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La licéité du covoiturage sur un trajet professionnel ? Par Olivier Rupp et René de Lagarde, Avocats.
Parution : mercredi 15 octobre 2014
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Selon une étude de Vinci Autouroutes réalisée en mars 2013 et rendue publique le 5 avril 2013 [1], 89% des déplacements en covoiturage sont réalisés dans le cadre de déplacements professionnels et 48% des « covoitureurs » interrogés ont déclaré que leurs frais de déplacement étaient pris intégralement en charge par leur employeur lorsqu’ils avaient recours à ce mode de transport. Il ressort également de cette étude que si l’immense majorité des personnes interrogées pratique le covoiturage entre collègues ou en famille, 2% d’entre eux ont recours à des sites de mise en relation.
Si le covoiturage réalisé grâce aux moyens mis à disposition du salarié par l’entreprise (véhicule de service ou de fonction ou remboursement des frais kilométriques) ne semble pas poser de problème lorsqu’il concerne des collègues de travail ou des proches, il convient de s’interroger sur la licéité d’un tel système lorsque le covoiturage est effectué avec les moyens de l’entreprise lors d’un déplacement professionnel avec des passagers contactés via des plateformes de mise en relation, la personne proposant et réalisant le covoiturage percevant via ces sites une participation calculée généralement selon la longueur du trajet parcouru.

La Cour de Cassation rappelle que le covoiturage est licite lorsque les sommes versées au conducteur par les personnes transportées indemnisent uniquement celui-ci des frais réellement supportés (essence, péage, dépréciation du véhicule…) et qu’ainsi le conducteur ne réalise aucun bénéfice [2], faute de quoi il exercerait une activité illégale de transport de passagers.
Le Ministère de l’Economie et des Finances a d’ailleurs récemment rappelé les règles en matière de covoiturage et expressément souligné le fait que «  le transport de passagers sous couvert de covoiturage, réalisé dans un but lucratif, est illégal. Il constitue en effet une activité de transport public non autorisée » [3]. Les différents sites de covoiturage rappellent d’ailleurs cette règle simple selon laquelle le conducteur ne doit pas réaliser de bénéfice faute de quoi il tombe dans l’illégalité.

Il convient, selon nous, de déduire de ces règles posées tant par la Cour de Cassation que par l’administration, une interdiction pour un salarié en déplacement professionnel de faire du covoiturage avec un tiers à l’entreprise et de percevoir une indemnisation dudit tiers. En effet, les frais de déplacement étant déjà intégralement pris en charge par l’employeur (voiture de service, de fonction ou remboursement des frais kilométriques), le salarié réaliserait à coup sûr un bénéfice et pratiquerait en conséquence une activité de transport public non autorisée. Cette position nous semble d’autant plus justifiée qu’en cas d’accident, le passager pourrait se retourner contre l’employeur afin de voir réparer son éventuel préjudice, le fait dommageable ayant eu lieu lors d’un trajet professionnel au cours duquel le salarié conducteur était soumis à un lien de subordination [4].

Par ailleurs, une telle pratique serait susceptible de justifier du licenciement du salarié concerné.

Nous recommandons en conséquence aux employeurs d’adapter les règles d’utilisation des véhicules de la société ou de remboursement des trajets fixées par des notes de services, par le règlement intérieur ou par les contrats de travail à ce nouveau mode de transport et aux salariés de ne pas s’adonner à de telles pratiques.

Olivier RUPP - René de LAGARDE BRS & Partners 88, avenue Niel - 75017 Paris Tel.: 01.55.37.15.00

[2Cour de Cassation, Chambre Commerciale, 12 mars 2013, n°11-21908)

[3Communiqué de presse du 07.02.2014 , n°1081

[4A rapprocher de : Cour de Cassation, Chambre Criminelle, 27 janvier 1971, n°70-91992

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