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ORIAS et registre unique des intermédiaires IAS, IOBSP, CIF, CIP et IFP : l’embouteillage s’efface, la qualité demeure. Par Laurent Denis, Juriste.
Parution : jeudi 26 juin 2014
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Il demeure assez rare qu’une norme juridique fasse l’objet d’une évaluation complète. Le Code monétaire et financier a généralisé le principe du registre unique d’immatriculation des intermédiaires, distributeurs de produits bancaires ou financiers.

L’organisme en charge de ce registre des vendeurs d’assurance, de la banque ou de la finance (ORIAS), publie son rapport annuel pour 2013.

Une année exceptionnelle, notamment avec la mise en route de la nouvelle réglementation des IOBSP.

Un premier bilan qui révèle, par la statistique, les développements d’une configuration juridique encore toute neuve.

1. Le registre unique des Intermédiaires est désormais une réalité.
Amorcé par le Code des assurances [1], il figure désormais au Code monétaire et financier [2]. L’ORIAS, organisme assurant sa gestion [3] a étendu son champ de compétences et d’action à tous les Intermédiaires.

A son tour, cet organisme publie son rapport d’activité, pour l’année 2013, dans un exercice de transparence toujours appréciable.

Le rapport relève que l’ORIAS s’est mobilisé pour expliquer aux professionnels « les dispositions parfois subtiles du Code monétaire et financier ». Douce allusion aux méandres de la réglementation, qui nécessiteront la poursuite des gros efforts d’assimilation, de la part des Intermédiaires.

Face à un tel volume, l’engorgement était inévitable. Les IOBSP, en particulier, en ont fait les frais, en mars 2013, au terme d’une année de régularisation, pas toujours utilisée pour réunir les documents nécessaires. L’ORIAS le reconnait, avec une grande franchise, fait assez rare de la part d’entités publiques plus souvent promptes à défendre, contre tout entendement, leurs propres interprétations des réalités.

L’enquête de satisfaction réalisée en novembre 2013 montre qu’un intermédiaire sur trois estime satisfaisant le service délivré par l’ORIAS. Le sérieux et le professionnalisme des collaborateurs de l’ORIAS est reconnu. Les délais de traitement sont pointés comme principal point d’amélioration. Jusqu’en avril 2013, ils étaient près de quatre fois supérieurs à ceux retrouvés en fin d’année, pour les inscriptions, par exemple. Le mois de mars s’est soldé par une vague impressionnante de suppressions, notamment de Courtiers-IOBSP, dont tout laisse penser qu’elle aura eu le caractère exceptionnel conféré par la première année de mise en marche de la réglementation.

2. Le rapport rappelle les principales incompréhensions, ou difficultés, d’accès ; notamment, la capacité professionnelle, en dépit des nombreux assouplissements dont elle fait l’objet, demeure souvent négligée par les Intermédiaires. La capacité professionnelle entre dans une nouvelle dimension : celle de la formation continue.

Celle-ci est déjà impérative en matière de lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme (LCB-FT). Elle devrait s’étendre à l’ensemble des pratiques professionnelles ; la vitesse de mouvement du droit de la distribution bancaire, par exemple, motive cette évolution. Elle est inscrite dans la nouvelle directive sur les crédits immobiliers [4]. Cette exigence sera commune à tous les distributeurs, qu’ils soient intermédiaires ou rattachés aux établissements de crédit.

Les décisions de l’ORIAS, revêtant une nature administrative, sont contestables, soit amiablement (devant la Commission d’immatriculation de l’ORIAS), soit devant les Juridictions de cet ordre, à l’intérieur d’un délai de deux mois. Ce recours contentieux administratif est particulièrement ardu. De fait, six recours seulement ont été déposés, deux ayant déjà été tranchés en faveur de l’ORIAS.

A cette occasion, une tentative de question prioritaire de constitutionnalité (QPC) a même été formulée, à propos de l’article L. 322-2 du Code des assurances. Celui-ci fixe la liste des condamnations qui bloquent l’accès à la profession d’Intermédiaire d’assurances. Le Tribunal n’a pas jugé la question assez sérieuse pour être transmise.

3. A vrai dire, la pratique montre qu’une bonne part de l’effort réglementaire, immense, reste lourde pour les Intermédiaires.
L’ORIAS ne peut certes être tenue pour responsable des normes posées par le Code monétaire et financier, dont une partie, on le sait, pourrait utilement être simplifiée ou clarifiée. Sans parler de l’impérative mise en équivalence des obligations de distribution, entre les Intermédiaires et les fournisseurs vendant directement, qui devient une nécessité grandissante en matière de protection des consommateurs bancaires et financiers.

Combien de préjudices et d’accidents faudra-t-il subir pour que la protection des emprunteurs, par exemple, soit identique, quel que soit le canal de distribution ?

Pour l’heure, ces emprunteurs bénéficient d’une protection plus complète auprès des courtiers en crédits-IOBSP, délivrant réglementairement une obligation de conseil, qu’auprès des « Conseillers » bancaires, auxquels ils ne manque que le conseil, puisqu’ils sont limités à l’obligation de mise en garde due –essentiellement- aux clients non avertis.

Déjà, de nombreuses Cour d’appel pointent cette anomalie, dont l’évolution parait certaine et vouée à d’inutiles résistances.

Les règles de la responsabilité civile professionnelle bancaire, si importantes pour une grande partie des consommateurs et des professionnels du Droit, sont donc conviées à la clarification et à l’harmonisation, ces prochaines années.

Le rapport rappelle le mode relation établi entre l’ORIAS, d’une part, et l’ACPR ou l’AMF, autorités administratives indépendantes de supervision, d’autre part. Les demandes de la part des autorités nationales de supervision connaissent une forte hausse : 234 dossiers ont ainsi été transmis par l’ORIAS à l’ACPR, en 2013 (contre 119, en 2012), 4 dossiers à l’AMF, ainsi qu’une dizaine (chiffre stable) aux Institutions judiciaires. Après le contrôle d’accès, les actions directes de contrôles des pratiques se mettent en place ; leurs premiers résultats seront connus sous peu.

4. Le rapport souligne également le vif succès du Registre auprès des Consommateurs : près de 500.000 consultations, en 2011, pour plus de 900.000, en 2013. Le nombre de visiteurs uniques a presque doublé. Ces données traduisent tout l’intérêt de la démarche d’immatriculation et toute la transparence et la sécurité que celle-ci est susceptible d’apporter à des professionnels indépendants, aux marques, par nature, peu ou mal connues du grand public.

Cette fréquentation fait suite à la campagne de communication réalisée en 2013, relativement discrète compte tenu des moyens contraints déployés (mais il faut bien que même la protection des consommateurs s’adapte à la nécessité de gérer plus efficacement des moyens dont la réduction est un impératif national et collectif). Cette dimension est également intéressante, puisqu’elle montre qu’une norme juridique n’a de portée que si elle est activement partagée.

Au total, à la fin de l’année 2013, le registre présente plus de 83.000 intermédiaires inscrits, dont 21.000 courtiers d’assurances, 4.500 courtiers en crédits et près de 5.000 conseillers « patrimoniaux ».

Pratiquement un courtier d’assurances et un mandataire d’assurance cumule ce statut avec une autre catégorie, le cumul des catégories au sein d’un même statut d’Intermédiaire restant prohibé. La règle d’évitement des conflits d’intérêt reste au cœur des dispositions en vigueur, même si l’ORIAS rappelle qu’elle ne la contrôle pas.

5. La distribution assurantielle, bancaire et financière, indépendante des producteurs est donc une réalité en plein développement. A rebours des craintes, ou parfois des désirs, la mise en place de la réglementation n’a donc pas freiné ce dynamisme. Le nombre d’Intermédiaires ne fait que croître, depuis 2007, après une courte pause, en 2012 et une année 2013 bien mouvementée.

Leur répartition géographique s’avère déséquilibrée. L’Ile-de-France concentre 21% des intermédiaires, suivie de Rhône Alpes (10 %) de Provence Côte d’Azur (9%). Cette ventilation géographique montre un net décalage de certains territoires, en regard de leur potentiel de consommation bancaire et financière. Pour les CIF, l’Ile-de-France regroupe même jusqu’à 36 % des professionnels. Ces moyennes générales sont très proches, pour les seuls IOBSP. Gageons que les réseaux, en cours de constitution, auront à cœur de prendre cette dimension parmi les éléments de leurs stratégies commerciales.

Le déséquilibre par sexe est davantage marqué : la profession des intermédiaires compte plus de 82 % d’hommes. Une structure atypique, en comparaison de la répartition constatée dans les métiers bancaires ou assurantiels. La moyenne d’âge des intermédiaires avoisine 50 ans, un âge de maturité, d’expérience, de pratiques solides, qui place les clients en relation avec des professionnels confirmés. Le rapport ne précise pas l’ancienneté dans la profession d’Intermédiaire.

Les intermédiaires relèvent, en forte majorité (63 %), des activités de conseil et d’assurance. Ceux rattaché au commerce automobile représentent presque un professionnel sur cinq.

L’ANACOFI-CIF réunit 45 % des CIF, seuls professionnels dont l’adhésion à une association est obligatoire.

6. L’exercice infra-européen de l’intermédiation reste mal connu. Outre le fait que les Tchèques ont déclaré l’ensemble de leur propre registre comme exerçant dans tout l’espace économique européen, le manque de comparabilité des données des différents Registres européens ne permet guère de bien connaître la pratique transfrontalière de l’intermédiation.

La pratique en libre prestation de service (LPS) reste la plus répandue, les plus actifs étant les intermédiaires originaires de Belgique, du Luxembourg et d’Espagne.
Pour les IOBSP, elle devrait être prochainement possible, sous l’effet de la Directive « Mortgage Credits » [5].

C’est ainsi un très intéressant tableau des professions d’Intermédiaires que dépeint l’ORIAS. Il manque toujours des statistiques d’activité, de risques et de litiges, au premier rang desquels la commercialisation des produits par canal de vente fait toujours défaut. Il faut, certainement, attendre ces données des autorités de supervision, dont les missions portent sur ces sujets.

La réalité statistique de la distribution bancaire et financière est une nécessité, pour mieux comprendre l’impact des normes réglementaires et aborder plus sereinement leur indispensable simplification.

7. D’autant que le tapis roulant de la Réglementation avance. Les Directives DIA 2 (vente d’assurances) et MCD (crédits immobiliers) sont entrées en phase d’intégration, voire, de transposition, en droit national.

La Directive 2014/17 du 4 février 2014, sur les crédits immobiliers, est riche de nouvelles dispositions à fortes incidences, encore très peu décrites et présentées, outre la définition européenne des Intermédiaires de crédit, rappelée dans le rapport, et l’obligation de formation permanente, déjà évoquée. D’ici mars 2016, ses dispositions seront pourtant en application.

Enfin, 2014 sera évidemment marquée par l’intégration des activités de financement participatif, ou "crowdfunding", au registre unique. Dans l’attente des décrets d’application des nouveaux articles du Code monétaire et financier [6], ces professionnels viennent enrichir et compléter le panorama de la nouvelle vente bancaire et financière, pleine de promesses.

L’intéressant et très complet rapport 2013 de l’ORIAS procure de nouvelles réflexions sur un secteur en pleine mutation, dont les équilibres se déplacent nettement. Les incidences de la réglementation bancaire sur la configuration de la profession sont ainsi palpables. C’est l’un des bénéfices, purement statistique, du registre unique.

Poursuivre les efforts de conformité, pour les professionnels, affirmer rigueur et qualité, pour l’ORIAS, et clarifier et harmoniser la protection des consommateurs, pour les producteurs de normes : voici le trio prioritaire de la distribution bancaire et assurantielle des années qui viennent.

Rapport complet :
https://www.orias.fr/documents/13705/17234/2014.06.23_Basse_Def_ORIAS_FR-Rapport%20annuel_V7.pdf

Laurent Denis Juriste - Droit bancaire et financier - Droit et Conformité des Intermédiaires www.isfi.fr www.droit-distribution-bancaire.fr

[1article L. 512-1

[2article L. 546-1

[3art. R. 512-1 du Code des assurances

[4MCD, article 9, cf infra

[5MCD, cf infra

[6art. L. 548-1 et L. 321-1 de ce Code

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