL doivent être établis par écrit et être authentifiés par le notaire ;
➢ les statuts doivent comporter des mentions obligatoires : forme, durée, dénomination, siège social, objet, répartition des parts sociales entre associés etc.
➢ les statuts doivent être signés par tous les associés ;
➢ les statuts doivent être enregistrés auprès du Registre de commerce et faire l’objet d’une publicité au Journal du Registre de commerce.

II. L’organisation de la SARL

La gérance de la SARL (A) ainsi que les droits des associés (B) sont strictement réglementés par le NCCT.

A. La gérance de la SARL

1. Le statut des gérants

La SARL est gérée par une ou plusieurs personnes physiques ou morales. Ces gérants peuvent être des ressortissants étrangers. Au moins un des gérants doit avoir la qualité d’associé. Si une personne morale est désignée en tant que gérante de la SARL, il est alors nécessaire que l’identité de la personne physique la représentant au sein de la SARL soit enregistrée auprès du Registre de commerce et publiée dans le Journal du Registre de commerce. Comme en France, les règles d’organisation de la gérance sont plus simples que dans les sociétés anonymes.

Les gérants sont nommés par les associés dans les statuts ou en cours de vie sociale.

Les gérants peuvent être révoqués uniquement pour juste motif. Le juste motif de révocation réside dans la faute de gestion du gérant, dans la violation, par celui-ci, des règles légales et/ou statutaires.

2. Les pouvoirs des gérants

Les gérants disposent de pouvoirs aussi bien dans l’ordre interne que dans l’ordre externe.

Dans l’ordre interne, dans ses rapports avec les associés, ce sont les statuts et, dans le silence de ceux-ci le NCCT qui déterminent les pouvoirs du gérant.

Dans l’ordre externe, vis-à-vis des tiers, le gérant peut accomplir seul tous les actes de gestion que l’intérêt social exige.

La société sera valablement engagée vis-à-vis des tiers alors même que l’acte passé par le gérant n’entre pas dans le cadre de l’objet social, à moins que la société ne rapporte la preuve que le tiers savait ou ne pouvait ignorer, compte tenu des circonstances, que le gérant dépassait ses pouvoirs.

La responsabilité de la société ne peut toutefois être mise en cause et ainsi elle ne peut être tenue des actes réalisés par le gérant vis-à-vis des tiers si le celui-ci exerce un pouvoir qui appartient en droit expressément à l’assemblée générale.

3. La responsabilité des gérants

Le gérant ayant un pouvoir de représentation de la SARL, c’est la SARL qui engage sa responsabilité vis-à-vis de tiers. En d’autres termes, les droits et obligations résultant du devoir de représentation des gérants appartiennent à la société. Par exemple, si un tiers subit un dommage du fait de l’erreur commise par le gérant accomplissant son devoir de représentation et de gestion, la société sera responsable.

Une exception au principe posé ci-dessus existe : la responsabilité du gérant vis-à-vis des associés, des créanciers et de la société lorsque celui-ci ne remplit pas ses devoirs _ hormis son devoir de représentation_. Dans une telle situation, il est possible que le gérant voit sa responsabilité engagée. Aussi, si le tiers poursuit la société pour un tel manquement de la part du gérant, la société dispose d’un recours reconventionnel à l’encontre du gérant.

B. Les associés de la SARL

Des prérogatives pécuniaires (1) et politiques (2) sont accordées aux associés de la SARL. Les associés peuvent également voir leur responsabilité engagée dans certains cas (3).

1. Les droits pécuniaires

Les associés ont droit aux dividendes, aux réserves ainsi qu’au boni de liquidation.

Suite à l’approbation des comptes annuels et au constat de l’existence de sommes distribuables, l’assemblée détermine la part attribuée aux associés sous forme de dividendes.

La part de chaque associé dans les bénéfices est proportionnelle à sa participation.

2. Les droits politiques

Dans les SARL, les associés qui n’ont pas la qualité de gérant disposent, tout d’abord, d’un droit à l’information sur les comptes annuels, les rapports de gestion et tous les autres documents de la société.

Chaque associé dispose du droit de participer aux décisions collectives et chaque part sociale donne droit à une voix. Aussi un associé ne saurait compter plus de voix qu’il n’a de parts.

Les associés disposent, entre autres, des droits suivants :

➢ droit de participer aux assemblées générales. L’assemblée générale peut se réunir en assemblée générale ordinaire ou extraordinaire ;
➢ droit de vote ;
➢ droit d’intenter une action en justice à l’encontre des décisions de l’assemblée générale ;
➢ droit de sortie de la SARL : soit cela est prévue par les statuts soit en l’absence de dispositions statutaires, il appartient à l’associé concerné d’intenter une action en justice pour obtenir une décision judiciaire l’autorisant à quitter la société. Dans ce cas, les autres associés peuvent également quitter la société dans un délai d’un mois à compter de la notification d’une telle décision ;
➢ droit de requérir la destitution d’un associé pour juste cause ou si cet associé est insolvable de la société. Dans ce cas, l’associé concerné peut intenter une action en justice tendant à l’annulation d’une telle décision prise par les autres associés dans un délai de trois mois à compter de la notification de la décision ;
➢ droit de demander la dissolution de la SARL à la juridiction compétente ;
➢ droit de participer à l’augmentation de capital proportionnellement aux parts dont il dispose ;
➢ droit de céder ses parts sociales.

3. La responsabilité des associés

Les associés ne sont pas responsables des dettes privées de la société et sont par conséquent responsables des dettes publiques.

Belgin ÖZDILMEN Avocate GÜRHAN LAW FIRM