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La médiation au secours d’un système judiciaire en déroute ? Par Jean-Louis Lascoux.
Parution : lundi 15 septembre 2014
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Le 9 septembre 2014, la ministre de la justice, Mme Taubira, a annoncé via le Parisien Libéré, qu’un conseil national de la médiation et de la conciliation allait être créé. Cette mesure va avec des restrictions budgétaires et un appauvrissement de l’appareil judiciaire. Pour la Chambre Professionnelle de la médiation et de la négociation (CPMN), seule organisation syndicale et représentation de cette profession émergente, ce conseil national de la médiation et de la conciliation est une nouvelle erreur, alors même que la CPMN a proposé une structure de ce type en 2011.

Depuis notre proposition de 2011, nous pourrions être satisfaits de cette annonce. En effet, cette structure ambitieuse ne saurait laisser indifférents les représentants de la profession de médiateurs. L’idée est issue de nos propositions pour la promotion de la médiation en l’occurrence, plus précisément il s’agissait d’une commission nationale de la médiation que nous voulions plus large. L’instance proposée est restrictive, même si la conciliation y a été raccrochée.

L’inquiétude des professionnels de la médiation.
Plusieurs points sont susceptibles d’inquiéter les professionnels et à fortiori les usagers. La proposition de 2011 se voit limitée au champ stricto sensu du système judiciaire en entretenant la regrettable confusion que la médiation serait l’apanage d’une conception juridique de la gestion des conflits, tandis qu’elle est une instrumentation de la libre décision et de la résolution des différends. La médiation doit offrir une authentique alternative aux modes traditionnels qui entretiennent les différends dans les arcanes du droit.

La médiation instrumente la libre décision.
Il est regrettable que cette idée soit dévoyée. Elle est de plus combinée avec la conciliation qui est une pratique qui n’a rien à voir avec une médiation dont l’objectif est de permettre aux personnes de retrouver les positions initiales de liberté qu’elles avaient lors de leur entente antérieure qui s’est dégradée. La conciliation reste liée au système d’autorité duquel la médiation permet de s’affranchir.
La conciliation fait partie d’une instrumentation liée à l’arbitrage et si, aujourd’hui, un échec patent peut être constaté concernant cette pratique, il apparait peu judicieux de tenter de la réhabiliter en l’associant à la médiation.

La médiation pour mieux décider non pour masquer des économies structurelles.
Dans le même ordre d’idée, la médiation dont il s’agit ici avec ce projet de conseil national, est une forme de médiation qui risque de servir illusoirement le projet de faire des économies structurelles, sans pour autant garantir aux citoyens la libre décision qui peut leur être promise. Il serait dommageable que les justiciables soient entrainés dans cette démarche où la qualité du résultat n’est qu’un discours tandis que priment une démarche idéologico-religieuse qui ne cache pas ses relations avec « la manifestation pour tous » et les préoccupations de restriction budgétaire. La qualité du lien social est celui du pacte entre les personnes dans notre société, il ne peut pas être l’otage de préoccupations idéologiques obsolètes et budgétaires.

Quelle est donc cette médiation qui a opportunément l’oreille de Mme Taubira ? Nous avons déjà eu l’occasion de qualifier cette forme de médiation de médiation pour obéir ; c’est à dire en fait un nouvel habillage des procédés de décision imposée par un tiers (Juge, arbitre) ou fortement suggérée (conciliateur). L’échec de la médiation familiale ne se corrige pas. La démarche entreprise est un entêtement dans l’erreur déjà faite avec les mêmes acteurs vers les mêmes écueils. La médiation généraliste doit-elle être entraînée dans ce naufrage et cette faillite ? La contre-productivité semble être aux commandes.

En plaçant la médiation sous la tutelle du ministère de la justice on pourrait croire que le droit ouvre la porte à la médiation mais en réalité, le droit à la médiation n’est pas respecté.

Nous proposons de travailler ce projet pour aménager les solutions mieux adaptées.
Les médiateurs professionnels (CPMN) interviennent dans les TGI avec un indéniable succès.
Notre démarche depuis 2001 a tracé l’orientation pour la professionnalisation de la médiation. Nous avons élaboré le premier code d’éthique et déontologie de la médiation – CODEOME. Ce code a été repris par des organisations Outre-Atlantique et sous des formes édulcorées par des organisations lobbyistes auprès du ministère de la justice.

Enfin, cette feuille de route s’est appuyée sur un travail unique dirigée par M° Agnès Tavel pour assembler et préparer la codification des textes législatifs et règlementaires concernant la médiation sous le titre de Code de la Médiation et du Médiateur Professionnel dont la 2ème édition a été préfacée par le 1er Président de la Cour d’Appel de Fort-de-France, M. Bruno Steinmann.

La CPMN offre de participer à améliorer le lien social et la pratique de la résolution des différends.
En tant qu’organisation syndicale, promoteur du droit à la médiation et de la laïcité, nous avons l’expérience de la médiation judiciaire avec des résultats constants et bien plus satisfaisants que toute autre association aujourd’hui qui prône cette approche de la médiation que nous désavouons.

C’est la raison pour laquelle nous proposons nos compétences pour pouvoir faire avancer ce projet dont nous sommes les initiateurs.

Jean-Louis Lascoux, auteur du Dictionnaire de la Médiation (ESF) ; Pratique de la Médiation Professionnelle (ESF) ; Médiation en milieux hostiles (ESF). Président du centre de recherche en entente interpersonnelle et sociale et ingénierie relationnelle - www.creisir.fr
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