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Qu’advient-il du logement familial en cas de conflit dans le couple ? Par Noémie Houchet-Tran, Avocate.
Parution : lundi 8 juin 2015
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Selon la Cour de cassation, il s’agit du «  lieu où la famille a eu la volonté de fixer ses intérêts de manière permanente. »

Le mieux est d’essayer de s’entendre à l’amiable sur son sort.

En cas de violences conjugales un des époux est contraint de quitter le domicile pour sa sécurité. Il faut dans ce cas tout de suite déposer une plainte et se faire observer par un institut médico légal.
Le (la) procureur peut exceptionnellement interdire à l’auteur de se rende au domicile.
Il faut alors déterminer où la personne va pouvoir loger (il existe de nombreuses institutions qui aident à placer la personne).

L’ordonnance de protection est commune à tous les couples, mariés ou non. Il faut saisir le juge aux affaires familiales en urgence.
Il est possible de demander l’attribution du domicile conjugal. Si le bail est au nom de l’auteur des violences, cette mesure lui est opposable. L’attribution est automatique pour la personne mariée.
Il faut également demander la prise en charge des mesures liées au logement (prêt...). L’expulsion doit aussi être demandée. Il faut préciser que si jamais la personne ne part pas spontanément, le recours à la force publique sera possible. Le but est vraiment de protéger le plus possible et dans les meilleures conditions possibles la personne protégée. Le plus compliqué est cependant de prouver le péril éminent.

L’ordonnance est valable six mois, renouvelables une fois. Après, l’auteur des violences peut revenir dans le domicile.

Si les personnes sont mariées, normalement il s’agit du préalable à la procédure de divorce. Il est possible de déposer une requête en urgence [1] parallèlement à la requête en divorce.

Une fois l’ordonnance de non conciliation (ONC) rendue, plusieurs mesures provisoires intéressent directement le logement familial :
– Quel époux reste dans le domicile  ? (mais généralement à ce stade l’un des époux a déjà quitté le domicile donc la jouissance sera accordée à celui y étant resté, sinon il s’agira de voir la situation des enfants ou financière des époux),

– La jouissance est-elle à titre gratuit (au titre du devoir de secours ou de la contribution à l’entretien des enfants) ou onéreux  ?
Si le juge ne statut pas, elle sera onéreuse a défaut. De plus, la jouissance à titre gratuit ne peut être demandée que pour le domicile conjugal (pas pour les résidences secondaires pour lesquelles elle sera donc forcément onéreuse). Il s’agit dans ce cas d’un avantage à déclarer (implication fiscale importante). La jouissance à titre gratuit prend de toute façon fin au prononcé définitif du divorce. On bascule automatiquement en jouissance a titre onéreux. c’est-à-dire que celui bénéficiant de la jouissance est redevable d’une indemnité d’occupation (différente d’un loyer), due uniquement en cas de réelle privation (un époux ne peut garder les clefs) et qui sera versée lors des opérations de liquidation (même si l’époux qui en bénéficiait a quitté le domicile). Le juge n’en fixe jamais le montant en cas de désaccord. Il s’agit de prendre la valeur locative du bien, à diviser en 2 en cas d’indivision. On y applique en suite un abattement (de 20 à 40%) en tant qu’habitation précaire. La valeur finale n’est souvent connue que des années plus tard pendant la liquidation (problème pour la prévisibilité) soit pendant la phase préalable amiable obligatoire chez le notaire, soit à défaut devant le juge.

– Lequel des deux époux prend en charge les frais afférents au logement  ? (Eau, téléphone, taxe  d’habitation). Le juge va ici d’abord devoir analyser la nature juridique du logement. S’il s’agit d’un bien en location il ne peut que statuer sur les droits locatifs. Cette décision est inopposable au bailleur. Le fait que le bien soit propre à un des époux n’est pas un obstacle à la jouissance par l’autre. L’époux se voyant attribuer la jouissance sera en charge des dettes de vie courante, à défaut de toute demande formulée en ce sens. Cependant, il y aura un droit à récompense pendant les liquidations partage.
Dans tous les cas, l’époux restant dans le domicile pendant la procédure n’a pas plus de droit que l’autre (il ne peut vendre le bien ou supprimer l’assurance qui y est liée sans l’accord de l’autre). Il y a une indisponibilité du domicile pendant toute la procédure.

Si le couple n’est pas marié, on parle de droit d’usage et d’habitation au titre de la contribution à l’entretien et l’éducation des enfants.

Au moment du prononcé du divorce, en cas de désaccord, son sort peut été réglé dans  :
– La prestation compensatoire  : normalement elle est versée en capital mais cela peut aussi se faire via l’attribution des droits de l’époux propriétaire sur le domicile conjugal à l’autre. Cela n’est cependant possible que s’il est démontré que le montant ne peut été versé sous forme de liquidité. Le caractère subsidiaire a été clairement exigé et rappelé par la Cour de cassation, le Conseil constitutionnel et la CEDH car il est porté atteinte au droit de propriété d’une des parties, l’attribution valant vente forcée du bien. Cela n’est à ce titre pas possible pour un bien propre reçu d’une succession.
En pratique c’est très long car le jugement sera publié au service des hypothèques et devra à ce titre indiquer toutes les références cadastrales (ce qui n’est souvent pas fait donc il faut faire une requête supplémentaire en ce sens).

– Dans le cadre de la liquidation, si le bien a été attribué à titre préférentiel, cela ne vaut pas attribution forcée mais il s’agit d’une option sur celui-ci en vue de la vente. Il faut occuper de manière effective le bien. Il n’est pas besoin de venir démontrer sa valeur. Cependant il faut faire attention quand la demande est formulée car il est impossible de renoncer à l’attribution (prendre en compte le versement d’une soulte a l’autre époux), sauf si la valeur du bien a augmenté de plus du quart entre le prononcé du divorce et la liquidation. De plus il y aura une indemnité d’occupation à verser jusqu’à la vente.
Il est également possible que les époux demeure en indivision sur le bien via une convention d’indivision conclue pour 5 ans, renouvelables une fois. (Cela permet d’éviter le droit de partage).

Noémie HOUCHET-TRAN Avocat au Barreau de Paris nhtavocat.com Spécialiste en Droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine Droit international de la famille

[1Article 257.