Village de la Justice www.village-justice.com

La procédure d’expropriation, entre enquête publique et fixation de l’indemnité. Par Laurent Latapie, Avocat.
Parution : mercredi 22 avril 2015
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/procedure-expropriation-entre,19498.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Quels sont les droits des personnes expropriées tout au long de la procédure d’expropriation, entre délibération du Conseil Municipal et l’enquête publique ? Mais surtout, quels moyens a le citoyen pour obtenir une juste et réelle indemnisation de son expropriation ?

Il convient de s’intéresser au fonctionnement et aux spécificités procédurales de la procédure d’expropriation.
La Déclaration d’Utilité Publique et la procédure d’expropriation sont des procédures très encadrées.

En premier lieu, la commune souhaitant effectuer une expropriation dans le cadre de la réalisation d’un projet de service public ou d’utilité publique doit le faire acter et valider par délibération du conseil municipal,
Comme tout acte administratif, la délibération du conseil municipal peut faire l’objet d’un recours dans les deux mois suivant son affichage. Malgré tout, cette négociation préalable à la procédure d’expropriation n’est pas obligatoire.
La procédure d’expropriation comprend une 1ère phase administrative préparatoire au cours de laquelle la personne publique (État, collectivités…) doit démontrer l’utilité publique de son projet, et une 2ème phase judiciaire servant à transférer la propriété à la personne publique et à indemniser l’exproprié.

Premièrement, la phase Administrative et l’enquête préalable :

Bien souvent la lecture de la délibération du conseil municipal, permet de constater que nous sommes dans la phase de la demande d’ouverture de l’enquête.

La délibération du conseil municipal est transmise au préfet accompagnée d’un dossier composé d’une notice explicative ; du plan de situation ; du plan général des travaux ; des caractéristiques principales des ouvrages les plus importants ; de l’appréciation sommaire des dépenses ; de l’étude d’impact (non nécessaire pour des travaux d’aménagement mineurs) et de l’estimation sommaire des acquisitions à réaliser quand cela est nécessaire.

Une fois la transmission de ce dossier, le préfet prend un arrêté par lequel il ouvre l’enquête publique. Celle-ci est conduite par un commissaire-enquêteur désigné par le président du tribunal administratif.

Son ouverture est mentionnée dans l’un des journaux diffusés par le département et fait l’objet d’un affichage en mairie au moins 8 jours avant son démarrage.

Elle indique les heures et le lieu où le public peut prendre connaissance du dossier et formuler des observations.

C’est à ce moment-là, que les riverains auront la possibilité d’indiquer sur le registre prévu à cet effet leurs remarques et/ou doléances qui seront étudiés ensuite par le commissaire-enquêteur avant qu’il donne ses conclusions.

C’est seulement après cette phase, au vu des résultats de l’enquête du commissaire-enquêteur, si l’intérêt public du projet est déclaré, que le préfet pourra prononcer l’utilité publique en prenant un acte déclaratif d’utilité publique (DUP).

L’acte de Déclaration d’utilité public doit être affiché en mairie. Le jour de l’affichage sert de point de départ aux intéressés pour contester la DUP et engager un recours devant le tribunal administratif.

L’acte déclarant l’utilité publique (DUP) a pour but de déterminer d’une part, les parcelles à exproprier et d’autre part, l’identité des propriétaires, des titulaires de droits réels et des autres intéressés.

Lorsque la commune est en mesure, avant la déclaration d’utilité publique, de déterminer les parcelles à exproprier et de dresser le plan parcellaire et la liste des propriétaires, l’enquête parcellaire peut être faite, soit en même temps que l’enquête préalable, soit postérieurement.

La procédure d’enquête parcellaire est quasiment identique en tout point que la procédure d’enquête public. Une différence existe malgré tout entre les deux procédures, en effet, la commune notifie individuellement aux propriétaires (sous pli recommandé AR), le dépôt du dossier en mairie. En cas de domicile inconnu, la notification est faite en double copie au maire qui en fait afficher une. La notification individuelle est une formalité substantielle, elle doit être respectée scrupuleusement sous peine de nullité de la procédure.

Deuxièmement : la phase judiciaire :

La deuxième partie, la phase judiciaire comporte plusieurs étapes importantes, qu’il s’agisse du transfert de propriété proprement dit et de la fixation des indemnités.

Le transfert de propriété :

Le transfert de propriété peut se faire soit par le biais d’une cession amiable, soit par le biais d’une ordonnance d’expropriation,

a) Par cessions amiables : elles peuvent être :

Soit antérieures à la DUP (ces accords peuvent porter sur l’immeuble ou sur le prix ou sur les 2 à la fois, ce sont des ventes ordinaires soumises aux règles du droit commun) ; soit postérieures à la DUP mais antérieures à l’ordonnance d’expropriation (ces cessions ont tous les caractères attachés à l’ordonnance d’expropriation) ;

Soit postérieures au transfert de propriété par ordonnance (ces accords par lesquels les parties décident de fixer l’indemnisation, sans avoir recours au juge de l’expropriation, constituent un contrat de droit privé).

b) Par ordonnance d’expropriation : le dossier est transmis par le préfet au juge de l’expropriation (au Tribunal de Grande Instance) du département dans lequel sont situés les biens à exproprier.

L’ordonnance doit être prononcée par le juge dans un délai de 8 jours à compter de la réception du dossier.

Elle désigne chaque immeuble exproprié, précise l’identité des expropriés et indique le bénéficiaire de l’expropriation.

Elle ne peut être exécutée à l’encontre de chacun des intéressés que si elle lui a été préalablement notifiée par la commune.

Mais si l’absence de notification de l’ordonnance interdit l’envoi en possession, elle est sans influence, en revanche, sur le transfert de propriété.

L’ordonnance opère transfert de propriété à sa date ; elle doit donc être publiée au bureau des hypothèques.

Tous les droits réels existant sur les immeubles expropriés sont éteints par l’ordonnance d’expropriation et les inscriptions de privilèges ou d’hypothèques éteints, sont périmées à l’expiration d’un délai de 6 mois à compter du jour de la publication de l’ordonnance, d’expropriation devenue irrévocable.

De plus, tous les droits personnels (location, bail) existant sur les immeubles expropriés sont éteints par l’ordonnance d’expropriation.

La fixation des Indemnités :

Cette procédure peut intervenir à tout moment, même dès le début, à la condition que la commune connaisse exactement les biens à exproprier et la liste des propriétaires.

A défaut d’accord amiable dans le délai d’1 mois à partir de la notification des offres de la commune, le juge de l’expropriation peut être saisi, soit par la commune, soit par l’exproprié.

Dans les 8 jours, le juge fixe, par ordonnance, la date de la visite des lieux et de l’audition des parties. La visite des lieux doit être faite par le juge dans les 2 mois à compter de son ordonnance.

Ensuite, si à l’expiration d’un délai de 8 jours à compter du transport sur les lieux, la commune et l’exproprié sont toujours en désaccord sur les conditions de l’indemnisation, le juge se prononce par un jugement motivé.

Le paiement de l’indemnité et ses conséquences :

Le principe du paiement ou de la consignation de l’indemnité préalablement à la prise de possession domine le droit de l’expropriation.

En effet, la prise de possession ne peut intervenir que si : l’ordonnance d’expropriation ou la cession amiable sont intervenues et l’ordonnance notifiée ; les indemnités sont payées ou consignées ; et si un délai d’Il mois s’est écoulé entre le paiement (ou la consignation) et la prise de possession.

Le cas des emplacements réservés :

Les emplacements réservés sont établis pour les projets d’équipements, les espaces verts ou les programmes de logement social.

Ils traduisent un engagement des collectivités publiques de mettre en place des équipements publics sur leur territoire et sont situés selon les besoins et les moyens appréciés par la collectivité.

Il s’agira indifféremment de secteurs bâtis ou non. La superficie des emplacements réservés n’est pas limitée, elle est déterminée par l’emprise nécessaire à la réalisation du ou des projets.

Les emplacements réservés sont mis en place lors de l’élaboration du PLU, de sa modification ou de sa révision. En cas de contestation, il est nécessaire de faire un recours contre le PLU et non contre l’ER en particulier.

En conclusion :

Ainsi, force est de constater que la procédure d’expropriation est strictement règlementée et est composée de nombreuses étapes distinctes mais complémentaires.

Cependant, et nonobstant la technicité propre au droit de l’expropriation, il n’en demeure pas moins que le justiciable et citoyen a des droits qu’il doit préserver.

Il n’est pas la victime passif de l’expropriation décidée arbitrairement par la Commune.

Il peut tantôt contester le bienfondé de l’utilité publique de l’expropriation.

Il peut surtout se défendre pour assurer une pleine indemnisation de ladite expropriation, en combattant notamment les estimations et propositions des communes généralement dérisoires, et finalement, attentatoires au droit de la propriété.

Laurent Latapie, Avocat à Fréjus et Saint-Raphaël, Docteur en Droit, Barreau de Draguignan www.laurent-latapie-avocat.fr