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Le changement c’est maintenant : je change de marque / de nom de société ! Par Mathilde Ponchel et Juliette Robin, CPI.
Parution : jeudi 7 mai 2015
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Bongrain, Suez... sont des noms qui appartiennent au passé. Les modifications de marques ombrelles ou de noms de sociétés font grand bruit notamment car elles sont souvent annonciatrices d’autres changements (ventes, diversification, réorganisation…). Plusieurs situations ou contextes peuvent conduire une société à changer de nom ou/et de marque ombrelle. Voici un petit mémo des 5 points clefs incontournables à envisager lors d’un tel changement.

Parmi les raisons les plus fréquentes, on peut citer :

- une fusion entre plusieurs entités et l’adoption d’une marque globale : Les cas dans l’actualité récente sont légions, dernier en date : le Groupe Belge de télécommunication Belgacom vient d’annoncer le changement de son nom suite à une volonté de l’entreprise de communiquer sous un nom unique, à savoir Proximus [1].

- un souhait de symboliser une réorganisation : GDF Suez le géant français de l’énergie va se rebaptiser Engie.

- une volonté de se moderniser  : C’est le cas du groupe Lucien Barriere qui devient Barriere avec un logo très stylisé. Le groupe explique cette simplification notamment dans l’optique de faciliter les référencements sur Internet.

- une problématique juridique : Danone s’est retrouvé contraint de changer le nom de l’une de ses marques phares (Bio) suite à l’adoption d’une réglementation européenne interdisant l’usage de termes considérés par le consommateur comme une référence au mode de production biologique, le groupe a donc du abandonné Bio modifié en Activia.

- une volonté de changer d’image : En situation de crise, certains groupes préfèrent changer de marque ombrelle : Crédit Lyonnais, Spanghero sont des noms qui ont été abandonnés sur fond de scandale au profit de LCL et La Lauragaise.

Voici 5 points clefs incontournables de propriété industrielle à prendre en compte pour un changement sécure et réussi :

1/ Je sécurise mon nom : un timing et un budget doivent être prévus pour cette étape préalable (vérification de la disponibilité du nouveau nom, démarches de rachat, négociations d’accords…). Rares sont les noms complétement libres dans plusieurs pays. Il est très fréquent de devoir sécuriser un nom. Quel budget prévoir ? Le prix peut varier entre 1000€ et plusieurs dizaines de milliers d’Euros selon la taille de l’obstacle à éliminer.

2/ Je dépose mon nom à titre de marque et de noms de domaine :

A/ Sur le timing du dépôt : pourquoi et quand faire un dépôt conservatoire ? Le dépôt conservatoire (immédiat sans recherche préalable) est un dépôt pour prendre date tout de suite. En aucun cas il n’est suffisant pour sécuriser une exploitation. Il est opportun lorsqu’un nom risque de « fuiter » ou d’être déposé par un tiers et lorsque le projet va urgemment être divulgué. Dans ce cas le dépôt peut être fait discrètement…

B/ Le budget de dépôt (variable en fonction des classes couvertes et des territoires visés) correspond au cout des dépôts de marque lesquels sont valables pour 10 ans. Ce montant est donc étalé sur 10 années. D’expérience, les 2 années suivant l’année des dépôts, un budget doit également être prévu pour les éventuelles objections, notifications et citations des Offices des marques. Ce budget peut être évalué à environ 20% du budget de dépôts. En revanche, les 7 années suivantes la plupart du temps les examens et les procédures d’enregistrement sont terminés et donc généralement pas de frais supplémentaires à prévoir.

3/ Je dépose mon logo : seul ? Ou avec l’élément verbal ? L’idéal dans la plupart des cas est de déposer tel que la marque va être exploitée – parfois un contexte particulier peut justifier de déposer séparément le nom de son univers graphique.

4/ J’évalue la force juridique de ma nouvelle marque : le territoire de protection est directement lié à la nature de ma marque ? Distinctive, évocatrice ? Nom patronymique, marque géographique ? Quelles implications ? Je dois opter pour une nouvelle stratégie de défense (davantage d’action à faire car je ne bénéficie pas de la connaissance du public de ma marque et son effet dissuasif).

5/ Et si la société change de nom ? Il faudra prévoir d’inscrire cette modification sur les marques et les noms de domaine. Attention ici car l’adoption d’une dénomination identique à la fois pour désigner une marque et une dénomination sociale présente des inconvénients et les risques juridiques suivants.

Ce double usage risque :

- d’affaiblir la force juridique de la marque car la notoriété qui pourrait être invoquée par la marque pour augmenter son champ de protection sera diluée entre la société et la marque.

Pourquoi ? Parce que le jour où vous devrez apporter des preuves de notoriété de votre marque, il est crucial qu’un juge soit à même de distinguer ce qui se rapporte à votre marque et ce qui se rapporte à la société. Ce fut la problématique rencontrée par la marque RENT A CAR dont la distinctivité a été remise en cause récemment par une société adverse. Les juges ont reconnu la particulière notoriété de RENT A CAR mais pour la société éponyme et non pour la marque. [2].

- de créer un problème de prise en compte des preuves de l’usage de la marque en cas d’action en déchéance de la marque.

En effet, 5 ans après son enregistrement, une marque est soumise à usage. C’est-à-dire qu’elle peut voir sa nullité demandée devant les juges si son usage n’est pas prouvé pour les produits et services qu’elle couvre. Le risque ici est que les juges ne distinguent pas l’usage de la marque de l’usage à titre de nom de société. Or, un usage à titre de dénomination sociale ne valide pas une marque. Le risque est ici que des juges se prononcent pour la nullité d’une partie ou de toute la marque.

- d’avoir un impact défavorable en cas d’estimation financière de la valeur de la marque car, là encore, la distinction sera difficile à effectuer pour les différentes évaluations (comptables, marketing et juridiques) entre la dénomination sociale et la marque.

Quel enseignement ? Le changement de marque ombrelle et de nom de société est l’occasion de trouver un second souffle, véhiculer un nouveau message et un nouvel enthousiasme, c’est également le moment pour se poser les bonnes questions et prendre les décisions adaptées à la nature de ma marque (en terme de protection, de titularité, de stratégie de réaction).

En conclusion, c’est le moment propice pour concevoir et écrire la Politique de marque de l’entreprise.

Mathilde PONCHEL (@MATHILDEPONCHEL) Juliette ROBIN (@JRobinVernay) CPI chez Inlex IP Expertise