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Les indications géographiques au Cambodge. Par Laurène Laborde, Elève-Avocate.
Parution : vendredi 30 mai 2014
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L’adhésion du Cambodge à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) le 13 octobre 2004 a impliqué une mise en conformité de la législation avec l’Accord sur les Aspects de Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPICS ou TRIPS pour l’acronyme anglais).

Recevant un écho particulier en raison de ses traditions agricoles et de son patrimoine culturel, le Cambodge a dans ce cadre élaboré un régime de protection des indications géographiques similaire au modèle européen .

Les indications géographiques sont définies comme des signes qui “servent à identifier un produit comme étant originaire du territoire d’un Membre [de l’OMC], ou d’une région ou localité de ce territoire, dans les cas où une qualité, réputation ou autre caractéristique déterminée du produit peut être attribuée essentiellement à cette origine géographique. [1]

Un régime de protection des indications géographiques nouvellement créé

Un bureau des indications géographiques a été créé au sein du Département Propriété Intellectuelle du Ministère du Commerce cambodgien en août 2007.

Par la suite et à titre provisoire, un décret du Ministère de Commerce de 2009 a défini un cadre légal de protection des indications géographiques. [2]

Sur le fondement de ce décret, deux indications géographiques ont été enregistrées : le poivre de Kampot et le sucre de palme de Kampong Speu.

Entrée en vigueur le 20 janvier 2014, la loi sur les indications géographiques est venue renforcer les dispositions existantes en prévoyant notamment des amendes allant de KHR 2,000,000 à 20,000,000 (environ 365 euros à 3652 euros) et des peines d’emprisonnement de 5 ans maximum pour les personnes physiques reconnues coupables d’actes de contrefaçon. La loi prévoit également une procédure de reconnaissance des indications géographiques étrangères .

Comme une marque, l’indication géographique permet au consommateur d’identifier l’origine d’un produit. Néanmoins, à la différence des marques, celles-ci permettent d’identifier un territoire particulier, et non une entreprise spécifique. Par ailleurs, les indications géographiques ne sont pas des droits privatifs. En tant que bien collectif rattaché à un territoire, elles confèrent uniquement un droit d’usage du signe dès lors que les producteurs d’un territoire délimité respectent un cahier des charges précis.

Selon la loi cambodgienne, la demande d’homologation d’une indication géographique doit être déposée auprès du bureau des Indications Géographiques du Ministère du Commerce par une association regroupant des producteurs et opérateurs d’une zone géographique délimitée et ayant un lien avec les produits indiqués dans la demande.

L’association doit fournir, dans sa demande, un cahier des charges regroupant l’ensemble des critères requis pour pouvoir bénéficier de l’indication géographique (définition de la zone géographique de production, conditions de production, définition des caractéristiques du produit, etc.).

Les indications géographiques au service du développement économique cambodgien

De façon générale, les indications géographiques permettent, en effet, de maintenir une activité alimentaire et agricole dans des régions de production parfois peu développées en profitant aux petits producteurs [3]. Elles permettent de valoriser des productions originales aussi bien pour le marché interne qu’à l’exportation. La reconnaissance du savoir-faire local, duquel découle notamment la qualité d’un produit, permet de pratiquer des prix plus élevés bénéficiant à l’ensemble des acteurs de la chaine de production.

Il y a également un lien certain entre le tourisme et les activités de production traditionnelle qui peut permettre à la population locale de bénéficier des retombées positives de l’indication géographique sur la région.

En ce qui concerne le poivre de Kampot et le sucre de palme de Kampong Speu, l’influence des indications géographiques en matière économique a déjà porté ses fruits.

Selon l’Association pour la Promotion du poivre de Kampot, les prix et les volumes de vente du poivre ont augmenté depuis l’obtention de l’indication géographique. En 2013, 21 tonnes de poivre de Kampot ont été vendues au prix de 11 dollars le kilogramme pour le poivre noir, 15 dollars pour le rouge et 18 dollars pour le blanc, à comparer avec les 4 tonnes de poivre vendues en 2008 aux prix de 4,50 dollars par kilogramme pour le poivre noir, 8 dollars pour le rouge et 10 dollars pour le blanc [4].

Le gouvernement envisage également l’homologation du riz de Thma Khaul de Battambang, le durian de Kampot et la soie Cambodgienne en tant qu’indication géographique [5].

Le Cambodge a un réel et important potentiel à faire valoir par le biais des indications géographiques , et, grâce à la richesse de ses savoir-faire locaux dans la production de produits traditionnels [6] , la valorisation des « indications géographiques » peut réellement contribuer au développement économique et social d’une région.

Laurène Laborde Schmitt & Orlov IPR http://schmitt-orlov.asia/

[1Article 22 accord ADPIC

[2PRAKAS On the Procedures for the Registration and Protection of Marks of Goods which include a Geographical Indication- Ministry of Commerce- No.105MOC/SM2009 http://www.cambodiaip.gov.kh.

[3Savoir Communs No9 Indications Géographiques : qualité des produits, environnement et culture- Agence Française pour le Développement & Fond français pour l’environnement mondial. Juillet 2010.

[4GI benefits yet to be fully realized- Daniel de Carteret and May Kunmakara - The Phnom Penh Post- 16 juillet 2013

[5GI products closer to fruition- Hor Kimsay- Phnom Penh Post- 8 mai 2014. http://www.phnompenhpost.com

[6François Martine et al., « Indications géographiques au Cambodge », Autrepart 2/ 2009 (n° 50), p. 75-91- www.cairn.info/revue-autrepart-2009-2-page-75.htm.