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Qu’est-ce que le droit à l’image ? Par Stéphanie Dalet-Venot, Avocat.
Parution : vendredi 31 octobre 2014
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Notre image peut-elle être captée et/ou utilisée sans notre consentement ? Notre droit à l’image est-il le même lorsque nous nous trouvons dans un lieu public ?

Un concept plus large que le droit au respect de la vie privée

Selon les tribunaux, « Toute personne a sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, un droit exclusif et peut s’opposer à sa diffusion sans son autorisation. [1] » Le droit à l’image est ainsi le droit dont dispose toute personne sur la fixation et la diffusion de son image.

Ce droit, qui n’est consacré par aucun texte juridique en particulier, est une création jurisprudentielle.

A défaut de texte juridique protégeant spécifiquement le droit à l’image, l’article 9 du Code civil, relatif à la protection de la vie privée, constitue la base commune aux droits dits de la personnalité, dont le droit à l’image fait partie.

Ce droit découle également de l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme, en vertu duquel toute personne a droit au respect de sa vie privée, droit qui inclut le droit à la protection de son image.

Pour autant, le cadre du droit à l’image est plus étendu que la sphère de la vie privée. Il est, en effet, reconnu à l’individu le droit de s’opposer à ce que son image soit saisie dans un lieu quelconque, c’est-à-dire même dans un lieu public.

En effet, le droit à l’image n’existe pas seulement dans les lieux privés ; il s’applique également si la personne photographiée se trouvait sur la voie publique au moment où la photographie a été prise : “la circonstance qu’une personne intéressant l’actualité se trouve dans un lieu public, ne peut être interprétée comme une renonciation à se prévaloir du droit que chacun a sur son image... ni entraîner une présomption d’autorisation [2].

Formes et contours d’une atteinte au droit à l’image

Mais comment se définit l’image d’une personne ? Est-ce sa physionomie, son allure, son visage ? L’image, qui peut se définir comme la représentation visuelle d’une personne, est le symbole visible par lequel la personne se distingue, aux yeux de tous, de ses semblables. Selon une approche restrictive, l’image d’une personne correspond à sa physionomie.

Le droit à l’image ne peut donc s’exercer que si la personne est identifiable. Dans une affaire datant de 2012 [3], la Cour de cassation a ainsi refusé de considérer comme portant atteinte à l’image, la reproduction d’une photographie d’un mannequin (réalisée lorsqu’elle avait prêté son concours à une troupe de danse) sur l’emballage d’un paquet de sucre, du fait de la taille infime de la reproduction (trois millimètres sur deux) du visage litigieux et de la mauvaise définition générale de l’image.

Encore faut-il que l’image de la personne soit également isolée de son contexte. Il est licite de prendre des photographies, dans un lieu public, de plusieurs personnes identifiables. L’autorisation ne devient nécessaire que lorsque l’image de la personne est isolée, prise pour elle-même (par exemple : Civ. 1ère, 12 décembre 2000, n° 98-21.311 : la photographie d’un enfant avait été prise par un photographe professionnel lors d’une fête folklorique, mais le visage de l’enfant avait été isolé de son contexte, pour en faire un portrait. La publication de ce portrait de l’enfant, sans l’autorisation de ses parents, a été jugée illicite.)

Si la reproduction photographique constitue la principale forme que peut revêtir une atteinte au droit à l’image, une vidéo ou une sculpture peuvent également constituer une atteinte au droit à l’image. Quant au support de l’atteinte, cela peut être un magazine, un site internet, une affiche, une plaquette, une émission de télévision ou encore un jeu vidéo…

Les limites du droit à l’image

Si le droit à l’image est garant d’une certaine protection de l’individu, il a toutefois certaines limites et exceptions. Ce droit doit, en effet, se combiner avec l’exercice de la liberté de communication des informations.

De ce fait, une personne ne peut s’opposer à la réalisation et à la divulgation de son image si le public a un intérêt légitime à être informé. Dans une affaire datant de 2005 [4], la Cour d’appel de Versailles a décidé : « L’image participant à l’information dont elle est l’un des moyens d’expression, les nécessités de l’information peuvent justifier qu’il soit dérogé à l’absence de consentement de la personne dès lors qu’est démontré le rapport direct et utile de la représentation de l’image avec une information légitime du public. »

Mais caractériser ce qu’est une information légitime est parfois délicat. La jurisprudence de la presse « people » est assez représentative de ce brouillard juridique.

Dans quelle mesure l’image d’une personne publique peut-elle être rattachée à une information qui peut légitimement être diffusée au public ?

L’existence d’un lien direct entre l’image et l’article ou l’événement qu’elle illustre va rendre son utilisation licite : a ainsi été reconnu licite la publication de photographies prises lors d’un festival, aux sports d’hiver, et illustrant un article alors même que ces photos représentaient une journaliste rendant compte de la manifestation, à un moment de loisir différent de ceux pour lesquels elle avait posé à titre professionnel [5].

En revanche, si l’image d’une personne publique est utilisée à des fins lucratives, elle n’est pas considérée comme une « information » à laquelle le public aurait nécessairement droit au titre de la liberté d’expression…

Les sanctions d’une atteinte au droit à l’image

Ainsi, si quelqu’un souhaite utiliser l’image d’une personne, à quelques fins que ce soit, il est avisé d’obtenir son autorisation de fixer et de reproduire son image et une autorisation d’utilisation de cette image.

A défaut d’autorisation, la fixation et l’utilisation illicites de l’image d’une personne prise dans un lieu public, exposera notamment l’auteur et l’utilisateur à des poursuites devant les juridictions civiles et au versement de dommages et intérêts.

S’agissant d’images captées dans des lieux privés, l’auteur et l’utilisateur de l’image s’exposent à des sanctions pénales. La fixation et l’utilisation, sans consentement, de l’image d’un individu sont, en effet, punies par l’article 226-1 du Code pénal. Selon cet article, « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait au moyen d’un procédé quelconque, de porter atteinte à l’intimité de la vie privée d’autrui en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé  ».

L’article 226-2 du Code pénal condamne, en outre, le fait de conserver, porter ou laisser porter à la connaissance du public ou d’un tiers ou d’utiliser de quelque manière que ce soit tout enregistrement ou document obtenu en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

Stéphanie Dalet-Venot Avocat au Barreau de Paris Modifier Changer la vue http://www.avocatsdaletvenot.fr/ http://www.legavox.fr/blog/e-reputation-et-droit

[1Cass. Civ. 1ère, 27 février 2007, n° 06-10393

[2CA Paris, 16 juin 1986 : D. 1987, Somm. p. 136

[3Cass. Civ. 1ère, 5 avril 2012, n°11-15328

[4CA Versailles, 23 juin 2005, n° RG 382

[5CA Versailles, 1re ch., 1re sect., 15 janv. 2009, n° 07/08935 : Légipresse 2009, n° 259, I, p. 38

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