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Licenciement pour insuffisance professionnelle : attention aux conditions posées par la convention collective ! Par Alina Paragyios, Avocat.
Parution : mercredi 4 février 2015
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La jurisprudence considère depuis longtemps l’insuffisance professionnelle constitue une cause légitime de licenciement [1] qui n’a cependant pas de caractère fautif [2].

L’appréciation de l’insuffisance professionnelle du salarié relève alors en principe du pouvoir de direction de l’employeur, notamment par sa faculté à évaluer le travail de ses salariés [3].

L’employeur qui souhaite licencier un salarié pour insuffisance professionnelle doit alors invoquer des faits précis, objectifs, vérifiables et imputables au salarié [4].

Cependant, aujourd’hui, il est communément admis par la jurisprudence qu’une convention collective peut prévoir des conditions procédurales supplémentaires en matière de licenciement, notamment pour insuffisance professionnelle.

En effet, selon l’article L 2254-1 du Code du travail, « lorsqu’un employeur est lié par les clauses d’une convention ou d’un accord, ces clauses s’appliquent aux contrats de travail conclus avec lui, sauf stipulations plus favorables. »

Ainsi, par une décision en date du 23 mars 1999, la Chambre sociale de la Cour de cassation a jugé qu’en matière de non-application d’une disposition prévue conventionnellement, que quelque que soit la gravité de la faute commise par le salarié, son licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse du seul fait qu’il avait été prononcé sans saisine préalable de la commission disciplinaire prévue par la convention collective. [5]

Cette jurisprudence fut alors confirmée par un arrêt de 2005 dans lequel la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que constitue, pour le salarié, une garantie de fond, la procédure conventionnelle de licenciement. Il résulte de cette jurisprudence que le licenciement décidé en méconnaissance de cette exigence conventionnelle, ne pouvait avoir de cause réelle et sérieuse [6].

Ainsi, la protection la plus représentative en matière de licenciement pour motif non disciplinaire est mise en place par la Convention Collective Nationale de la Banque en son article 26, alinéa 1er.

En effet, au terme de celui-ci, « avant d’engager la procédure de licenciement, l’employeur doit avoir considéré toutes solutions envisageables, notamment recherché le moyen de confier au salarié un autre poste lorsque l’insuffisance résulte d’une mauvaise adaptation de l’intéressé à ses fonctions ».

La Cour de cassation a alors pu, à plusieurs reprise définir les contours de cet article :
Premièrement, la Cour de cassation semblait limiter l’application de cet article au fait que le salarié soutienne qu’il était inadapté au poste qu’il occupait ( [7])

La Cour de cassation rejette alors son pourvoi considérant que « le salarié n’avait jamais soutenu qu’il était inadapté au poste qu’il occupait » et la Cour d’appel ayant retenu une insuffisance professionnelle du salarié dont elle a estimé qu’elle ne résultait pas d’une inadaptation de l’intéressé à ses fonctions, au sens des dispositions conventionnelles, a légalement justifié sa décision.

Cependant, par un arrêt en date du 7 juillet 2010, la Cour de cassation effectua un revirement de jurisprudence. [8].
Cette nouvelle solution fut confirmée par un arrêt en date du 3 mai 2012.

Ainsi au terme de cet arrêt il faut en déduire que l’employeur, au titre de l’article 26 de la Convention Collective Nationale de la Banque, qui n’est pas tenu de confier au salarié un autre poste lorsque son insuffisance ne résulte pas de sa mauvaise adaptation à ses fonctions, doit justifier avoir considéré toutes solutions envisageables préalables à l’engagement de la procédure de licenciement [9].

Dans une décision récente du 17 décembre 2014, la Cour de cassation fait alors une exacte application de la jurisprudence précitée.
En effet, dans cette affaire, la lettre de licenciement du salarié faisait clairement état que le salarié licencié pour insuffisance professionnelle n’était pas parvenu à atteindre le niveau requis pour son positionnement au sein du groupe. La Cour d’appel en a alors déduit que le licenciement de ce salarié avait été prononcé en raison de la mauvaise adaptation de celui-ci à ses fonctions et a donc considéré que celui-ci devait être considéré comme sans cause réelle et sérieuse dès lors que l’employeur n’avait pas respecté les dispositions de l’article 26 de la Convention Collective Nationale de la Banque.

La Cour de cassation rejette alors le pourvoi formé par l’employeur sur ce point considérant que l’employeur ne justifiait ni n’alléguait avoir considéré toutes solutions envisageables préalables à l’engagement de la procédure de licenciement et fait ressortir qu’il n’avait pas recherché le moyen de confier au salarié un autre poste.
Ainsi dans cet arrêt la Cour de cassation rappelle premièrement que lorsque le salarié, travaillant dans une société où la Convention collective Nationale de la Banque est applicable, est licencié pour insuffisance professionnelle, l’employeur doit rechercher toutes solutions envisageables préalables à l’engagement de la procédure de licenciement, notamment la recherche d’un autre poste pour ce salarié lorsque l’insuffisance résulte de sa mauvaise adaptation à ses fonctions.

Me Alina PARAGYIOS Cabinet A-P, Avocats au Barreau de Paris http://www.cabinet-ap.fr

[1Cass. Soc. 25 février 1985, n°84-40446

[2Cass. Soc. 27 novembre 2013, n°11-22449

[3Cass. Soc. 10 juillet 2002, n°00-42368

[4Cass. Soc. 20 septembre 2006, n°04-48381

[5Cass. Soc. 23 mars 1999, n°97-40412

[6Cass. Soc. 5 avril 2005, n°02-47473

[7Cass. Soc. 28 septembre 2010, n°09-41588

[8Cass, Soc. 7 juillet 2010, n°08-45085

[9Cass. Soc. 3 mai 2012, n°10-23239