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Sort des parts d’une SCI détenues par des époux communs en bien en cas de décès de l’un d’eux. Par Grégory Rouland, Avocat.
Parution : lundi 7 juillet 2014
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Suivant un arrêt du 12 juin 2014 [1], au décès d’un époux associé d’une SCI et commun en biens, son conjoint survivant et co-associé peut transmettre son titre (et non la valeur de ses parts) sans recueillir l’accord des coïndivisaires.

Un couple, marié sous le régime de la communauté d’acquêts, était associé d’une SCI. Chacun détenait 870 parts, et l’un de leurs sept enfants détenait 10 parts.

Consécutivement au décès du mari et alors que le partage des biens n’avait pas encore été effectué, l’épouse a fait donation des 870 parts dont elle était titulaire au profit de leur fils déjà détenteur de 10 parts.

Les autres enfants du couple ont alors assigné en responsabilité le notaire qui a dressé l’acte de donation, pour ne pas avoir vérifié le propriétaire des parts données à l’issue du décès et ne pas avoir recueilli leur consentement en qualité d’indivisaires des parts de la SCI.

La Cour d’appel a rejeté leurs demandes, ce que la Cour de cassation a approuvé au motif qu’ « à la dissolution de la communauté matrimoniale, la qualité d’associé attachée à des parts sociales non négociables dépendant de celle-ci ne tombe pas dans l’indivision post-communautaire qui n’en recueille que leur valeur, de sorte que le conjoint associé peut transmettre son titre sans recueillir l’accord de ses coïndivisaires ».

Si la Cour de cassation a statué de la sorte, c’est parce que conformément à l’article 1832-2, alinéa 3 du Code civil, l’épouse bénéficiait de la qualité d’associée pour la moitié des parts inscrites au nom de son mari.

Au décès de l’époux, la communauté étant dissoute, cela a eu pour effet de rendre indivis les biens des époux.

De fait, la veuve restait titulaire du titre de ses parts sociales, si bien que les enfants-héritiers n’avaient aucun droit sur ce titre. En revanche, la valeur des parts relevant de la masse commune, est tombée dans l’indivision post-communautaire au décès de l’époux.

En clair, les parts de la SCI détenues par l’épouse étaient communes en ce qui concerne leur valeur, le titre de ses parts lui restant propre. Dès lors, l’épouse pouvait parfaitement transmettre son titre par voie de libéralité sans devoir obtenir l’accord de l’ensemble des coïndivisaires pourtant prévu en ce domaine par l’article 815-3 du Code civil.

La solution est de bon sens : l’aspect non patrimonial d’un bien ne peut tomber en communauté et seule la partie évaluable en argent y tombe.

Cette solution visant à distinguer entre le titre et la finance n’est pas récente, mais s’inscrit dans un courant jurisprudentiel issu d’un arrêt « Gelada » [2]. Dans cette affaire, les héritiers du conjoint d’un associé commun en biens prétendaient disposer de droits indivis sur les parts sociales de ce dernier, pour critiquer une délibération à laquelle ils n’avaient pas été convoqués. La Cour de cassation les a déboutés en considérant que la succession « n’avait recueilli que la valeur des parts souscrites ».

Par cet arrêt du 12 juin 2014, la Cour de cassation confirme finalement une distinction classique entre les droits patrimoniaux et extrapatrimoniaux.

Grégory Rouland Docteur en Droit et Avocat [->gregory.rouland@outlook.fr]

[1n°13-16.309

[2Civ. 1ère, 9 juilllet 1991, n°90-12.503