Village de la Justice www.village-justice.com

Les conséquences de la nullité du contrat. Par Aurélie Cousin-Hennin, Avocat.
Parution : vendredi 28 novembre 2014
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Les-consequences-nullite-contrat,18387.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

La nullité du contrat, qu’il s’agisse d’une nullité absolue ou relative, emporte l’anéantissement rétroactif du contrat.
Le contrat est alors considéré comme n’ayant jamais existé de sorte que les parties doivent être remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant sa conclusion [1].
Cette remise en état entraine nécessairement des conséquences, que ce soit entre les parties au contrat (1), ou au regard des tiers à celui-ci (2).
Il convient toutefois de souligner que le jeu de la remise en état est soumis à quelques spécificités dans le cadre de certains contrats dits « à exécution successive ».

1) Les conséquences de la nullité entre les parties au contrat.

La première conséquence réside en ce que la nullité du contrat entraine un jeu de restitutions réciproques entre les parties aux fins de les remplacer dans leur état d’origine [2].
Cela consiste donc à restituer à l’autre le bien reçu initialement par lui en échange pour ce dernier de restituer ce qu’il a lui-même perçu en contrepartie dans le contrat.
En conséquence de la règle selon laquelle la nullité du contrat emporte de remplacer les parties dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la signature de celui-ci, le vendeur aura le droit, outre la restitution du bien, à une indemnisation compensant l’usure ou la dégradation de celui-ci. C’est dans ce sens que la Cour de cassation a jugé que le coût de la remise en état du bien devait être mis à la charge de l’acquéreur et que les juges du fond n’avaient pas à relever une faute à l’encontre de celui-ci [3].
Elle a néanmoins retenu qu’il n’y avait pas lieu à indemnisation pour compenser l’usage fait de la chose objet du contrat, antérieurement à sa restitution puisque « le vendeur n’est pas fondé à obtenir une indemnité correspondant au profit qu’a retiré l’acquéreur de l’utilisation » de la chose.

La restitution en nature n’est toutefois pas toujours possible, ce qui est le cas dans les contrats dits « à exécution successive », mais aussi dans les contrats comportant une obligation de faire.

La jurisprudence est alors constante sur le fait que « les restitutions réciproques (…) peuvent être exécutées en nature ou en valeur » [4], mais que « lorsque la remise en état se révèle impossible, la partie qui a bénéficié d’une prestation qu’elle ne peut restituer doit s’acquitter du prix correspondant à cette prestation » [5].

Le jeu des restitutions rendu nécessaire par la nullité du contrat s’opère alors par équivalence. Le juge devra donc évaluer la valeur équivalente à la prestation reçue.
La Cour suprême a néanmoins jugé que « la créance de restitution en valeur d’un bien, est égale, non pas au prix convenu, mais à la valeur effective, au jour de la vente, de la chose remise » et que « l’effet rétroactif de la résolution d’une vente oblige l’acquéreur à indemniser le vendeur de la dépréciation subie par la chose à raison de l’utilisation qu’il en a faite, à l’exclusion de celle due à la vétusté » [6].
La restitution s’opère alors également par équivalence si le bien a été détruit ou détérioré.

Une question s’est toutefois posée lors de l’annulation d’une vente immobilière lorsque le vendeur réclamait non seulement la restitution de l’immeuble, mais aussi le versement d’une indemnité d’occupation couvrant la période durant laquelle l’acquéreur avait occupé l’immeuble. Alors que la jurisprudence de la première chambre et de la troisième chambre était depuis longtemps divisée, un arrêt de la chambre mixte est venu mettre un terme à ces divergences. La chambre mixte de la Cour de cassation a ainsi retenu que « le vendeur n’est pas fondé, en raison de l’effet rétroactif de l’annulation de la vente, à obtenir une indemnité correspondant à la seule occupation de l’immeuble ». Elle poursuit cependant en indiquant que « la partie de bonne foi au contrat de vente peut seule demander la condamnation de la partie fautive à réparer le préjudice qu’elle a subi en raison de la conclusion du contrat annulé » [7]. La nullité du contrat m’empêche donc pas l’un des cocontractants d’engager la responsabilité délictuelle de l’autre en cas de faute de la part de celui-ci.

2) Les conséquences de la nullité à l’égard des tiers.

Dans la mesure où le contrat est censé n’avoir jamais existé en cas de nullité, cette dernière est donc opposable aux tiers. Il est à noter que cette conséquence se comprend au regard de la règle selon laquelle « nemo plus juris ad allium trasferre potest quam ipse habet » (personne ne peut transférer à autrui plus de droits qu’il n’en a lui-même).
Ainsi, par exemple, si le bien objet d’un contrat de vente nul a été revendu ensuite à un tiers, cette dernière vente est également nulle par principe. Dans ce cas, le jeu des restitutions aura alors également vocation à s’appliquer entre les cocontractants.

Aurélie COUSIN-HENNIN, Avocat au Barreau de Lille

[1Cass. 1ère civ. 16 juillet 1998 – Cass. 3ème civ. 2 octobre 2002, n° 01-02924.

[2Cass. 1ère civ. 2 octobre 2013, n° 12-24795 – Cass. 1ère civ. 11 juin 2002, n° 00-15297.

[3Cass. 1ère civ. 2 juin 1987, n° 84-16624.

[4Cass. 1ère civ. 11 juin 2002, n° 00-15297.

[5Cass. 1ère civ. 16 mars 1999, n° 97-12930– Cass. 1ère civ. 2 octobre 2013, n° 12-24795.

[6Cass.1ère civ. 8 mars 2005, n° 02-11594.

[7Cass. Ch. Mixte. 9 juillet 2004, n° 02-16302.

Comentaires: