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Crowdfunding : emporté par la foule ! Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : mardi 3 juin 2014
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L’ordonnance 2014-559 créant le nouveau cadre réglementaire du financement participatif, ou « crowdfunding » a été publiée au Journal Officiel du 31 mai 2014.
Elle entre de nouveaux articles au Code monétaire et financier.

Il s’agit d’assurer le développement de ce nouveau mode de diffusion du crédit, au moyen de conditions juridiques sécurisées, visant spécialement la protection des consommateurs. Dans ce schéma dit participatif, très prisé, ceux-ci sont les prêteurs effectifs des fonds ; ils sont, simultanément, investisseurs, ou encore des épargnants choisissant un mode particulier de placement.

Ces nouveaux acteurs bancaires connaissent un grand essor , essentiellement, via des plateformes de collecte de fonds, qui permettent de réunir des moyens financiers qui seront directement affectés aux professionnels ou aux entreprises en recherche de ces fonds.

Le caractère direct de la relation financière, « désintermédiée » notamment de toute banque, ainsi que la transparence des frais, constitue le plus souvent l’argument de séduction de ces financiers d’un nouveau genre.

Deux statuts de professionnels du financement participatif sont créés : IFP et CPF.

La distribution des produits et des services bancaires connait une mue d’ampleur considérable.

Le financement participatif en présente l’une des images, avec les Courtiers en crédits ou IOBSP, mais aussi, la distribution directe.

A compter du 1er octobre 2014, la collecte de fonds en vue de prêts ou de dons relèvera du statut d’Intermédiaire en Financement Participatif, ou IFP (nouvel article L. 548-1 du Code monétaire et financier), supervisé par l’ACPR.

L’intermédiation en financement participatif « consiste à mettre en relation, au moyen d’un site internet, les porteurs d’un projet déterminé et les personnes finançant ce projet  ».

Il s’agit d’une innovation, puisque cette création se traduit même par la nécessité de pratiquer une entorse au « monopole bancaire » (art. L. 511-6 du Code monétaire et financier), l’un des pilotis les plus établis de ce Code.

Un agrément allégé d’établissement de paiement est envisageable pour ces IFP, bien que cette possibilité soit, en pratique, sans doute peu utile en raison de la présence de nombreux opérateurs de paiement.

La collecte de fonds en vue de l’achat de titres relèvera, à la même date, du statut de Conseiller en Investissement Participatif, au CIP. Il s’agit d’entreprises déjà existantes, TPE et PME jeunes ou non, débutantes, souhaitant placer une partie de leur capital auprès du public.

Les CIP sont les personnes morales exerçant à titre de profession habituelle une activité de conseil en investissement (article L. 321-1 du Code monétaire et financier), mais portant sur des titres de capital et de titres de créance (définis par décret). Ils offrent ces titres via des sites internet. Ils sont supervisés par l’AMF.

Ces CIP ne peuvent donner des consultations juridiques.

Ces deux nouveaux statuts nécessitent une immatriculation au Registre des Intermédiaires, tenu par l’ORIAS (article L. 546-1 du Code monétaire), pour l’assurance, la banque et la finance y compris, désormais, « participative » (tout nouvel article L. 547-2 du Code monétaire et financier).

Ces activités sont incriminées pénalement : le barème de l’article 313-1 du Code pénal est spécialement prévu à cet effet (articles L. 573-12 et L. 573-15 du Code monétaire et financier).

Les fondamentaux de l’Intermédiaire : appliqués logiquement aux deux nouveaux statuts.

Pour tous les nouveaux distributeurs de la banque, de l’assurance ou de la finance, la logique réglementaire repose sur les mêmes fondamentaux, principalement :

-  des statuts dotés de conditions d’accès, notamment la capacité professionnelle (idéalement, par la formation) et l’assurance de responsabilité civile professionnelle ;
-  une immatriculation matérialisant l’accès à la profession ;
-  l’assujettissement au contrôle prudentiel et à la surveillance des pratiques commerciales ;
-  des principes juridiques d’exercice, en particulier, une obligation d’information et de conseil.

Tel est, naturellement, le cas pour les deux nouveaux statuts.

Le Conseiller en Investissement Participatif (CIP), doit obligatoirement, être Membre d’une Association professionnelle agréée par l’Autorité des Marchés Financiers.

L’assurance de RC devra être effective le 1er janvier 2016. Mais les IFP et les CIP devront, dès le 1er octobre 2014, informer leurs clients de l’existence, ou de l’absence, de cette assurance RC.

Les obligations professionnelles des IFP comme des CIP sont listées dans des règles de « bonne conduite » (articles L. 547-9 et L. 548-6 du Code monétaire et financier).

Elles ne doivent pas être sous-estimées : elles créent un régime de responsabilité professionnelle autonome, lourd de conséquences, commerciales, organisationnelles et financières.

Ce nouveau régime créée une procédure juridique simplifiée d’offre de titres au public (art. L. 411-2 I bis), amenée à coexister avec celle déjà en place.

Les décrets d’application de l’Ordonnance, de plus en plus attendus des professionnels, restent annoncé pour le mois de juillet 2014.

Comme pour les autres métiers d’Intermédiaires, la création de ces statuts et de leurs régimes juridiques associés apporte des contraintes, indéniables, mais également une forte reconnaissance pour des circuits bancaires naguère considérés comme marginaux ou secondaires.

Les sites internet entrent ainsi en tant qu’acteurs complets du secteur bancaire ou financier, pris dans leurs acceptions rénovées et élargies à la commercialisation.

Avec de nouvelles nécessités pour ces opérateurs bancaires et financiers, notamment, de Conformité. Les règles de bonne conduite qui sont posées par le Code monétaire et financier vont appeler une discipline juridique stricte et active.

Dans une activité où le risque est forcément présent et assumé par le seul consommateur, ces dispositions offriront un cadre sécuritaire et intégré à des opérateurs qui suscitent de grandes attentes de ces consommateurs.

L’avenir dira si le financement participatif passera de la foule à la bousculade, ou, plus probablement, s’il trouvera sa place, paisible, parmi l’ensemble des nouveaux distributeurs.

C’est l’âge d’or du consommateur, qui dispose d’une palette de choix inédits dans ses modes d’achat.

Décidément, les mutations de cette distribution bancaire et financière sont un phénomène de très grande ampleur.

Laurent Denis Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires www.isfi.fr www.droit-distribution-bancaire.fr
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