Village de la Justice www.village-justice.com

Le Droit du Travail en Irlande. Par Alain-Christian Monkam, Avocat.
Parution : mercredi 1er avril 2015
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/Droit-Travail-Irlande,19365.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

L’Irlande s’entend comme un Etat indépendant n’appartenant pas, comme l’Irlande du Nord, au Royaume-Uni. Pourtant, malgré la concurrence de la Grande-Bretagne, on ne compte plus les grandes multinationales qui y ont installé leur siège social européen ou d’importantes filiales (Google, Microsoft, Dell, Oracle, Apple...).

Ces sociétés sont notamment attirées par un régime fiscal avantageux ainsi qu’un droit des sociétés flexible.
Le droit du travail irlandais, souple et compétitif, est également un facteur important d’attraction des sociétés étrangères y compris françaises (par exemples Alstom, BNP Paribas, Pernod Ricard).

- Formalité d’embauche : l’employeur irlandais doit s’enregistrer en ligne auprès de l’administration fiscale et sociale (Revenue), y déclarer les salaires versés aux salariés en vue du paiement des taxes et charges sociales. Les éléments essentiels du contrat de travail (written statements) doivent être communiqués à tous les salariés effectuant un emploi d’une durée minimale d’1 mois.

- Salaire : il existe un salaire minimum irlandais (National Minimum Wage) qui, en 2015, est de 6.92€ de l’heure pour un travailleur de 18 ans, 7.79€ de l’heure pour un travailleur de 19 ans justifiant de 2 ans d’ancienneté, et 8.65€ de l’heure au delà. Ce taux n’a curieusement pas été réévalué depuis le 1er juillet 2011 ! On rappellera que le taux horaire du SMIC français est de 9,61€.

Il y a un prélèvement à la source des contributions sociales (Pay Related Social Insurance) ainsi que l’impôt sur le revenu (taxes) ainsi que de l’équivalent de la CSG (Unique Social Charge). On relèvera la faiblesse des charges sociales patronales tournant autour de 10,5% en ce qui concerne le PRSI. On rappellera que les cotisations sociales patronales en France avoisinent les 45%...

- Durée du travail : elle est de 48 heures maximale, calculée généralement sur une moyenne de 4 mois. Contrairement au Royaume-Uni, il n’y a pas de possibilité de dérogation possible pour prévoir davantage d’heures (no opt out).

- Congé payés : ils sont de 4 semaines, hors jours fériés.

- Congé maternité : 42 jours de congé maternité, divisé entre un congé principal de 26 semaines (statutory maternity leave) auquel s’ajoute un congé additionnel de 16 semaines (additional maternity leave). Sauf disposition contractuelle contraire, l’indemnisation du congé relève de la sécurité sociale irlandaise (Maternity Benefit).

- Contrats précaires : les CDD en Irlande peuvent en principe s’enchaîner avec le même salarié pendant 4 ans sans que l’employeur n’encoure de requalification en CDI.

- Procédure de licenciement : comme en Angleterre, il n’existe pas de procédure irlandaise légale de licenciement. En revanche, il y a un Code de bonne conduite qui est pris en considération par les tribunaux ’Code of Practice on Grievance and Disciplinary Procedures’ édité par le Labour Relations Commission.

Cependant, les délais minimum de préavis de rupture (plutôt courts) sont prévus par la loi : de 1 à 8 semaines suivant l’ancienneté du salarié.

- Licenciement collectif : à partir du licenciement envisagé d’au moins 5 salariés dans une même période de 30 jours, il convient de consulter les représentants du personnel au minimum 30 jours avant le prononcé des licenciements.

- Indemnité légale de licenciement : ce n’est légalement prévu qu’en matière de licenciement économique (’redundancy pay’) sous réserve que le salarié ait 2 ans d’ancienneté. Cette indemnité s’élève à 2 semaines de salaires par année d’ancienneté, étant précisé que le salaire hebdomadaire de référence à prendre en compte est plafonné à 600€.

- Prud’hommes : la législation sur les licenciements sans cause réelle et sérieuse (unfair dismissal) n’est accessible qu’aux salariés irlandais ayant un minimum de 1 an d’ancienneté. Le Tribunal doit être saisi dans un délai de 6 mois suivant la rupture du contrat de travail, sinon il y aura prescription. Les dommages intérêts sont plafonnés à deux 2 ans de salaires.

- Droit syndical : Bien qu’il existe plusieurs accords nationaux ou de branches (Employment Regulation Orders et Registered Employment Agreement) en matière de salaires et conditions de travail, il n’y a pas encore de loi ni de pratique contraignant un employeur irlandais à reconnaître des syndicats représentatifs ni à engager des négociations collectives obligatoires. Les syndicats irlandais sont cependant globalement représentés par The Irish Congress of Trade Unions ICTU. Même le Royaume-Uni n’a pas une conception aussi obscurantiste du droit syndical.

Après cette revue globale du droit du travail irlandais, on comprend mieux pourquoi Ryanair redouble de trésors d’ingéniosité pour soumettre ses pilotes au droit irlandais.

Alain-Christian Monkam Employment Solicitor et Avocat - Londres/Paris https://monkam.uk/
Comentaires: