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Les pénalités en matière fiscale. Par Didier Reins, Avocat.
Parution : jeudi 31 juillet 2014
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La fraude fiscale est au cœur des préoccupations de tous les gouvernements. Celle-ci se chiffre, chaque année, en plusieurs dizaines de milliards. À côté du cas précis de la fraude, qui suppose un comportement délibéré du contribuable pour échapper au paiement de l’impôt, existent également, en grand nombre, les erreurs involontairement commises par le contribuable. Ces erreurs sont d’autant plus compréhensibles que le droit fiscal est particulièrement opaque à celui qui ne le pratique pas régulièrement.

Quoi qu’il en soit, qu’il y ait fraude ou non, que le contribuable tente d’échapper au paiement de l’impôt ou commette involontairement des erreurs dans ses déclarations, cela crée un préjudice certain pour l’état et, par conséquent, pour le Trésor Public.

Ces erreurs et fraudes sont donc sanctionnées par le Livre des procédures fiscales qui permet à l’Administration fiscale d’appliquer des pénalités plus ou moins fortes selon les circonstances.

Voici les principales pénalités, étant précisé que notre droit fiscal recèle bien d’autres surprises désagréables pour le contribuable imprudent.

La pénalité de principe consiste à appliquer au contribuable un intérêt de retard de 0,4 % par mois. Cette pénalité, ou intérêt de retard, est applicable quelles que soient les circonstances, qu’il y ait fraude ou simple erreur de la part du contribuable, et s’ajoutera aux majorations et amendes encourues.

Le contribuable qui se rend coupable d’une fraude fiscale, par exemple, en dissimulant une partie de ses revenus, ou qui commet simplement une erreur dans la déclaration de ses revenus, se verra appliquer cet intérêt de retard en toute circonstance.

Juridiquement, il ne s’agit pas d’une sanction, mais d’un intérêt de retard destiné à réparer le préjudice subi par l’état, et donc par le Trésor Public, du fait du comportement du contribuable.

En plus de cet intérêt de retard s’appliquent des sanctions qui sont différentes selon les cas.

1. Les sanctions en cas d’insuffisance de la déclaration.

Cette hypothèse est celle où le contribuable déclare ses revenus mais réalise mal cet exercice.

Il y a alors insuffisance de la déclaration qui est par définition incomplète.

Les contribuables ont l’obligation de déclarer leurs revenus.

Cette obligation touche tant les personnes physiques que les personnes morales.

Lorsque cette déclaration est erronée, nous sommes en présence, soit d’une erreur involontairement commise par le contribuable, soit d’une véritable fraude orchestrée par ce dernier pour tenter d’échapper à une partie du paiement de l’impôt.

Il est évident que les sanctions ne sont pas les mêmes selon que le contribuable est de bonne ou de mauvaise foi.

En principe, le contribuable est présumé de bonne foi.

La présomption de bonne foi se retrouve d’ailleurs, de manière générale, dans toutes les branches de notre Droit.

On la retrouve dans le droit civil, où la bonne foi est toujours présumée.

On la retrouve également en droit pénal, on parle alors de "présomption d’innocence", et oblige le Parquet, partie poursuivante, à démontrer la culpabilité de la personne poursuivie.

On la retrouve enfin en droit fiscal, plus spécialement à l’article L 195 A du Livre des procédures fiscales, qui oblige l’Administration à établir et prouver la fraude du contribuable.

Si celle-ci n’est pas en mesure de rapporter la fraude du contribuable, celui-ci sera présumé de bonne foi et échappera à des majorations importantes.

La preuve de la mauvaise foi, ainsi mise à la charge de l’Administration, n’est pas facile mais elle peut se dégager du comportement du contribuable.

Exemple 1 :
Si le contribuable opère des déductions de charges qui sont basées sur des fausses factures ou des factures fictives, afin de diminuer le montant de son bénéfice ou de ses revenus, il est évident qu’il y a là un cas incontestable de mauvaise foi.

Le contribuable pourra éventuellement s’en sortir s’il peut établir qu’il n’est pas à l’origine de ces fausses factures, et qu’il ignorait leur caractère fictif.

Exemple 2 :
Lorsque le contribuable détruit des pièces justificatives permettant d’établir l’exactitude de son bilan ou l’exactitude de ses revenus, il est, là aussi, assez évident qu’il y a un cas de mauvaise foi destiné à frauder l’Administration Fiscale.

Exemple 3 :
L’existence de redressement antérieur permet à l’Administration Fiscale d’établir la mauvaise foi du contribuable.

En effet, celui-ci s’est vu notifier, pour les années précédentes, des redressements fiscaux qui n’ont visiblement eu aucun caractère pédagogique sur son comportement.

Si le contribuable opère, à nouveau, les mêmes erreurs pour les déclarations suivantes, l’Administration en tirera la conclusion qu’il cherche à éluder le paiement de l’impôt et qu’il est, par conséquent, de mauvaise foi.

a) Les pénalités en l’absence de mauvaise foi.

Rappelons que le contribuable est présumé de bonne foi.

Le contribuable peut, en toute bonne foi, commettre des erreurs dans sa déclaration de revenus, et cela, d’autant plus que le droit fiscal est une matière de plus en plus technique.

Dans ce cas, et si le contribuable est de bonne foi, il ne se verra appliquer que le seul intérêt de retard de 0,4 % par mois, traité plus haut.

Le point de départ de cet intérêt de retard varie bien évidemment selon les cas.

Exemple 1 :
En matière d’imposition sur les revenus, l’intérêt de retard de 0,4 % par mois courra à compter du 1er juillet de l’année qui suit celle au titre de laquelle l’imposition est établie.

Exemple 2 :
En matière de TVA, cet intérêt de retard courra à compter du premier jour de l’exercice suivant celui sur lequel porte la rectification ou le redressement fiscal.

Le point d’arrêt de cet intérêt de retard, c’est-à-dire le moment à partir duquel celui-ci doit prendre fin, sera le dernier jour du mois de la notification de la proposition de rectification faite au contribuable.

En effet, lorsque l’Administration s’est rendu compte d’une erreur du contribuable dans la déclaration de revenus et qu’elle opère ainsi une rectification, elle doit en avertir le contribuable en lui proposant le montant de la rectification projetée.

Elle lui écrira donc, en lui faisant part de ses propres calculs et du montant de l’impôt ainsi obtenu. C’est à partir de ce moment-là que l’intérêt de retard cessera de courir.

ATTENTION : Il existe un moyen d’échapper au paiement de l’intérêt de retard.
Comme chacun sait, déclarer ses revenus est bien souvent un véritable casse tête pour le contribuable.
Celui-ci peut se heurter à des difficultés d’interprétation de la réglementation fiscale surtout en cas de survenance d’une loi nouvelle.
Dans ce cas, si le contribuable formule officiellement une demande d’information auprès de l’administration fiscale, destinée à l’aider à remplir sa déclaration, et que l’administration ne répond pas à temps, alors celui-ci ne sera pas tenu au paiement de l’intérêt de retard.
Pour cela, le contribuable devra cependant joindre à sa déclaration de revenus la copie du courrier envoyé à l’administration fiscale.

Il existe enfin une règle dite de la tolérance légale qui permet au contribuable d’échapper, là encore, au paiement de l’intérêt de retard lorsque l’erreur commise dans sa déclaration de revenus n’excède pas un pourcentage de la base d’imposition.
Ce pourcentage qui varie selon les impôts concernés est par exemple de 20 % en ce qui concerne l’impôt sur les revenus des particuliers ainsi que l’impôt sur les sociétés.

b) Les pénalités en cas de mauvaise foi.

Cela suppose ici que l’administration fiscale puisse démontrer la mauvaise foi du contribuable.

Dans ce cas, celui-ci s’expose à une majoration de son imposition qui va de 40 % jusqu’à 80 % lorsque le contribuable a en plus utilisé des manœuvres frauduleuses pour dissimuler ses revenus.

2. Les sanctions en cas de déclaration tardive.

Toute déclaration de revenus, quelle que soit la nature de ces revenus, doit être faite dans des délais prévus et fixés par la loi. Ces délais ont pour finalité :

- de placer le contribuable à égalité avec tous les autres contribuables puisqu’aucun d’entre eux ne disposera donc, en principe, de délais plus longs pour déclarer certains revenus ;

- de permettre à l’administration de calculer l’impôt en disposant du temps nécessaire pour cela.

Si le contribuable ne respecte pas ce délai et déclare ses revenus avec retard, celui-ci se verra automatiquement appliquer l’intérêt de retard précédemment exposé.

À cela, s’ajouteront les majorations suivantes :

-  une pénalité de 10 % tant que l’administration fiscale n’aura pas écrit au contribuable pour le mettre en demeure de déposer sa déclaration ;

-  une pénalité de 40 % lorsque le contribuable n’a pas déposé sa déclaration dans les 30 jours qui suivent la réception d’une mise en demeure ;

-  une pénalité de 80 % en cas d’exercice d’une activité occulte.

Attention :

Une règle spécifique existe en matière d’impôt sur le revenu :
En pareille hypothèse, et lorsque le contribuable ne respecte pas le délai de dépôt de sa déclaration de revenus, celui-ci se verra appliquer une majoration supplémentaire de 10 % qui s’ajoutera à la première majoration de 10 %, qui est prévue en cas de dépôt dans les 30 jours qui suivent une mise en demeure. Autrement dit, et dans ce cas bien précis, le contribuable subira de plein fouet une majoration de 20 %...

Par ailleurs, il faut noter que certains avantages fiscaux tomberont immédiatement dans les hypothèses où s’appliquent les majorations de 40 et 80 %.

Ainsi, en matière d’impôt sur le revenu, les déficits et les réductions d’impôt ne pourront pas jouer en faveur du contribuable lorsque celui-ci aura déclaré avec retard ses revenus et se sera vu appliquer les majorations de 40 ou 80 % prévues par la loi.

De la même façon, et pour ceux qui paient l’impôt sur la fortune, ceux-ci ne bénéficieront pas de certaines réductions d’impôt prévues par la loi lorsqu’ils auront déclaré avec retard leurs revenus et se seront vus appliquer la majoration de 40 %.

Toute déclaration tardive des revenus, quel qu’en soit le motif, peut donc coûter très cher au contribuable puisque les majorations prévues par la loi sont automatiquement calculées et appliquées.

Bien entendu, un dialogue peut se nouer entre l’administration fiscale et le contribuable afin de diminuer le montant de ces majorations, en exposant les raisons pour lesquelles le contribuable a ainsi ignoré les délais légalement prévus.

La bonne foi du contribuable pourra bien évidemment être un argument.

3. Les sanctions en cas de paiement tardif de l’impôt.

Notre droit fiscal instaure des délais pour déclarer ses revenus.

Il instaure également des délais pour payer ses impôts.

Tout retard de paiement entraînera une majoration de l’impôt.
Le taux de cette majoration n’est pas uniforme et varie selon la nature même de l’impôt en question.

Ainsi, une majoration de 10 % sera appliquée en cas de retard de paiement pour :
- l’impôt sur les revenus
- la taxe foncière
- la taxe d’habitation
- les contributions sociales sur les revenus du patrimoine

Bien entendu, il convient de se reporter à chaque type d’imposition pour savoir si les délais de paiement ont été dépassés ou non.

De manière générale, chaque impôt fait l’objet d’une date de mise en recouvrement qui est inscrite sur l’avis d’imposition que reçoit le contribuable.

Si ce dernier ne s’acquitte pas, dans les 45 jours, de cette date de mise en recouvrement de l’impôt dû, la majoration de 10 % s’appliquera, et cela, que le contribuable soit mensualisé ou non.

Attention : La date de majoration de 10 % sera reportée de quelques jours en cas de télérèglement.
La même faveur existe lorsque vous utilisez ce moyen de paiement pour vos amendes.

À côté de la majoration spécifique de 10 %, une majoration de 5 % est prévue pour les retards dans le paiement de :
- l’impôt sur les sociétés
- la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises
- la taxe sur les salaires
- la taxe sur l’apprentissage
- la taxe sur le chiffre d’affaires
- les droits d’enregistrement ainsi que l’ensemble des droits de timbre

Bien entendu, et quel que soit le taux, il ne faut pas oublier que se rajoute toujours l’intérêt de retard de 0,40 % par mois qui est d’application générale.

Le droit fiscal, qui est une matière technique et opaque, oblige cependant chacun à une extrême méticulosité.

Quels que soient le niveau de connaissance du contribuable en ce domaine, ses moyens pour se prémunir contre les mauvaises surprises ou tout simplement son degré de compréhension, la sanction fiscale est implacable.

Il faut être d’autant plus prudent que le dépassement d’un délai n’est pas une appréciation subjective mais objective.
Le délai est dépassé ou il ne l’est pas, c’est un fait qui ne peut être discuté.

Cela ne signifie pas l’absence de tout dialogue avec l’administration fiscale mais cela implique d’avoir les mots et les arguments justes.

Le recours à un avocat en la matière est bien entendu un plus, car sa connaissance du droit fiscal pourra vous éviter de "trébucher" sur un écueil juridique.

Il y en a de nombreux dans ce domaine car le législateur n’a jamais cherché à faciliter le tâche du citoyen.

Didier Reins Avocat E-Mail : [->reins.avocat@gmail.com] Site Web: https://reinsdidier-avocat.com
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