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Conséquences du report de l’entretien préalable au licenciement à la demande du salarié. Par Franck Guenard, Juriste.
Parution : lundi 1er septembre 2014
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Analyse et commentaire de l’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation le 29 janvier 2014 (pourvoi n° 12-19.872 FS-PB)

Lorsque l’employeur engage une procédure de licenciement à l’égard d’un de ses salariés il est tenu par de nombreuses dispositions prévues notamment dans le Code du travail qui viennent réglementer la procédure dans son ensemble.

L’article L1232-2 dispose :

"L’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable. La convocation est effectuée par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge. Cette lettre indique l’objet de la convocation.

L’entretien préalable ne peut avoir lieu moins de cinq jours ouvrables après la présentation de la lettre recommandée ou la remise en main propre de la lettre de convocation."

Il convient de préciser que ni le jour de la remise de la convocation, ni le jour de l’entretien ne sont comptabilisés pour s’assurer du respect de ce délai. Le salarié doit donc bénéficier de 5 jours ouvrables pleins pour préparer ses explications [1].

Cet entretien demeure fondamental dans le cadre de la procédure pouvant conduire à un licenciement car il permet à l’employeur d’indiquer les motifs de la décision envisagée et au salarié de fournir des explications sur les faits qui lui sont reprochés [2].

Dans la pratique il peut arriver que cet entretien fasse l’objet d’un report soit à l’initiative de l’employeur lui-même (indisponibilité de dernier moment de la personne censée conduire l’entretien, erreur dans la convocation initiale), soit à l’initiative du salarié (absence à la date prévue, impossibilité physique de se rendre au lieu de l’entretien). Cette possibilité est admise par la jurisprudence dans le silence du Code du travail sur ce point.

En l’espèce dans l’arrêt rendu le 29/01/2014 un employeur convoque de manière régulière un salarié à un entretien préalable au licenciement qui devait avoir lieu le 16 octobre à 9h. Avant l’heure prévue le salarié sollicite auprès de l’employeur - qui l’accepte - le report de cet entretien, lequel est alors décalé de quelques heures. L’entretien a finalement bien lieu et le licenciement prononcé est par la suite contesté par le salarié.

Celui-ci demande que soit reconnu une irrégularité dans la procédure de licenciement avec une condamnation à des dommages-intérêts. A l’appui de sa demande il reproche à l’employeur - quand bien même il avait accepté sa demande de report - de ne pas lui avoir transmis une nouvelle convocation en bonne et due forme ainsi que de ne pas avoir respecté un nouveau délai de cinq jours ouvrables.

Les juges de la Chambre sociale casse la décision des juges de la Cour d’appel ayant fait droit à la demande de dommages-intérêts du salarié, considérant que " lorsque le report de l’entretien préalable intervient à la demande du salarié, l’employeur est simplement tenu d’aviser, en temps utile et par tous moyens le salarié des nouvelles dates et heure de cet entretien ".

Cette position est positive pour les employeurs qui, ayant déjà convoqué régulièrement leur salarié pour un premier entretien, accède néanmoins à une demande de report alors même qu’ils n’y sont pas tenus par principe. Par cet attendu la Cour de cassation permet à l’employeur une procédure "simplifiée" lorsque le salarié est à l’origine du report : l’information par tous moyens peut être réalisée par mail voire même par lettre simple, même s’il est recommandé de faire apparaître explicitement que le report a lieu suite à une demande du salarié et non unilatéralement décidé par l’employeur. En effet cette position est réduite à l’hypothèse où c’est le salarié lui même qui sollicite le report de l’entretien.

Conseil : en l’absence de jurisprudence quant aux conséquences du report de l’entretien suite à une décision de l’employeur sur la régularité de la procédure de licenciement il demeure fortement conseillé de tenir une position de prudence. Dans ce cadre on ne peut que conseiller à l’employeur de procéder à l’envoi d’une nouvelle convocation respectant à la fois les exigences de forme et de délai prévus par l’Article L1232-2 du Code du travail.

Par ailleurs l’information "en temps utile" dispense l’employeur de respecter à nouveau le délai de 5 jours ouvrables pleins. Le salarié doit simplement pouvoir s’assurer de la possibilité d’être assisté dans le cadre de ce nouvel entretien. Un arrêt en ce sens - dans le cadre d’une demande de report par le salarié - avait déjà été rendu par la Cour de cassation laquelle précisait alors quant au délai de 5 jours ouvrables qu’il "court à compter de la présentation de la lettre recommandée ou de la remise en main propre de la lettre initiale de convocation" (Cass.Soc. 24/11/2010, pourvoi n°09-66.616).

Enfin si l’entretien préalable conduit à un licenciement disciplinaire il convient de rappeler que l’Article L1332-2 du Code du travail prévoit que "la sanction ne peut intervenir moins de deux jours ouvrables, ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien". La jurisprudence a pu donner des précisions importantes lorsque l’entretien préalable fait l’objet d’un report à l’initiative du salarié : le délai d’un mois pour notifier le licenciement disciplinaire commence à courir alors à compter du second entretien et non du premier [3].

Franck GUÉNARD Juriste en droit social

[1Cass. Soc. 20/03/2013, pourvoi n° 12-11578

[2Article L1232-3

[3Cass. Soc. 23/01/2013, pourvoi n° 11-22724

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