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L’inaptitude du salarié. Par Cathy Neubauer, Avocat.
Parution : mardi 13 janvier 2015
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Lors de l’embauche du salarié, la visite médicale est obligatoire avant la fin de la période d’essai.
En cas de souci grave de santé, le médecin du travail peut rendre un avis d’inaptitude.

La visite médicale d’embauche.

Si lors de l’embauche du salarié, l’employeur doit faire procéder à une visite médicale pour vérifier l’aptitude du salarié et ceci au plus tard avant la fin de la période d’essai.
En effet, l’article R464-10 du Code du travail prévoit que le salarié bénéficie d’un examen médical avant l’embauche ou au plus tard avant l’expiration de la période d’essai par le médecin du travail.
Cet examen a pour but de s’assurer que le salarié nouvellement embauché est apte à exercer l’emploi auquel il se destine. Cet examen doit se renouveler de façon périodique.
Néanmoins il arrive que le salarié tombe malade ou ait un accident et se retrouve dans l’incapacité de continuer à remplir ses fonctions.
Après une absence pour maladie ou accident d’une certaine durée, il appartient au médecin du travail d’autoriser la reprise du travail ou de poser un diagnostic d’inaptitude.
Bien entendu, un seul examen suffit lorsque le médecin du travail déclare le salarié apte à reprendre le travail ; et ainsi le salarié a le droit d’être réintégré à son poste ou à un poste similaire. [1]
L’avis d’inaptitude, lui doit se faire en principe en deux visites.

La constatation de l’inaptitude médicale.

En deux visites.

L’article R4624-31 du Code du travail dispose que le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude du salarié à son poste de travail qu’après une étude de ce poste et des conditions de travail dans l’entreprise et deux examens médicaux de l’intéressé espacés de 2 semaines.

Il convient tout d’abord de rappeler que la visite de reprise se fait à l’initiative de l’employeur, ainsi il a été jugé que lorsque le salarié, sans se présenter à son travail, a pris l’initiative de se rendre chez le médecin du travail sans en avertir lui-même son employeur, cette visite médicale ne peut être qualifiée de visite de reprise. [2]

Et ni la visite à l’initiative du salarié effectuée sans avertir l’employeur, ni celle sollicitée par l’employeur et qualifiée « autre visite » par le médecin du travail, ne peuvent recevoir la qualification de visite de reprise. [3]

En une visite

Ces formalités de deux visites médicales ne sont pas requises dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers. [4]
En pareil cas, une seule visite suffit.

La Haute Cour est très pointilleuse quant au formalisme requis pour un avis d’inaptitude en une seule visite. Ainsi elle rappelle régulièrement que l’inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l’avis du médecin du Travail ou si cet avis indique, outre la référence à l’article R. 241-51-1 du Code du travail, qu’une seule visite est effectuée. [5]

Cette décision ne faisait ainsi que rappeler une décision antérieure, du 1er décembre 2005. [6] En l’espèce, une Cour d’appel avait considéré comme dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié licencié à la suite d’un avis du médecin du travail le déclarant inapte sans viser le danger immédiat. La société a alors formé un pourvoi en cassation, mais en vain. La Cour suprême l’a rejeté, rappelant que « selon l’article R. 241-51-1 du Code du travail, sauf dans le cas où le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour la santé ou la sécurité de l’intéressé ou celles des tiers, le médecin du travail ne peut constater l’inaptitude d’un salarié à son poste de travail qu’après deux examens médicaux espacés de deux semaines ; qu’il s’ensuit que cette inaptitude ne peut être déclarée après un seul examen médical que si la situation de danger résulte de l’avis du médecin du travail ou si cet avis indique, outre la référence à l’article R. 241-51-1 du Code du travail, qu’une seule visite est effectuée  ». Dès lors, poursuit la Cour, «  la cour d’appel n’encourt pas les griefs du moyen dès lors qu’elle a relevé que l’avis d’inaptitude émis par le médecin du travail le 28 avril 2003 ne faisait état d’aucun danger immédiat et, s’il indiquait bien qu’une seule visite était effectuée, se bornait à faire référence à une procédure spéciale d’inaptitude médicale définitive et totale au poste et à la fonction au sein de l’entreprise, sans autre précision ». Cette solution n’est guère surprenante, étant dans la droite ligne des décisions rendues sur ce point par la Haute Cour.

Qui relève exclusivement du médecin du travail.

Seul l’avis du médecin du travail est opposable à l’employeur en matière d’aptitude du salarié au poste de travail et ceci même si le médecin du travail n’est pas le seul à intervenir en ce domaine, son avis relatif à l’aptitude du salarié au poste de travail occupé est devenu un véritable passeport pour l’emploi, qu’il s’agisse d’obtenir un emploi ou de la conserver.

En effet, cet avis d’aptitude pourra justifier « une discrimination en raison de l’état de santé dans la mesure où l’inaptitude régulièrement constatée permettra le licenciement du salarié en présence de l’impossibilité démontrée de son reclassement ». Cette forme de « prééminence » du médecin du travail a été affirmée à de nombreuses reprises par la Haute Cour et, notamment, dans un arrêt en date du 9 octobre 2001. [7]

Dans cette espèce, un salarié avait été licencié pour faute grave pour avoir refusé d’exécuter un ordre de son employeur. L’intéressé justifiait son refus par le fait qu’il souffrait de problèmes de dos attestés par un certificat médical de son médecin traitant. Pourtant, la Cour de Cassation donne tort au salarié et approuve la cour d’appel qui, « ayant constaté que le refus du salarié d’exécuter les tâches dévolues en conformité avec son contrat de travail n’était pas fondé sur son état de santé, a pu décider que le comportement du salarié était de nature à rendre impossible le maintien de ce dernier dans l’entreprise pendant la durée du préavis et constituait une faute grave ». En effet, selon la Cour de cassation, le médecin du travail est seul habilité à constater une inaptitude au travail. En outre, ajoute la Cour suprême, cet avis s’impose aux parties en l’absence de recours administratif devant l’inspecteur du travail. Or, en l’espèce, le salarié avait seulement fourni un certificat de son médecin traitant contre indiquant le port de charges lourdes. Le médecin du travail, que le salarié avait pris l’initiative de consulter postérieurement à son médecin traitant, n’avait quant à lui émis aucune réserve sur l’aptitude du salarié. Dès lors, le refus du salarié d’exécuter la tâche commandée par son employeur n’était pas justifié par son état physique.

Bien entendu il existe des recours contre un avis donné par le médecin du travail, mais ce recours ne relève pas de la médecine de ville.
En effet, l’article L.4624-1 du Code du travail prévoit que :
« Le différend portant sur l’appréciation du médecin du travail est tranché par l’inspecteur du travail, après avis de médecin-inspecteur du travail. »

En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l’employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par tout moyen permettant de leur conférer une date certaine, à l’inspecteur du travail dont relève l’établissement qui emploie le salarié. La demande énonce les motifs de la contestation. [8]

La décision de l’inspecteur du travail peut être contestée dans un délai de deux mois devant le ministre chargé du travail. [9]

Néanmoins, quel que soit le motif de l’inaptitude elle doit forcément être constatée par les services de médecin du travail.
Il a ainsi été décidé que même en cas de classement du salarié en invalidité de 2ème catégorie, l’employeur ne peut licencier le salarié sans visite et constatation d’inaptitude rendue par le médecin du travail, sur le simple avis de mise en invalidité est considéré comme discriminatoire et donc nul. [10]

Les conséquences sur l’emploi.

L’obligation de tenter préalablement le reclassement du salarié.

Si le salarié est déclaré inapte à reprendre le travail à l’issue de la période de suspension, l’employeur a l’obligation de lui proposer un emploi adapté à son état de santé en tenant compte des observations du médecin du travail. [11]

L’employeur est tenu de prendre en considération les propositions du médecin du travail. [12]

L’employeur qui refuse de prendre en compte les propositions de reclassement émises par le médecin du travail, doit en faire connaître les motifs. [13]

Dans la mesure où il reste dans le cadre des prescriptions du médecin du travail, l’employeur conserve toute latitude pour apprécier les possibilités de donner au salarié un poste qui corresponde à son profil. [14]

L’avis d’inaptitude à tout emploi ne dispense pas l’employeur, quelle que soit la position prise par la salariée, de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en œuvre de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail. [15]

Enfin, le refus du salarié d’accepter une proposition de reclassement n’est pas fautive, mais l’employeur doit en tirer les conséquences, soit en faisant une autre proposition de reclassement, soit en licenciant le salarié. [16]

Dans un délai de 30 jours.

L’employeur doit licencier le salarié ne pouvant être reclassé dans le mois suivant la deuxième visite de reprise, sans quoi, il doit payer au salarié le salaire correspondant à l’emploi occupé avant la suspension du contrat. [17]

Le licenciement pour inaptitude physique, en l’absence de possibilité de reclassement, doit être prononcé dans le délai d’un mois suivant la date de l’examen médical qui a conclu à l’inaptitude. [18]

Le point de départ du délai d’un mois, durant lequel l’employeur doit rechercher à reclasser le salarié, court à compter du premier examen médical de reprise et non du second examen prévu par R. 241-51-1 du Code du travail. [19]

En l’absence de reclassement ou de licenciement, l’employeur est tenu de verser un salaire au salarié à l’expiration d’un mois à compter du second examen médical de l’article R. 4624-21 du Code du travail. [20]

Lorsque l’inaptitude du salarié est constatée dans le cadre d’un seul examen (danger immédiat), le délai d’1 mois à l’issue duquel l’employeur, à défaut de reclassement ou licenciement, doit payer à nouveau les salaires court à partir de cet examen unique [21]

Le délai d’un mois pour licencier ou reclasser le salarié inapte n’est pas suspendu par la demande d’autorisation de licencier un salarié protégé, effectuée auprès de l’inspection du travail. [22]

Qui débouche sur un licenciement en cas d’impossibilité de reclassement.

La résiliation par l’employeur du contrat de travail du salarié invalide qui ne peut plus exercer d’activité s’analyse en un licenciement qui ouvre droit à l’indemnité légale de licenciement ou, si elle est plus favorable, à l’indemnité conventionnelle. [23]

Étant entendu que les clauses des Conventions collectives qui excluaient les salariés licenciés dans le cadre de l’inaptitude, par arrêt du 8 octobre 2014 la Cour de Cassation a considéré que désormais de telles clauses ne pouvaient plus trouver à s’appliquer en raison de leur caractère discriminatoire en précisant notamment qu’était nulle en raison de son caractère discriminatoire fondée sur l’état de santé d’un salarié, la disposition d’une Convention Collective excluant les salariés licenciés pour cause d’inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident non professionnel du bénéfice de l’indemnité de licenciement qu’elle institue.

Il convient cependant de rappeler que dès lors que le licenciement est prononcé à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, il est assorti d’une indemnité compensatrice de préavis, et en principe, du doublement de l’indemnité de licenciement, alors que lorsque la rupture suit une maladie ou un accident simple, le contrat est rompu lors de la première présentation du courrier.

Cathy Neubauer Avocate

[1Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 25 février 1997 n° 94-41.351.

[2Cour de Cassation, Chambre Sociale, arrêt du 26 janvier 2011 n° 09-65.715.

[3Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 30 juin 2009 n° 08-41.637.

[4Art. R4624-31 du Code du travail.

[5Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 21 mai 2008 n° 07-41.380.

[6n°04-48.607.

[7Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 9 octobre 2001 n° 98-46.099.

[8Art. R4624-35du Code du travail.

[9Art. R4624-36 du Code du travail.

[10Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 13 janvier 1998 n° 95-45.439.

[11Art. L1226-2, Code du travail.

[12Art. L4624-1, Code du travail.

[13Art. L4624-1, Code du travail, en vigueur depuis le 1er mai 2008.

[14Cour de Cassation, Chambre Criminelle arrêt du 05 mai 1981 n° 80-91.423.

[15Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 10 mars 2004 n° 03-42.744.

[16Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 9 avril 2002 n° 99-44.192.

[17Art. L1226-4, Code du travail.

[18Circ. DRT, n° 93-11, du 17-03-1993.

[19Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 5 juin 1996 n° 94-43.606.

[20Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 28 janvier 1998 n° 95-44.30.

[21Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 6 février 2008 n° 06-45.551.

[22Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 16 octobre 2002 n° 00-44.433.

[23Cour de Cassation, Chambre Sociale arrêt du 12 novembre 2002 n° 00-45.414.