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Le retrait des autorisations d’urbanisme : l’exemple du permis de construire. Par Fouziya Bouzerda, Avocat.
Parution : mardi 9 septembre 2014
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C’est la loi n°2000.231 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens avec leurs relations avec les administrations et la célèbre jurisprudence TERNON qui ont redéfinies les conditions de retrait des actes administratifs. Le retrait d’un acte permet à la personne publique de retirer un acte qui serait potentiellement contestable sur le plan de la légalité. C’est en quelque sorte un « droit de repentir ».

En matière de retrait des actes administratifs, il est traditionnel de classer les actes administratifs en deux catégories : les actes créateurs de droit et les actes non créateurs de droit. Cette dichotomie est importante puisque le régime juridique diffère selon le type d’acte en cause.

S’agissant des actes non créateurs de droit (règlementaires ou non réglementaires), le principe de stabilité des droits acquis ne paralyse pas le retrait de l’acte. L’acte peut donc en principe être retiré, qu’il soit légal ou illégal.

S’agissant des actes créateurs de droit, la solution est tout autre puisqu’il faut ici concilier le principe de légalité avec celui des droits acquis. Le retrait n’est donc possible qu’à deux conditions : l’acte, nécessairement illégal, doit être retiré dans un délai de quatre mois.

Le permis de construire crée des droits au profit de son titulaire. Il est donc un acte créateur de droits et partant son retrait est strictement conditionné. Le Code de l’urbanisme, en son article L. 424-5, est venu préciser les conditions de retrait : « Le permis de construire, d’aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peut être retiré que s’il est illégal et dans le délai de trois mois suivant la date de cette décision. Passé ce délai, le permis ne peut être retiré que sur demande explicite de son bénéficiaire ».

1. Conditions de forme du retrait de permis de construire

En application de la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs, le retrait de permis de construire doit être motivé, c’est-à-dire qu’il doit indiquer, précisément et par écrit, les raisons de fait et de droit ayant conduit au retrait. Le défaut de motivation constitue un vice de forme substantiel.

Ensuite, le retrait doit intervenir au terme d’une procédure contradictoire. Il ressort de l’article 24 de la loi n°2000-321 du 12 avril 2000 que : « Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l’amélioration des relations entre l’administration et le public n’interviennent qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. L’autorité administrative n’est pas tenue de satisfaire les demandes d’audition abusives, notamment par leur nombre, leur caractère répétitif ou systématique » .

CE, 26 octobre 2001, TERNON, n°197018.
Pour une application : CE, 23 avril 2003, BOUYGUES IMMOBILIER, n°249712.

Lorsque l’administration a dû procéder à une appréciation des faits, il résulte de ce qu’il précède que l’absence de motivation ou de procédure contradictoire justifie l’annulation juridictionnelle de la décision de retrait .

2. Conditions de fond du retrait de permis de construire

Le retrait doit intervenir dans un délai de trois mois. Ce délai est dérogatoire du droit commun puisque ce dernier prévoit, en principe, un délai de quatre mois. La date de déclenchement du délai varie en fonction du caractère tacite ou explicite du permis. Pour les décisions expresses, la date à prendre en compte est celle de la délivrance du permis de construire. Contrairement au délai de recours contentieux, le délai de retrait est « non franc », c’est-à-dire qu’il se calcule de quantième en quantième. Pour les décisions implicites, la date à prendre en compte est la date d’échéance du délai implicite d’acceptation.

Au delà du délai de trois mois, le permis de construire ne peut être retiré que dans l’hypothèse où il a été obtenu par fraude ou sur demande de son bénéficiaire, dans l’hypothèse ou ce retrait ne porte pas atteinte aux droits des tiers.

L’acte retiré doit être illégal : incompétence de l’auteur de l’acte, non respect des règles impératives du Code de l’urbanisme et/ou du plan local d’urbanisme… Cette condition est constante. Le cas échéant, le retrait encoure une annulation juridictionnelle.

Enfin, en cas d’annulation juridictionnel d’une décision de retrait, c’est l’autorisation initialement délivrée qui renaît. Toutefois, il faut noter que lorsqu’un retrait de permis de construire est annulé par le juge administratif, le bénéficiaire du permis de construire de nouveau en vigueur doit procéder à un nouvel affichage pour faire de nouveau courir les délais de recours, sauf à considérer que les délais de recours étaient expirés à la date du retrait .

CE Avis, 23 février 2005, HUTIN, n°27270.
CE, 19 décembre 1952, Mlle MATTEI, n°7133.
CE, 29 janvier 1993, n° 100.450, Comité de sauvegarde du cadre d’Aggripin
CE, 6 avril 2007, M.Chabran et autre, n°296493

Fouziya Bouzerda, Avocat http://www.cabinet-bouzerda.avocat.fr/avocat-lyon
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